Sa famille a annoncé hier soir le décès du chanteur kabyle Idir à l’âge de 70 ans. Ce fils de berger qui avait fait des études de géologie est arrivé dans la chanson un peu par hasard, mais aussi par conviction et par amour. On retiendra son engagement pour la culture kabyle et contre les obscurantismes religieux. Sur fond de grande humanité.
Hamid Cheriet est un enfant modeste du petit village d’Aït Lahcène (kabylie, Algérie). Une enfance bercée par la poésie, l’atmosphère magique des veillées familiales empreintes de traditions orales. Un terrain propice à la modestie et à l’écoute de l’autre. Plus tard, sous son nom d’artiste, Idir sera aussi un homme discret.
De sa voix chaude et envoutante, il a réussi à conquérir un public au-delà de son pays. En 1976, avec « A Vava Inouva » chanté en berbère, il a connu le succès dans près de 80 pays, traduit dans une quinzaine de langues. Un morceau sous forme de berceuse, le premier tube d’Afrique du Nord magnifié par sa voix chaleureuse, qui a fait prendre à sa culture natale une autre dimension.
La fraternité en étendard
Le parcours artistique d’Idir n’est pas une longue ligne droite sans cassures. Notamment par le fait qu’il a dû quitter son pays pour s’établir à Paris. Mais aussi parce-qu’il était loin du show-biz et de toute préoccupation carriériste. Plusieurs fois il a mis en suspens la musique, arrêté la production discographique, la scène. Mais il n’a jamais rangé ses valeurs. Notamment avec l’album « Identités » sorti en 99 où il invite Manu Chao, les Bretons Gilles Servat et Dan ar Braz, Zebda ou encore le grand chanteur Ougandais Geoffrey Oryema. Toujours la fraternité des peuples. Surtout quand les cultures sont minorisées.
Idir interprétant le Se Canta (occitan) à l’Etivada de Rodez
En 2007, en plein débat sur l’identité nationale, il sort un disque républicain « La France des couleurs » où il défend la diversité. Sa voix, ses chansons respirent l’ouverture, le partage, l’humanité, le voyage aussi. Comme le rapelle Le Monde, Pierre Bourdieu disait de lui : « Ce n’est pas un chanteur comme les autres. C’est un membre de chaque famille. »
Hommage de France 24
Un poète engagé des temps modernes
L’humanisme profond de l’homme se retrouve dans sa voix. Idir est avant tout un interprète. D’ailleurs en 2017 sur l’album « Ici et ailleurs », il reprend Lavilliers, Aznavour, Cabrel, en langue berbère. C’est aussi un musicien qui a d’abord appris l’instrument des bergers : la flûte. Viendra ensuite la guitare, puis les instruments traditionnels : bendirs, darboukas. Comme bon nombre d’artistes issus de cultures minorisées, il a pris les bases traditionnelles kabyles et les a modernisés. Tel des Nadau, Marti pour l’occitan, Dan ar Braz ou Malicorne chez les bretons, I Muvrini pour la Corse il n’a pas hésité à mettre de l’électrique, du moderne, sans renier quoi que ce soit.
En langue berbère, Idir signifie « Il vivra ». Cet admirateur de Brassens disait qu’une chanson valait 1 000 discours. Son oeuvre musicale n’est pas très quantitative, mais il aura marqué le paysage musical.
#idir son nom d’artiste était le prénom donné en Kabylie à l’enfant qui survit . Hamid Cheriet est parti , Idir lui survivra . Écoutez le encore et toujours
— rachid Arhab (@RArhab) May 3, 2020
Hommage de Berbère Télévision
Benoît Roux