J’en ai beaucoup voulu à Olivier Norek. Par sa faute, il m’a fallu une énergie folle pour ne pas m’endormir sur mon bureau. La veille, j’avais entamé dans les transports la lecture de Code 93. Et je n’ai pu m’arrêter de la nuit.
C’est donc peu dire que j’ai aimé Code 93.
Tout y est. Une équipe de flics aux histoires personnelles diverses et variées, souvent difficiles, la médecin légiste qui nous offre notre lot d’autopsies, les vrais méchants qui s’entretuent, les vrais gentils qui se battent comme ils peuvent contre (dans le désordre) leur hiérarchie, certains collègues, un tueur en série, parfois eux-mêmes, et surtout des meurtres mystérieux, violents de préférence et qui pourraient nous faire croire aux zombies et à l’autocombustion.
Ajoutez deux personnages qui font beaucoup à la saveur du livre, le capitaine Victor Coste accroché à sa banlieue et à son métier comme à une seconde peau, et la banlieue de la Seine Saint-Denis, où la violence est si quotidienne qu’elle en devient banale.
Il faut dire qu’Olivier Norek en connaît un rayon en la matière puisqu’il est lui-même policier depuis 14 ans en Seine Saint-Denis. Une expérience qui rend Code 93 encore plus savoureux (et angoissant) puisqu’on l’imagine possible…
Toulousain et donc flic en banlieue parisienne, Olivier Norek nous livre un premier roman (écrit dans la maison familiale en Aveyron) d’une grande réussite, à l’écriture précise qui laisse la place à la fois à une belle maîtrise des sentiments et la création d’un suspense efficace.
Un livre haletant et extrèmement prometteur.
Ils ont eux aussi aimé Code 93 :
Extrait
« Mercredi 11 janvier 2012
Coste ouvrit un oeil. Son portable continuait à vibrer, posé sur l’oreiller qu’il n’utilisait pas. Il plissa les yeux pour lire l’heure. 4 h 30 du matin. Avant même de décrocher, il savait déjà que quelqu’un, quelque part, s’était fait buter. Il n’existait dans la vie de Coste aucune autre raison de se faire réveiller au milieu de la nuit.
Il but un café amer en grimaçant, adossé à son frigo sur lequel un Post-it « acheter du sucre » menaçait de se décoller. Dans le silence de sa cuisine, il scruta par la fenêtre les immeubles endormis. Seule lumière de son quartier, il se dit qu’il lui revenait ce matin d’allumer la ville. Il vérifia son arme à sa ceinture, enfila un pull et un manteau noir difforme puis empocha ses clefs. La 306 de service craignait le froid et refusa de démarer. Ce matin, Victor Coste et elle en étaient au même point. Il patienta un peu, alluma une cigarette, toussa, esseya de nouveau. Après quelques à-coups, le moteur se réchauffa et les rues vides lui offrirent une allée de feux rouges qu’il grilla doucement jusqu’à s’insérer sur la route nationale 3.
Quatre voies grises et sans fin s’enfonçant comme une lance dans le coeur de la banlieue. Au fur et à mesure, voir les maisons devenir immeubles et les immeubles devenir tours. Détourner les yeux devant les camps de Roms. Caravanes à perte de vue, collées les unes aux autres à proximité des lignes du RER. Linge mis à sécher sur les grillages qui contiennent cette partie de la population qu’on ne sait aimer ni détester. Fermer sa vitre en passant devant le déchetterie intermunicipale et ses effluves, à seulement quelques encablures des premières habitations. C’est de cette manière que l’on respecte le 93 et ses citoyens : au point de leur foutre sous le nez des montagnes de poubelles. Une idée que l’on devrait proposer à la capitale, en intra muros. Juste pour voir la réaction des Parisiens. A moins que les pauvres et les immigrés n’aient un sens de l’odorat moins développé… Passer les parkings sans fin des entreprises de BTP et saluer les toujours mêmes travailleurs au black qui attendent, en groupe, la camionette de ramassage. Tenter d’arriver sans déprimer dans cette nouvelle journée qui commence. «
Véronique Boissel-Haudebourg