12 Mar

La voiture à Paris, un vrai marqueur social… de moins en moins utilisé

Depuis le début de la campagne municipale, on entend beaucoup de contrevérités sur la place de la voiture dans Paris. Il faut dire que la voiture, les bouchons… sont des sujets ô combien épidermiques où la plupart des gens ont tendance à faire appel à leur ressenti et à leur expérience personnelle, plus rarement à l’analyse et aux statistiques. Revenons aux faits.

  1. La voiture est-elle un moyen de transport qui a le vent en poupe ?

La réponse est non ! Prenons un peu de recul avec ce graphique.

Depuis 1992, l’usage de la voiture a baissé de 52% … il y a donc aujourd’hui deux fois moins de trafic qu’il y a 30 ans. Statistiquement, c’est un moyen de transport en cours d’extinction. Nous vivons très clairement la fin d’un cycle initié dans les années 70.Comme vous pouvez le constater, cette baisse a débuté bien avant l’arrivée de la gauche à la mairie de Paris, même si cette baisse s’est accélérée ensuite, avec deux mandats « records ».

C’est donc bien un mouvement de fond, que l’on constate d’ailleurs aussi dans la région, à une autre échelle, mais qui s’accélère particulièrement ces dernières années à Paris

  • – 5% en 2018
  • – 8% en 2019 (record en la matière)
  1. La voiture est-elle un moyen de transport très utilisé ?

Là encore, la réponse est non !

Sur 100 déplacements effectués à Paris… seuls 11 sont faits en voiture ! soit environ 1 déplacement sur 10… c’est très peu… surtout lorsqu’on réalise que la voiture occupe 50% de la voirie parisienne.

La voiture est statistiquement très, très loin de la marche : 47% ou encore des transports en commun 33%. Le vélo est à 5%, mais en plein boom. Les deux roues motorisés entre 3 et 4%.

Si aujourd’hui, la voiture est clairement un sujet de préoccupation pour les Parisiens, c’est d’abord en terme de pollution de l’air et de bruit, bref de nuisances, mais assez peu en terme de mobilité.

Cause ou conséquence, 2 foyers parisiens sur 3 n’ont pas de voiture… une proportion qui s’est inversée lors des 15 dernières années. Et ceux qui en ont une l’utilise très peu : 50% l’utilisent moins d’une fois par semaine.

  1. Qui circule dans Paris ?

Il ne faut évidemment pas sous-estimer la place grandissante prise par les VTC, les taxis et autres livreurs de toute sorte, mais revenons à nos voitures particulières.

D’abord, première constatation, les automobilistes sont seuls dans leur véhicule dans 90% des cas. Paris, c’est le royaume de l’autosolisme. Avec en moyenne, seulement 1,1 individu à bord. Là où les usagers du métro s’entassent jusqu’à 4 personnes au m², les automobilistes sont quasiment seul dans leur 8m².

Mais alors, qui me direz-vous ? Est-ce des banlieusards ?

Oui, un peu, surtout dans les arrondissements périphériques, mais pas tant que ça : ¾ des banlieusards qui viennent travailler à Paris le font en transports en commun.

Alors est-ce des artisans, des femmes enceintes, des personnes à mobilité réduite… bref des personnes qui n’ont pas le choix, comme on l’entend souvent ?

Oui, en partie… mais ils ne représentent que 20% du trafic, soit donc seulement 1 voiture sur 5.

A noter d’ailleurs que contrairement à ce qu’on entend souvent, les personnes à mobilité réduite se déplacent sensiblement comme le reste de la population : seule un PMR sur 10 utilise sa voiture personnelle. C’est 4 fois moins que les transports en commun (4 sur 10), avec une préférence pour le bus et le tramway, pleinement accessibles.

Mais alors qui circule dans Paris ?

En fait, la voiture à Paris est un vrai marqueur social.

Une étude menée dans les 4 arrondissements centraux a montré que 64% des automobolistes étaient des hommes, CSP +, de + 50 ans. Tout ça pour faire du Paris -> Paris et parcourir en moyenne, 3.5 km, soit l’équivalent de 7 stations de métro.

Et si on affine un peu, on se rend compte que ces automobilistes habitent d’abord dans les quartiers les plus chics de la capitale. L’usage de la voiture est ainsi 3 fois plus élevé dans le 16e que dans le 18e arrondissement.

  1. Et demain ?

Je voulais terminer par un graphique assez étonnant. Lorsqu’on superpose sur une même courbe, l’usage du vélo et celui de l’automobile, en prenant 30 ans de recul, on réalise que ces courbes sont amenées à se croiser lors du prochain mandat du maire de Paris, à l’horizon 2025

.

Dans 5 ans, le nombre de cyclistes a de fortes chances d’être supérieur à celui des automobilistes…  C’est un mouvement de fond, entamé sous la droite et qui s’est poursuivi sous la gauche.

Bertrand Lambert @B_Lambert75

Pour aller plus loin : écoutez Julien Demade, chercheur au CNRS, invité de Parigo en 2017

Parigo #12 : peut-on se passer de voiture dans Paris ?
Parigo #59 : les automobilistes franciliens dans la ligne de mire
Automobilistes parisiens : ces privilégiés qui s’ignorent