Quand Nadau arriba en vila.
Nadau arrive en ville et il ne vient pas de nulle part. Bien ancré dans le Béarn, le groupe a écumé les campagnes, égrainant de-ci de-là 40 ans de chansons pour un public sans cesse renouvelé. Ils n’ont pas l’air du tout viril et c’est plutôt beau à voir…
Car oui, enfin, Nadau se défait peu à peu de son image assumée de groupe rural qui conquiert difficilement les villes. En octobre dernier Nadau a été programmé à Odyssud à Blagnac. Une salle réputée et pas vraiment pour programmer de l’occitan. Résultat : premier concert sold out comme on dit en òc. Un deuxième jour en sus et une salle remplie en quelques heures. Un phénomène. « Sèm plan contents d’arribar pauc a pauc dins las vilas grandas » (Nous sommes très contents d’arriver peu à peu dans les grandes villes), nous dit Jan de Nadau.
Et puis, il y aura Paris et l’Olympia une quatrième fois le 10 mai 2014. Mais sans le train et le débarquement des Béarnais à Austerlitz comme jadis. Trop de rambalh et de soulerie. Mais la fête sera là. « 40 ans, serà la hèsta. I aurà una scèna dubèrta per totes los gropes. Per las cantas, las dansas, la musica… » (40 ans ça se fête. Il y aura scène ouverte pour tous les groupes. Pour les chants, les danses, la musique…). Jan va donc squatter l’Olympia avec ses musiciens et ses amis jusqu’à 2-3 heures du matin.
L’Encantada
Il y aura bien sur l’Immortèla, Un trin que s’en va de Pau et bien d’autres…Mais aussi les chansons extraites du nouvel album qui sortira vers le 15 novembre. 15 chansons pour la plupart déjà étrennées sur scène, mais réenregistrées pour l’occasion. Et après le Vam caminar de cap tà l’immortèla, Nadau a sorti un autre tube qui donne le titre de l’album : L’Encantada. Avec ce don sans pareil d’écrire des textes et des musiques auxquels s’identifient de suite les gens. Au point que beaucoup croient que ce sont des morceaux traditionnels. « L’Encantada a fat descolar lo grop dins lo Sud-Oèst cap e tot » (L’Encantada a fait décoller le groupe dans tout le Sud-ouest), nous dit le Jan. Pas une banda, pas une chorale, pas un groupe qui n’ait déjà repris ce qui est devenu le tube du Sud-ouest. « L’Encantada es vengut l’imne de las corsas landesas, del rugbí per exemple al Mont, al basquet a Pau » (C’est devenu l’hymne des courses landaises, du rugby comme à Mont De Marsan, du basket à Pau)… Et la modestie en prime : « Se sabiái cossi far un tube, ne fariái un cada matin…Vesi pas venir las causas ». (Si je savais faire un tube, j’en ferais un tous les matins. Je ne vois pas venir les choses)
Nadau, lo rocker en vèsta de cuèr
Populaire et sympathique certes, mais souvent revendicatif. L’un des nouveaux morceaux s’appelle L’adagio des abrutis. Référence à 2008 à Arbas pour le lâchage d’un nouvel ours. La Ministre de l’écologie Nelly Ollin est présente officiellement. Les opposants s’invitent. « Lo menaire (Philippe Lacube) es sortit del bòsc una esquèra a la man. A marchat cap a la caissa de l’ors…Nelly Olin los a tractats d’ases, d’imbecils ». (Philippe Lacube -le meneur- est sorti du bois une sonnaille à la main. Il a marché vers la caisse de l’ours…Nelly Olin les a traités d’ânes, d’imbéciles). Impossible à admettre pour Jan. Il en a fait un morceau instrumental vielle-cornemuse inspiré de Braveheart.
Notre « Robin des bois » béarnais est particulièrement affuté contre la société liberticide. « Defensa, aquela cançon l’ai arrestada en causa de la longor. Mas cada jorn se podriá ajustar un coplèt. » (« Defense », j’ai terminé la chanson à cause de la longueur. Mais chaque jour on pourrait y rajouter un couplet.) La liste des choses qui ne sont plus autorisées et des actes prohibés est en effet longue, très longue. « La libertat es tuada cada jorn. E dison que fan aquò dins lo nòstre interèst. Cal culpabilisar lo monde. Aqui lo cancèr de la societat. Fan de la securitat un business ». (La liberté est tuée chaque jour. Ils prétendent le faire dans notre intérêt. Il faut culpabiliser les gens. C’est le cancer de la société. Ils font de la sécurité un business).
Los dobridors de parapluèjas
Et Jan de rappeler qu’il devient très difficile d’organiser un concert. A Montech dans le Tarn et Garonne : 1 500 personnes et 12 vigiles pour la sécurité. « Per fotre la paur al monde » (Pour faire peur aux gens). A Luchon : 2 000 chaises à l’extérieur, et pas aux normes. 4 000 euros pour en faire venir d’autres ! Des fois que mamies, papys et autres adolescents envoient chaises et objets volants sur scène, tel un bon vieux concert des Who. On savait Jan grand admirateur de Springsteen, mais au point de déchaîner une telle violence !
« Es la republica dels dobridors de parapluèjas » ! C’est la république des ouvreurs de parapluies !
Nadau story
Jan va donc laisser son parapluie à la maison et poursuivre son oeuvre. » Content de la musica qu’avèm heita. Sem al servici d’una cançon, d’un repertòri. Cal anar cap a la simplificacion. L’essencial es de tocar lo monde. » (Je suis content de la musique que nous avons faite. Nous sommes au service d’une chanson, d’un répertoire).
Mission accomplie. Nadau c’est plus de 1 000 soirées, 13 albums (dont 8 en CD), 3 vidéos, 2 DVD plus de 60 000 disques vendus. Et toujours la même devise : « N’em pas aqui tà mushar que jogam plan » ! Nous ne sommes pas là pour montrer que nous jouons bien !
Benoît Roux