La guerre d’Espagne, pour moi qui suis originaire de l’ouest, n’évoquait pas grand-chose hormis de quelques passages dans mes livres d’histoire. En m’installant dans le Sud-Ouest, ce conflit est devenu bien plus réel. J’ai rencontré des des réfugiés espagnols, certains de leurs enfants et petits-enfants sont devenus des amis, mes voisins. Ils m’ont raconté leur histoire. Dans les rues, j’ai appris à savourer ce mélange de français et d’espagnol. Petit à petit, la guerre d’Espagne est entrée dans mon environnement, ma culture.
Pas pleurer de Lydie Salvayre a, dès ses premières pages, résonné en moi. Pas pleurer, c’est un récit de l’été 36 en Espagne à deux voix. Celle enthousiaste et humaine de Montje, paysanne de 15 ans (et mère de la narratrice) qui part à Barcelone vivre l’insurrection libertaire et y trouvera l’amour; et celle plus politique et lugubre de Bernanos qui assiste à la répression franquiste avec horreur.
Deux voix, deux visions, deux musiques différentes du même été. Montje c’est la musicalité du frangol, ce mélange de français et d’espagnol que j’entends au quotidien encore aujourd’hui, l’énergie de la jeunesse. Mais aussi les déchirements d’une société effrayée par ce vent révolitionnaire et tiraillée entre changement et tradition. Bernanos, c’est la désillusion, le désespoir d’assister à la répression qui a lieu sous l’oeil complaisant de l’Eglise catholique. Après cet été-là, Bernanos s’éloignera définitivement de l’extrême-droite de l’Action française et écrira un pamphlet violemment anti-franquiste « Les grands cimetières sous la lune« .
Un roman puissant, énergique sur la complexité de la guerre d’Espagne et de l’exil des républicains en France.
Pas pleurer de Lydie Salvayre est édité au Seuil
Lydie Salvayre est d’ailleurs elle-même fille de réfugiés espagnols. Elle a grandi à Auterive près de Toulouse. Sa langue maternelle n’étant pas le français, elle complexe longtemps (et encore un peu) sur les éventuelles fautes de langage qu’elle pouvait faire. Diplômée de littérature espagnole de l’université Toulousaine, elle est aussi psychiatre et a exercé à Aix et en région parisienne. Son premier roman, La Déclaration, est publié aux Editions Julliard en 1989. Son roman La Compagnie des spectres (1997) a reçu le prix Novembre et a été élu meilleur livre de l’année par le magazine Lire. En 2007 paraît Portrait de l’écrivain en animal domestique, suivi par BW en 2009 et Hymne en 2011. Plusieurs textes de Lydie Salvayre ont été adaptés pour le théâtre ou joués sous la forme de concerts-lectures. Sur le Blog à lire, nous vous avions déjà parlé de 7 femmes.
Lydie Salvayre et Pas pleurer dans Les bonnes feuilles sur France Culture