Dans la discographie occitane et dans la discographie tout court d’ailleurs, il est des disques qui « resclantisson » : autrement dit, qui retentissent de façon éclatante. Ces disques-là, quand on les écoute, vous donnent des petits frissons sur les bras et dans le haut du dos. Ces disques-là vous font s’envoler en un instant. C’est un peu comme un grand bol d’air frais qui vous remplit les poumons, qui vous remplit le cœur.
Peut-être, ressentirez-vous tout cela en les écoutant. Elles, ce sont les « Daunas de Còr », (Dames de Coeur). Et un cœur, elles en ont un de… gros. Tellement gros qu’il est difficile de ne pas être ému par leurs vibrations chorales à l’écoute de leur premier album « AirEtèras ».
Imprégnées par la simple tradition du chant bigourdan, ces six voix inventent, réinvente une féminité polyphonique pyrénéenne. D’habitude, ce sont des hommes que l’on entend chanter, quelque fois des groupes mixtes mais des femmes et uniquement des femmes… Serait-ce presque interdit ?
Les « Daunas de Còr » osent et parcourent un répertoire qui part de la Gascogne et nous emmène jusque dans le Piémont Italien, du chant sacré en passant par le traditionnel et en occitan, majoritairement.
D’une force délicatesse, Nosta Dama de Varètja (Notre Dame de Barèges) introduit l’album et pose tout de suite un cadre : sans inutile fioriture, avec une multitude de dynamiques vocales et harmoniques. L’acre mélodie du Kyrie, interprété en suivant, nous transporterait presque dans les Balkans. Il s’agit pourtant d’un chant transmis par Nadeta Carita, une des six chanteuses du groupe, d’après la messe de Dumont en version polyphonique traditionnelle d’Ayros Arbouix en Bigorre. Puis des Landes en vallée d’Aspe, AirEtèras file son chemin vocal en toute liberté. Comme cette suite de bourrées auvergnates chantées « spontanément » par les filles. Les voix hautes, basses et normale « s’entremesclan » généreusement et même si les mains qui piquent les trois temps pour danser « la borèia » manque de précision, la diction rouergate elle, est parfaite. L’univers sonore qui enveloppe tous ces chants fait respirer l’album. Enregistrés en prise directe dans l’Eglise d’Arcizans-Avant, dont on entend la cloche sonner l’heure, à table, au restaurant, ou encore au coin d’une cheminée dont le feu crépite naturellement, les 18 chants s’achève au sommet : Montanhas sus Montanhas. Là, dans ces montagnes pyrénéennes où vivent Nadèta Carita, Anne Enjalbert, Valeria Vedere, Mimi David, Laurence Benac et Emilie Manescau : Les « Daunas de Còr ».
Clément Alet