27 Mar

Doolin’ : la bonne musique en toute simplicité

C’est le groupe de musique irlandaise qui fait référence dans plusieurs pays et notamment aux USA. Doolin’ est pourtant une formation bien française, et même tarno-toulousaine. Alors que sort un nouveau single qui annonce un album pour la rentrée, Doolin’ vient de commencer une tournée internationale qui passe aussi en Occitanie. Rencontre avec Nicolas Besse.

Doolin sur scène au Bikini de Toulouse ©Tristan Camilleri

Doolin est une petite ville située en Irlande sur la côte Atlantique. C’est désormais le nom d’groupe qui fait référence en matière de musique irlandaise. Les Membres de cette formation ont joué dans les plus grands festivals américains et européens, ils ont partagé les studios des plus grands noms de la musique irlandaise. Pas mal pour des artistes tarnais et toulousains.

Le tout nouveau single qui annonce un 4e album.

Depuis quelques jours, le single « Circus Boy » tourne sur les plateformes et le clip dépasse les 20 000 vues. Un titre bien écrit, efficace, aux sonorités irlandaises mais surtout très pop. Il y a le son Doolin’, un phrasé anglais impeccable du chanteur, des musiciens dans le même élan sonore et à l’arrivée, un titre qui résonne plus « chanson » que musique traditionnelle.

On y retrouve les virtuoses de la musique instrumentale (flûte, tambour irlandais, accordéon…) avec des influences multiples. « Notre musique, c’est le fruit de nos parcours. La musique irlandaise est le fil conducteur avec les influences de chacun : musiques black américaine, folk, américana, jazz. A l’arrivée, l’album sera plus pop-folk, un peu moins funk », reconnaît Nicolas Besse le guitariste de Doolin’.

Photo officielle du groupe Doolin’. Photo : Yann Orhan

Une fois de plus Doolin’ ne fait pas dans la demi-mesure. Après avoir signé sur le prestigieux label américain, Compass records, enregistré dans les studios de Nashville avec des prestigieux musiciens irlandais mais aussi ceux de Johnny Cash, ils sont allés poser leurs chansons au célèbre studio Ferber de Paris. « Quand tu vois qu’ils ont refusé Radiohead à l’époque car ils réservent leur studio aux habitués, c’est flatteur! » L’album avec 11 titres sortira à la rentrée. Le groupe a travaillé avec 2 réalisateurs : Olivier Lude (Indochine, Calogéro, M, Johnny Hallyday…) et Patrice Renson (Vanessa Paradis, Véronique Sanson, Maxime Leforestier…). A l’écoute du premier morceau, on se dit que Doolin’ a été le bon élève appliqué et désormais reconnu de la musique irlandaise et qu’il souhaite désormais aller plus loin. « Au départ on rend hommage, on travaille avec les grands maîtres pour apprendre, on va en Irlande. Quand tu es adoubé, tu prends confiance. Maintenant, on apporte notre touche. » Avec une reprise déjà testé en concert : L’amour sorcier » de Claude Nougaro.

Le morceau semble écrit pour eux. « Quand Hélène Nougaro l’a écouté, elle était très contente du résultat. »

Doolin, le live partagé

En 2020, comme tous les copains, les musiciens de Doolin’ sont restés chez eux. La tournée prévue aux States et au Canada attendra. La scène, c’est pourtant leur éclate. « On aime la musique live. Ca permet de sortir du carcan induit par la création de l’album. Il faut une identité pour un disque, on ne peut pas partir dans tous les sens. Sur scène, on est plus libres! ».

Pour faire vibrer le public, les Doolin’ sont désormais 5 où un claviériste a pris place. « Sur scène comme pour ce nouvel album il y a une dimension pop. C’est un peu plus jazzy et électro », assure Nicolas Besse. Dans la foulée du titre « Circus Boy », le décor fait référence à l’univers du cirque mais surtout à l’itinérance, le fait de se retrouver ensemble. « Quel plaisir de revenir sur scène. Nous sommes tellement frustrés, c’était extrêmement douloureux. C’est une grande joie de retrouver le public. »

La formation se produira dans un premier temps en France comme jeudi dernier 24 mars au Bikini de Toulouse. Ils ont partagé la scène avec Julii Sharp et Lombre. Si la première artiste était bien prévue, le second fait partie des invités surprises. Le jeune Ruthénois au talent multiple a déjà fai l’objet d’une chronique dans ce blog.

Il a aussi participé à l’une des toutes premières émissions C’est pas en Play-Back de France 3 Occitanie.

Pour en revenir à nos Tarno-Toulousains, la soirée du 24 mars au Bikini fut festive et enchantée avec une énergie communicative et partagée comme souvent avec Doolin’. Après cette date, Doolin’ participera au festival « Guitare en Save » le 4 juin puis dans le Tarn à Puylaurens le 18 juin avant de se produire à la salle Altigone (Saint-Orens en Octobre), avant de repartir prochainement sur les routes européennes et américaines. La virtuosité et l’authenticité de ces musiciens font de leur musique un vrai bonheur, partagé en toute simplicité.

Benoît Roux

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18 Nov

Toulouse : le nouveau très beau titre de Dame Géraldine

« Au nom de quoi », le nouveau single de la Toulousaine Dame Géraldine est beau et puissant. Comme d’habitude, elle signe la compo, le texte, les arrangements et la réalisation du clip. Un nouveau single bien ancré, l’illustration juste et parfaite de l’attachement qui vous mène en bateau.

Visuel du single « Au nom de quoi » © Dame Géraldine

« Au nom de quoi ? »

Au nom de quoi au reste, au nom de qui on peste, voilà qui pourrait résumer le thème de la chanson.

Boucles de clavier qui rappellent un peu le générique de la série X-files , tremblements de violoncelles que vient apaiser la voix, le piano qui indique des lignes de fuite… Aux frontières du réel, un début de chanson en tension et en fausse légèreté. Dans le clip, on retrouve la Dame sur un bateau, la fuite pour exprimer l’impossibilité psychologique de partir, le regard qui fuit et espère. L’artiste alterne entre une très belle voix aigue, déchirante, compensée par des échos de graves presque apaisants. La guitare arrive et déchire le flot du piano.

Dis moi, Tu es resté là, À force de ses draps, À force de ses bras. Dis moi, Tu es resté là, À force d’y penser, À force de céder ».

L’amour qui mène en bateau

La voix est très belle, pure, déchirante, le rythme s’emballe sur le refrain. Le texte est travaillé direct, le mot qui vise juste et atteint sa cible. Le clip dont elle a assuré la réalisation est tout en surimpressions, en fondus image où alternent les grands espaces et l’enfermement, une danse inexorable vers l’indéfectible lâcheté humaine.

Les fausses cordes à la fin qui mettent des pointillés au temps interminable, cette bouteille jetée à la mer n’en finit plus de faire des ronds dans l’eau. Le lien s’enlise, se noie et a du mal à se défaire, la lâcheté pour parfaire.

Une artiste exigeante

Pour ceux qui suivent la Dame depuis quelques lunes, ce titre n’est pas complètement nouveau. La musique est celle d’un autre titre : « Sacha ». On y retrouve toutes les composantes qui font la singularité de l’artiste. Une musique pas franchement classable (et c’est tant mieux), une méticulosité dans la recherche de sons, d’images aussi car elle réalise la plupart de ses clips. « Au nom de quoi » est certainement le single le plus abouti à ce jour, un équilibre entre les mots, les sons, l’atmosphère pesante. La voix est parfaitement enregistrée, implacable dans l’énumération des sensations puis qui s’envole de manière déchirante.

Dans cette période encore moins évidente pour les artistes à la recherche de lumières, cette production éclairée devrait permettre à Dame Géraldine de sortir un peu de l’ombre (cf « Et tu vis dans le noir » dans le texte).

Elle a aussi beaucoup d’énergie et de convictions. Contrairement à son clip, il y a peu de chances qu’elle se laisse mener en bateau.

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Benoît Roux

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02 Oct

L’émission live de France 3 Occitanie : Sazrah, un air d’Amy Winehouse

#CestPasEnPlayback, l’émission live de France 3 accueille Sazrah, jeune mais déjà talentueuse artiste. L’occasion de découvrir ses premières chansons empreintes de soul, jazz avec un timbre de voix qui se rapproche aussi d’une certaine Amy Winehouse.

L’artiste Sazrah lors de l’émission « C’est pas en Play Back » de France 3 Occitanie ©Lola Bernal /FTV

Telle une diva sortie d’une toile ou d’une sculpture de Botero, Sazrah est apparue, comme une fleur qui ne demande qu’à éclore. Le Blog Ecoute Voir l’avait déjà repérée lors de la sortie de son premier EP. 

Son talent et son côté atypique sont apparus comme une évidence sur le plateau musical de France 3. Avec sa guitare et son yukulélé, alternant fragilité et force, elle interprète 2 chansons « Keep calm » et un inédit qui n’est pas extrait de son EP : « Sillage » 

Elle se livre aussi sur ses engagements (la nature, l’écologie, l’amour…) et sur ses influences. Son grain de voix aussi à l’aise dans l’aigu que le grave, le français que l’anglais, fait penser à Amy Winehouse, elle aussi empreinte de soul et de jazz. Dans l’émission, elle évoque une jeune chanteuse française qu’elle adore : November Ultra. A l’écoute, les similitudes sont évidentes : univers dépouillé mais riche, voix émouvante, prenante et apaisante. Un vrai joyau.

L’actualité de Sazrah, c’est aussi la continuité et une complicité artistique avec Félix, un autre Toulousain. Ils ont déjà chanté ensemble et se retrouvent sur le label Plugin Records. Après « Coffee rocket », place à « Green Tara ».

De riches collaborations en attendant un album et la scène. Quant à la suite de #CestPasEnPlayback, place au groupe BEACH SCVM (l’écume de la plage in french). Le trio toulousain a déjà enregistré sa session au grand studio de France 3 Occitanie et sera bientôt diffusée sur la chaîne YOUTUBE et les réseaux sociaux.

Le groupe BEACH SCVM en live sur France 3 Occitanie. Photo : Lola Bernal FTV

Un groupe surf pop rock punk à découvrir qui pour le coup fait plus penser à Nirvana, Greenday ou The Cure qu’à la diva anglaise Amy Winehouse. Ca promet.

FRANCE 3 OCCITANIE

SAZRAH

Benoît Roux

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09 Avr

Delgrès : un trio blues-rock créole à la musique singulière

Le Trio Delgrès sort aujourd’hui son second album. Une formation singulière au son unique, où se croisent rock, blues aux nuances antillaises, le tout chanté en créole. Un album engagé, comme l’indique le nom du groupe en référence à Louis Delgrès figure de la lutte contre l’esclavage. Le trio a sorti le blues de chauffe.

4:00 le nouvel album de Delgrès

Un trio de blues caribéen

Nous sommes en 2014. Le musicien Pascal Danaë qui n’est pas à son coup d’essai (il était membre d’un groupe afro brésilien qui remporta une Victoire de la Musique en 2015) rencontre un batteur groovy (Baptiste Brondy) et un joueur de sousaphone (Rafgee). C’est déjà une singularité. Le sousaphone ou soubassophone joue le rôle d’une basse contrebasse dans un trio classique. Le blues, c’est évidemment la guitare et celle de Pascal Danaë est souvent le dobro. Guitare emblématique du blues, inventée aux States par les Dopyera Brothers (d’où le nom dobro). Le leader de Delgrès est d’ailleurs devenu l’un des maîtres de l’instrument, lui le bluesman authentique que l’on définit souvent comme « le Robert Johnson de la Guadeloupe ». 

Après plusieurs expériences, il lance le groupe avec son ancien batteur du groupe « Rivière noire ». Il est donc à la recherche d’une basse. Voici comment il présente cette quête sur le site officiel du groupe. « J’avais la vision d’une fanfare de carnaval, comme il y en a aux Antilles ou à La Nouvelle-Orléans, où le rôle est tenu par le sousaphone ». Après quelques recherches, il prend contact avec Rafgee, trompettiste diplômé du Conservatoire de Paris qui joue aussi de cet instrument apparenté au tuba-contrebasse. « Rafgee connaît mieux que moi la biguine et le quadrille, reconnaît Pascal. Il est le seul à pouvoir marier Moussorgski à la mazurka dans un orchestre mandingue. » 

Le premier album « Mo Jodi » sort en 2018, le titre de cette chanson éponyme fait référence à Louis Delgrès, personnage central de la lutte contre l’esclavage aux Antilles. Ce colonel d’infanterie de l’armée française s’est appliqué la devise révolutionnaire « Vivre libre ou mourir ». Il préféra mourir plutôt que de se soumettre aux troupes napoléoniennes qui venaient rétablir l’esclavage.

Nouvel album « 4:00 » en hommage à ces héros invisibles

Après le succès du premier, le nouvel opus était attendu. Les ingrédients et la singularité sont les mêmes : un blues original, chanté la plupart du temps en créole, des sonorités et des rythmes métissés, des paroles engagées.

On ne peut pas dire que les groupes de blues balisent la musique des Antilles principalement zoukée. L’originalité est déjà là. A l’écoute de ce nouvel album, le pont entre les Antilles et la Nouvelle Orléans fonctionne très bien. Rock bien noir, blues rustique et soul primitive rencontrent les rythmes antillais et les cuivres New Orleans. Les guitares sont toujours énergiques et énervées, les rythmiques complexes.

Sur Francetvinfo, le leader parle aussi de son engagement : « On est toujours dans le thème du héros, quelque part. Sur le premier album c’était un héros oublié, et là moi je parle plus des héros invisibles par le prisme de mon père qui a émigré de Guadeloupe en 1958. Finalement, les valeurs qu’on défend sont toujours les mêmes« .

Premier titre « 4:00 AM » (formule anglaise), « 4H00 du matin » en français, « 4 ed maten » en créole, très enflammé où le groupe est en tenue de bleu de chauffe. L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt n’est ce pas?

4H, c’est l’heure à laquelle se levait le père du chanteur-guitariste, qui a quitté les Antilles pour venir travailler sur les docks du Havre. Delgrès est plus que jamais le porte voix et porte paroles de ceux que l’on n’entend pas : déracinés, classes laborieuses, minorités… Le dobro en gouvernail, les fûts bien agités et plein de pulsations du batteur, les cuivres improbables, ce second album vient confirmer l’originalité et le talent de Delgrès.

Le groupe organise une « release party digitale » ce vendredi 9 avril pour la sortie de notre nouvel Album 4:00 AM. Vous pouvez les suivre dès 19h30 pour échanger sur l’album et à 20h15 pour découvrir le tout nouveau clip « Aleas ». 

SITE OFFICIEL DELGRES

@Benoit1Roux

 

 

17 Oct

Vox Bigerri : la recherche du son en commun

C’est devenu LA référence du chant polyphonique pyrénéen. Vox Bigerri sort son 7ème album « Jorn ». Un mélange de créations, chant traditionnels, reprise jazz. 4 hommes dans le vent pour un disque de très haute volée. Guidés par la recherche du son commun.

C’est un temps suspendu, contemplatif. Se poser, fermer les yeux, écouter, observer. Un disque de Vox Bigerri, ça se savoure, durablement. Pascal Caumont, Fabrice Lapeyrère, Régis Latapie et Bastien Zaoui sortent aujourd’hui leur 7ème album. Ils sont devenus LA référence du chant polyphonique traditionnel et contemporain. Un travail historique, scientifique et artistique avec des chants collectés dans les vallées pyrénéennes, des adaptations et des créations.

« Jorn » un disque de polyphonies de tous les temps

Ce qui frappe en premier lieu, c’est la puissance du son. Un son qui va au-delà de l’écoute, avec beaucoup de force et de sérénité. Jusqu’à présent, ils étaient 5. Mais la voix la plus haute (Olivier Capmartin) s’est envolée. Ce qui n’est pas un problème car dans la polyphonie traditionnelle, il y a 3 registres de voix. Désormais, les 4 compagnons de voix voyagent sur tous les tons. « Dans nos chants, il y avait souvent 3, 4 voix maxi, rarement 5. Donc nous alternons les registres, avec plus de souplesse. » Pascal Caumont est à l’origine de cette formation masculine.

Vox Bigerri – La nòvis n’a la corona li tomba

 

Jusqu’alors, les disques étaient thématiques : le chant sacré (Cap aus Sorelhs, vers les soleils), le chant festif (Ligams, liens), la rythmique jazz avec l’intrusion du batteur américain Jim Black (Tiò). Dans le nouveau CD « Jorn » (jour), il y a un peu de tout. Le morceau « Jorn » justement est une création, des paroles de Pascal Caumont mises en « musique » par Fabrice Lapeyrère. N’allez pas croire que ça parle de bergers, de troupeaux égarés et de femmes éplorées ! « Cette création me plaît beaucoup. Elle parle des valeurs de notre société. Nous avons beaucoup de forces en nous pour affronter la mauvaise période que nous traversons. Il nous faut aller de l’avant pour bâtir une société plus juste et plus coopérative ». Avec la période que nous traversons, la résonnance est évidente.

Le son commun

« SON » : pronom personnel possessif. Une définition qui vaut pour la langue française. Mais Vox Bigerri chante surtout en occitan! Alors le SON est bien « personnel » dans le sens d’unique, propre, mais il n’a rien de « possessif ». Il serait plutôt synonyme de partage. C’est la recherche perpétuelle du son commun. Aucun doute à l’écoute de ce nouveau CD. En studio, sur scène, il y a cette manière d’être ensemble, de faire communion. Les 4 voix s’harmonisent parfaitement, servant d’écho et de support les unes aux autres. Un chant à l’unisson rempli de résonnances.

Sur la pochette de ce nouveau CD, les anneaux de Saturne (le lien) et sa lune Rhéa, la femme de Cronos, maître du temps. Les chansons interprétées sont en effet moins soumises au temps, la rythmique pourtant complexe se fait discrète pour porter l’ampleur des voix. Tout est aérien et suspendu. Comme le temps qui s’arrête pour faire place aux voix. Les chanteurs remplissent l’espace. La polyphonie sonne alors comme une plénitude. On se retrouve transporté hors du temps.

Vox Bigerri – Jorn (Création 2020) from Pirèna Immatèria on Vimeo.

« Nous voulons être dans le son de la voix, une connexion pour faire accord, entrer en harmonie. Quand nous chantons comme ça, nous ressentons des vibrations dans tout le corps. Le rythme est organique, pas mécanique », explique Pascal Caumont. Et ce n’est pas une gasconade !

Le chant comme un ballon de rugby

Chaque langue a sa musicalité mais Vox Bigerri passe aisément de l’occitan au français, parfois dans le même chant comme « Aquesta neit n’èi hèit un rève » (Cette nuit j’ai fait un rêve). Dans la très réussie reprise de « Strange fruit » (Fruit étrange) de Billie Holiday puis Nina Simone, ils s’approprient la mélodie, tantôt en anglais, tantôt en occitan. Autant dire que le chant du groupe Vox est protéiforme, dans son univers pour les traditions, dans les cieux pour le chant religieux (« Sanctus-Benedictus », « Kyrie Eleison »)), transcendé par le rythme quand pointe le jazz (« Strange Fruit »).

Un travail de funambule, toujours en équilibre, à la recherche du bon rebond vocal.

Il faut être concentrés, posés, regarder ce qui se passe chez l’autre. Nous sommes tout le temps en connexion, toujours à regarder où va tomber le chant de l’autre, comme le rebond aléatoire du ballon de rugby!

Ce son commun toujours en osmose, Vox Bigerri en a fait sa marque de fabrique.

Réinventer la tradition en se nourrissant de l’Histoire

Dans l’album « Jorn », il y a aussi matière à réfléchir. Comme avec cet air traditionnel, un tube pyrénéen « Sendèrs de tèrra nera » (Sentiers de terre noire) que l’on doit à Jean-Claude Coudouy. Le mémorable interprète du « Hilh de puta! » a fait une magnifique mélodie mais le texte d’un autre auteur un peu macho, parle de « race », incompatible donc avec l’esprit et la vision du groupe. Alors, Pascal Caumont prend la décision de le réécrire, et ces sentiers sont désormais propice à l’admiration de la voûte céleste, prétexte à s’interroger sur le devenir de la planète.

Vox Bigerri – Sendèrs de tèrra nera

L’Histoire est très présente avec « Lo purmèr de març » (Le premier mars), le moment où les jeunes garçons partaient travailler en Espagne pour gagner un peu d’argent du XVe jusqu’au XVIIIe. Histoire encore avec « La cançon de Grangèr » (La chanson de Granger) sur la fugue d’un jeune voulant échapper au service militaire (7 ans à l’époque!) qui réussit à désarmer et mettre en fuite les gendarmes.

Et puis il y a « Montségur », lieu du massacre qui mit fin à l’hérésie cathare en 1244. Ils avaient déjà mis en musique le célèbre poème de René Nelli écrit 700 ans après sur une blessure plus vive que jamais. Sur ce disque, c’est une nouvelle version de « Montségur », sur un poème de la Catalane Susanna Rafart. « Nous avons rencontré Susanna Rafart à Barcelone. C’est un écrivain très connu en Catalogne et en Espagne aussi. Elle nous a montré ce poème qui a résonné comme une suite au Montségur de Nelli. Je l’ai mis en musique. Le premier Montségur s’achève sur un cri. Ici le chemin est plus apaisé. Dans le ciel, on regarde les aigles voler au dessus du château ». L’aigle, qui peut voler très haut, et dont les larmes ne peuvent pas geler car elles sont faites d’huile…

Un disque aérien, au son ample, qui nous laisse en lévitation, apaisés et transportés par les voix.

Vox Bigerri – Jorn

Le travail de Vox Bigerri est remarquable, tant sur un plan artistique que technique et historique. Le groupe ne se répète pas d’un disque à l’autre mais va explorer toujours de nouveaux espaces. Ils préparent déjà une nouvelle création « Milharis » qui mélangera musique électronique, jazz avec des flutes traditionnelles, le tout accompagné par l’orchestre de chambre de Toulouse. Rien n’arrête ces explorateurs de sons.

SITE VOX BIGERRI

PIRENA IMMATERIA

Benoît Roux