Sextette vocal épris de rythmes, le groupe San Salvador fait partie des très bonnes surprises du moment. Polyphonique, rythmique, le groupe corrézien vient de sortir un premier album très réussi après avoir emballé et mis le feu dans les festivals. « La grande folie » est une explosion de rythmes, de sons, de sensations, de transes très régénérants.
3 filles, 3 garçons qui se connaissent bien et qui partagent les mêmes valeurs artistiques, le même respect des traditions. Car voilà, ces trentenaires sont pour certains des « fils de », en l’occurrence des collecteurs et chercheurs dans le domaine des chants traditionnels limousins. Que ceux qui pensent encore que traditionnel sous entend « chiant » et « ringard » se rassurent : le groupe a sévi sur les plus belles scènes contemporaines : Vieilles Charrues, Transmusicales, Printemps de Bourges, Suds à Arles, sans oublier New-York et autres joyeusetés.
Chants vibrants et hypnotiques
Sans préjugé donc, il suffit de télécharger leur premier opus « La grande folie » ou de laisser un saphir traîner sur le vinyle. Difficile de ne pas se laisser emballer, hypnotiser par l’explosion qui s’en suit. Quelle énergie, quelle volonté de tout emporter, tout dépoussiérer, sans dénaturer les traditions. San Salvador compte 2 duos frère-sœur, dont les enfants d’Olivier Durif : Eva et Gabriel. Musicien et ethnologue, grand défenseur des chants traditionnels du massif central, Olivier Durif a dans un premier temps collecté ces chants dans les années 70 que l’on retrouve aujourd’hui sur la galette de San Salvador. Un véritable patrimoine revisité.
Claquements de mains, toms et autres percussions, voilà « La grande folie » qui démarre. Précision dans les chants, complémentarité et inventivité des voix. La force d’un collectif qui se connaît depuis le plus jeune âge. Là où certains trouvaient plus exotique de partir en quête du folk américain, d’autres ont préféré les campagnes françaises. Ils y ont trouvé un répertoire, un patrimoine tout aussi riche. Dans une interview donné à Francetvinfo, Gabriel Durif se confie : « On s’attache à être dans une fidélité à l’idée du chant des musiques populaires que l’on veut interpréter. Ce n’est pas un travail de technicité sur la voix. Nous n’avons appris à chanter nulle part. On chante comme ça vient, comme ça se présente à nous, les uns et les autres. Par contre, ce qu’on a appris, c’est que dans la musique qu’on découvrait, les sources de collectage des musiques populaires qu’on écoutait, on entendait que les gens ne trichaient pas. Ils ne trichaient pas avec ce qu’ils avaient à dire, à nommer. »
La Grande Folie
Vous les gens qui sont endormis, oh la grande folie…
8 morceaux composent ce premier album, dont le titre éponyme « La grande folie » qui a lui tout seul pourrait résumer ce premier opus. Une longue intro vocale et rythmique, le temps d’installer quelque chose pour mieux emporter le reste. Il n’est jamais facile de reproduire en studio la magie d’un concert, la puissance et la créativité d’un groupe fait pour le live. C’est pourtant le cas ici. Un véritable tourbillon qui vous donne envie de danser, de chanter, de se lever, crier, oublier, exister.
Un disque qui a d’abord existé lors des concerts et bals donnés par le groupe, travaillé rythmiquement, peaufiné dans les arrangements en gardant un maximum de spontanéité. Les morceaux sont protéiformes, presque sans fin, à la recherche du son, de la concordance, de cette grande folie qui surprend. C’est précis, virevoltant, volcanique, démesuré mais tellement prenant.
Les voix sont variées, tantôt dans les aigus pour les femmes façon « Voix bulgares » tantôt recherchant de la profondeur dans les graves. Tous les morceaux sont réussis. Mention spéciale à « San Josep », « La Liseta » et les somptueux « San Josep » et « Enfans de la campagna »
Et, au final, le groupe comme le disque respire la sincérité, l’honnêteté, la créativité à la fois punk et trad. Un chant vibrant, taillé dans le rock, emporté par les percussions. Unique et tellement beau.
Benoît Roux