Lorsqu’on écoute Fatma Saïd, on sent de suite la différence. Une voix lumineuse et prenante, une diction parfaite, de la conviction, la chanteuse égyptienne fait partie des révélations du moment. Elle vient de sortir un premier disque « El Nour » où l’on retrouve des morceaux classiques mais aussi des airs traditionnels arabes ou espagnols. Une nouvelle Maria Callas ? Oum Kalsoum? Peu importe, Fatma Saïd est atypique et envoûtante.
Elle a tout à peine 30 ans, mais Fatma Saïd s’est déjà produite sur les scènes les plus prestigieuses. Formée à la Hanns Eisler School of Music de Berlin, elle a reçu une bourse pour étudier à l’Accademia del Teatro alla Scala de Milan. Voilà pour son CV. Mais ce qui compte c’est de l’écouter et mesurer tout ce qu’elle en a fait. Et là, la magie opère. Un timbre de soprano, une voix très limpide, une souplesse, un tenu de note exceptionnel, beaucoup voient en elle une future Maria Callas.
Sa diction rend chaque mot intelligible, notamment en français qu’elle parle parmi d’autres langues. De comprendre la langue que l’on chante rend évidemment l’expression du chant plus fine. On perçoit de suite qu’elle maîtrise ce qu’elle chante, sur un plan technique mais aussi et surtout par apport au sens qu’elle donne à chaque parole. Son chant est à la fois intelligent et sensible. Une particularité assez rare qui fait penser à la Libanaise Sœur Marie Keyrouz.
J’adore la musique classique car le chant classique est ma profession. Mais j’aime tellement de genres musicaux différents !
La deuxième chose qui frappe, c’est sa curiosité, sa volonté de ne pas se cantonner à un seul répertoire. Son nouveau et premier disque est dédié à tout le pourtour méditerranéen. Comme une passerelle entre les cultures, une connexion grâce à la qualité émotionnelle de sa voix. Elle interprète des pièces de Bizet, Ravel et Berlioz, mais aussi des chansons andalouses de Manuel de Falla et les chansons traditionnelles répertoriées par Frederico Garcia-Lorca.
Fatma Saïd – Sévillane du XVIIIe siècle répertoriée par F. Garcia-Lorca
Elle n’a pas le duende d’une chanteuse de flamenco comme Carmen Linares qui a enregistré aussi ce répertoire. Mais elle colore chaque mot, chaque intonation de sa sensibilité et de son ressenti. Elle personnalise un répertoire déjà entendu mais jamais comme ça. Sans oublier ses racines au travers des découvertes comme le compositeur Gamal Abdel-Rahim ou ce morceau magnifique qu’elle a elle même composé, sublimé dans le disque par sa voix et le Ney, une flûte en roseau au son magique. Dernièrement, elle s’est produite en live à la télé allemande, seule au piano. Magique.
Dans une interview au journal 20 Minutes, elle déclare : « Je suis une personne, un caractère, une voix, un timbre. Et j’ai une culture. Je ne voulais pas d’un album d’airs de gala, comme c’est la tradition chez les sopranos. Je voulais faire quelque chose de différent. »
Son premier disque (« El Nour », la lumière en arabe) est une pure réussite artistique pétri d’intelligence et d’humanité. La diversité du répertoire démontre aussi son ouverture d’esprit.
Avant d’enregistrer ce disque, les spectateurs du Royal Albert Hall de Londres, du Concertgebouw d’Amsterdam ou tout récemment ceux du spectacle de la Tour Eiffel du 14 juillet dernier à Paris ont pu mesurer son talent et sa manière d’être avec une bonne humeur communicative. Fatma Saïd n’a pas fini d’envoûter et d’illuminer les plus grandes scènes. A écouter, les yeux fermés.
Benoît Roux