24 Mai

Boule à zéro – Ernst et Zidrou

Il est des albums qui vous mettent un coup de pied aux fesses, vous aèrent un grand coup,  vous mettent une journée en couleur comme ça, sur un sourire. Et pourtant, à priori, le sujet n’a pas de quoi faire rire les foules.

Boule à zéro, c’est Zita. Et Zita n’a pas une vie très rigolote. A 13 ans, elle en a passé 9 à l’hôpital, à lutter contre une leucémie. Et son combat continue. Sauf que Zita a une étonnante capacité à vous ripoliner le quotidien avec sa spontaneité, son humour décapant et ses rêves plein la tête. Oh bien sûr, sa maman lui manque dans « petit coeur chomeur », évidemment, elle s’accroche à la moindre parcelle d’espoir dans « le gang des crocodiles ». Mais elle peut compter sur tous ses copains, petits et grands, malades et personnels soignants pour continuer à avancer dans un grand éclat de rire.

Boule à zéro, c’est une formidable leçon de vie, de tendresse, d’humanité et d’espoir, une manière si simple et si drôle d’appréhender la maladie et la mort que finalement, les miracles, on a envie d’y croire. Pour un peu, on irait à l’hosto lui filer un coup de main à Zita à faire tourner bourrique les plus grincheux.

Boule à zéro, c’est pour les plus jeunes (pas trop quand même) et les plus grands, pour une immense bouffée d’émotions et de rire. Il paraît que c’est le meilleur des médicaments.

Véronique Haudebourg

PS : En plus, Ernst et Boule à zéro, entre autre,  participent à l’action de l’association 2000 BD qui intervient en milieu hospitalier auprès des enfants malades, et ce qu’ils font, c’est extra. Et ça mérite un coup de pouce.

Boule à Zéro de Ernst et Zidrou est édité aux éditions Bamboo
T1 : Petit coeur chomeur
T2 : Le gang des crocodiles
T3 : prévu début 2014

  • Les auteurs

Serge Ernst, le dessinateur est belge et vit dans le Gers. Il a réalisé des gags pour le journal de Tintin, le journal de Spirou. On peut citer dans es séries les Clins d’oeil, William lapoire, les Cases de l’Oncle Ernst, les zappeurs. Pour préparer Boule à zéro, il s’est rendu dans le service oncologie de l’hôpital des enfants du CHU de Toulouse. A la suite de ce travail et avec l’aide de son éditeur Bamboo, Ernst met en place l’opération 2000 BD

Zidrou signe le délicat scénario de Boule à zéro. Collaborateur régulier du Journal de Spirou, Zidrou est connu pour l’Elève Ducobu, Les crannibales, Tamara ou Sac à puces

  • Eux aussi, ils ont aimé

Le nouvel obs : Boule à zéro, la BD dédramatise l’hospitalisation des jeunes
Le blog « Quand Pauline lit »
Egora.fr
Radio Bouton à Boutancourt (08)
Le magazine de la santé sur F5 : « Tous les parents devraient l’offrir à leurs enfants »
Allodocteurs.fr
Les jardins d’Hélène

  • En extrait, une planche du Tome 1 :

23 Mai

Prix Claude Nougaro 2013

Les prix d’écriture Claude Nougaro sont remis chaque année à de jeunes talents pour les encourager sur la voie de l’écriture de nouvelles, de bandes dessinées, de courts métrages ou de chansons. Les lauréats ont tous entre 15 et 25 ans. Cette année, pour la septième édition du prix d’écriture Claude Nougaro, ont été récompensés et donc soutenus :

Catégorie nouvelles

  • Emma Arnaud, de Toulouse pour « Morceau »
  • Agathe Baudin, de Toulouse, pour « L’accordeur »
  • Karen Laura Ventinhas, de Toulouse, pour « The End »
  • Yseult Gouachon, de Senouillac (81), pour « Minuit et la belle sans visage »

En bande dessinée

  • Laura et Lisa Donadille, de Sarrouilles (65) pour « Le papillon »
  • Basile Bibas, de Toulouse, pour « Ici au front »
  • Marie Hervouet, de Toulouse, pour « La seconde vie de Mister Staferley »
  • Robin Pelissier, de Montastruc-la-conseillère (31) pour « Le premierbruit que j’ai entendu, puis a suivi le réveil »

Félicitations aux lauréats que nous ne manquerons pas de suivre attentivement !

21 Mai

7 femmes, de Lydie Salvayre

Jusqu’à présent, Lydie Salvayre l’affirme, elle répugnait à mettre le nez dans les biographies des auteurs qu’elle lisait. Un jour, en panne d’écriture, elle découvre l’étonnante correspondance entre Marina Tsvetaeva et Boris Pasternak. C’est le déclic. Lydie Salvayre va alors déroger à son grand principe. Grand bien lui en a pris.

Elles sont donc sept. Sept folles, sept allumées comme se plaît à les nommer Lydie Salvayre. Sept femmes pour qui « vivre ne suffit pas »,  qui ne se protègent pas, qui aiment à corps perdu, pour qui écrire est une douleur, une nécessité, une délivrance jamais atteinte. Sept femmes au destin tragique, reconnues aujourd’hui pour la qualité et la beauté de leur oeuvre. Sept femmes dont la vie fut un combat pour écrire, pour exister comme auteur mais aussi tout simplement comme femme. Elle s’appellent Emily Brontë, Marina Tsvetaeva, Virginia Woolf, Colette, Sylvia Plath, Ingeborg Bachmann, Djuna Barnes. Envers et contre tout, elles ont trouvé la force d’écrire, malgré les épreuves et la douleur.

En partageant avec nous sa fascination pour ces auteurs et leurs oeuvres, Lydie Salvayre s’interroge elle même et nous questionne. Comment continuer à vivre avec une telle douleur ? Quel est notre rapport à la folie ? Que signifie vivre et écrire quand on est une femme ? Quelle est l’imbrication entre l’oeuvre et la vie ? Une vie vivante, mais si douloureuse est-elle préférable à une vie plate, sans souffrance et ennuyeuse à mourir ?

Mais plus que tout, Lydie Salvayre nous donne envie de lire ces sept femmes, de les écouter nous murmurer à l’oreille leur douleur, leur combat, leur vie et leur beauté. Et se livre aussi un peu en partageant avec nous les émotions et les questions qu’amènent sa vision de la vie et l’oeuvre de ces sept passionnantes et passionnées allumées.

7 femmes, de Lydie Salvayre aux éditions Perrin

  • L’auteur

Lydie Salvayre est fille de réfugiés espagnols. Elle a grandi à Auterive près de Toulouse. Sa langue maternelle n’étant pas le français, elle complexe longtemps (et encore un peu) sur les éventuelles fautes de langage qu’elle pouvait faire. Diplômée de littérature espagnole de l’université Toulousaine, elle est aussi psychiatre et a exercé à Aix et en région parisienne. Son premier roman, La Déclaration, est publié aux Editions Julliard en 1989. Son roman La Compagnie des spectres (1997) a reçu le prix Novembre et a été élu meilleur livre de l’année par le magazine Lire. En 2007 paraît Portrait de l’écrivain en animal domestique, suivi par BW en 2009 et Hymne en 2011. Plusieurs textes de Lydie Salvayre ont été adaptés pour le théâtre ou joués sous la forme de concerts-lectures.

  • Eux aussi, ils ont aimé 7 femmes

Julie Clarini dans le journal Le Monde

Eleonore Sulster dans le journal suisse Le Temps

La revue Page

François Busnel dans le Grand Entretien sur France Inter

  • Extrait

« Sept folles.
Pour qui vivre ne suffit pas. Manger, dormir et coudre des boutons, serait-ce là toute la vie ? se demandent-elles.
Qui suivent aveuglément un appel. Mais de qui, mais de quoi ? s’interroge Woolf.
Sept allumées pour qui écrire est toute la vie. (« Tout, l’écriture exceptée, n’est rien », déclare Tsvetaeva, la plus extrême de toutes.) Si bien que leur existence perd toute assise lorsque, pour des motifs divers, elles ne peuvent s’y vouer.
Sept insensées qui, contre toute sagesse et contre toute raison, disent non à la meute des « loups régents », qu’ils soient politiques, littéraires, ou les deux, et qui l’écrivent à leur façon, les unes en hurlant, en claquant les portes en arrachant les masques, et tant pis si la peau et la chair viennent avec, les autres avec des grâces et des manières très british, mais toutes en écoutant la voix qui leur murmure à l’oreille : un peu plus à gauche, un peu plus à droite, plus haut, plus vite, plus fort, stop, précipiter, ralentir, couper. La voix du rythme. Sans cette voix, elles sont formelles : pas d’écriture et pas d’écrivain. C’est aussi simple et aussi implacable.
Sept imprudentes pour qui écrire ne consiste pas à faire une petite promenade touristique du côté de la littérature et puis, hop, retour à la vraie vie, comme on l’appelle.
Pour qui l’oeuvre n’est pas un supplément d’existence.
Pour qui l’oeuvre est l’existence. Ni plus ni moins. Et qui se jettent dans leur passion sans attendre que le contexte dans lequel elles vivent leur soit moins adverse.
Sept folles, je vous dis.

Car il fallait qu’elles fussent folles ces femmes pour affirmer leur volonté présomptueuse d’écrire dans un milieu littéraire essentiellement gouverné par les hommes. Car il fallait qu’elles fussent folles pour s’écarter aussi résolument, dans leurs romans ou leurs poèmes, de la voie commune, pour creuser d’aussi dangereuses corniches, pour impatienter leur temps ou le devancer comme elles le firent, et endurer en conséquence les blâmes, les réprobations, les excommunications, ou pire, l’ignorance d’une société que, sans le vouloir ou le voulant, elles dérangeaient.

Je relus, il y a un an, tous leurs livres.
Je traversais une période sombre. Le goût d’écrire m’avait quittée. Mais je gardais celui de lire.
Il me fallait de l’air, du vif. Ces lectures me l’apportèrent.
Je vécus avec elles, m’endormis avec elles. Je les rêvais.
Certain jour, un seul vers de Plath suffisait à m’occuper l’esprit. La perfection est atroce, me répétais-je, elle ne peut pas avoir d’enfant. Le lendemain, j’avalais d’un trait les trois cent dix-sept pages du roman de Woolf Orlando, dans un bonheur presque parfait. »

Véronique Boissel-Haudebourg

16 Mai

« Stars et truands » de Thierry Colombié

On se méfie souvent des 4èmes de couverture ! Lorsque l’éditeur (qui est aussi un as du marketing !) nous indique gentiment que « la réalité dépasse souvent la fiction« , on a d’abord le réflexe de dire « attention méfiance« . Surtout quand la sortie d’un livre sur les liens entre les vedettes du show-business et les « acteurs » de la pègre, à la couverture accrocheuse (photo ci-contre), coïncide opportunément avec l’ouverture du Festival de Cannes ! Opportunisme finalement plutôt bien calculé : côte d’azur, cinéma, vedettes, truands petites pépées et drogue à gogo ! Au fil des pages de « Stars et Truands » (Fayard) on n’est jamais très loin de la Croisette et de ses frasques pas toujours très légales !

Car c’est bien là le thème du nouveau livre du Toulousain Thierry Colombié, spécialiste reconnu du monde des truands. Les liens étroits, intimes mêmes, entre l’ombre du monde des trafiquants, des malfrats et des bandits et la lumière des stars du ciné, de la télé ou de la musique.

On se méfie souvent des 4èmes de couverture, on le disait, mais cette fois, c’est vrai « la réalité dépasse souvent la fiction« . Car le livre de Thierry Colombié se lit comme un roman policier. On est pourtant bien loin de la fiction !

Les « histoires » qu’il raconte, avec force détails et témoignages, sont parfois connues (comme les frasques de Sami Nacéri, l’affaire Markovic et Alain Delon, ou encore l’entourage « suspect » de Johnny Halliday). Mais l’idée de les avoir ainsi rassemblées dans un livre leur fait prendre une épaisseur toute particulière. Depuis toujours les malfrats aiment la lumière que leurs apportent certaines stars. Depuis toujours, les vedettes aiment le frisson que leur procurent ceux qui ont franchi allègrement la ligne blanche (sic !).

Dans toutes ces histoires, il est question d’argent, de sexe, de drogue, de pouvoir, d’amitié, parfois d’extorsion, de jeux, de menaces, de violence et de mort.

Sans pour autant généraliser sur le monde du show-biz (non, toutes les stars ne sont pas impliquées dans des affaires de drogue ou d’argent sale !) cette « bible » des relations « stars et truands » nous ouvre les yeux sur cette interaction entre deux mondes qui ne se quittent vraiment jamais.

On reprochera uniquement à Thierry Colombié, qui vit et travaille à Toulouse, d’avoir pêché par excès en citant tellement de petits mafieux et d’hommes de main que l’on peut parfois s’y perdre mais cela n’enlève rien à l’intérêt de ce livre où, on le redit, la réalité dépasse souvent la fiction.

Fabrice Valéry

« Stars et Truands » de Thierry Colombié aux Editions Fayard – 19 euros.

Bonus en vidéo : l’interview de l’auteur Thierry Colombié par Pierjean Frison sur le plateau du 12/13 de France 3 Midi-Pyrénées

03 Mai

Code 93 – Olivier Norek

J’en ai beaucoup voulu à Olivier Norek. Par sa faute, il m’a fallu une énergie folle pour ne pas m’endormir sur mon bureau. La veille, j’avais entamé dans les transports la lecture de Code 93. Et je n’ai pu m’arrêter de la nuit.
C’est donc peu dire que j’ai aimé Code 93.
Tout y est. Une équipe de flics aux histoires personnelles diverses et variées, souvent difficiles, la médecin légiste qui nous offre notre lot d’autopsies, les vrais méchants qui s’entretuent, les vrais gentils qui se battent comme ils peuvent contre (dans le désordre) leur hiérarchie, certains collègues, un tueur en série, parfois eux-mêmes, et surtout des meurtres mystérieux, violents de préférence et qui pourraient nous faire croire aux zombies et à l’autocombustion.
Ajoutez deux personnages qui font beaucoup à la saveur du livre, le capitaine Victor Coste accroché à sa banlieue et à son métier comme à une seconde peau, et la banlieue de la Seine Saint-Denis, où la violence est si quotidienne qu’elle en devient banale.
Il faut dire qu’Olivier Norek en connaît un rayon en la matière puisqu’il est lui-même policier depuis 14 ans en Seine Saint-Denis. Une expérience qui rend Code 93 encore plus savoureux (et angoissant) puisqu’on l’imagine possible…
Toulousain et donc flic en banlieue parisienne, Olivier Norek nous livre un premier roman (écrit dans la maison familiale en Aveyron) d’une grande réussite, à l’écriture précise qui laisse la place à la fois à une belle maîtrise des sentiments et la création d’un suspense efficace.
Un livre haletant et extrèmement prometteur.
Ils ont eux aussi aimé Code 93 :
Extrait
« Mercredi 11 janvier 2012
Coste ouvrit un oeil. Son portable continuait à vibrer, posé sur l’oreiller qu’il n’utilisait pas. Il plissa les yeux pour lire l’heure. 4 h 30 du matin. Avant même de décrocher, il savait déjà que quelqu’un, quelque part, s’était fait buter. Il n’existait dans la vie de Coste aucune autre raison de se faire réveiller au milieu de la nuit.
Il but un café amer en grimaçant, adossé à son frigo sur lequel un Post-it « acheter du sucre » menaçait de se décoller. Dans le silence de sa cuisine, il scruta par la fenêtre les immeubles endormis. Seule lumière de son quartier, il se dit qu’il lui revenait ce matin d’allumer la ville. Il vérifia son arme à sa ceinture, enfila un pull et un manteau noir difforme puis empocha ses clefs. La 306 de service craignait le froid et refusa de démarer. Ce matin, Victor Coste et elle en étaient au même point. Il patienta un peu, alluma une cigarette, toussa, esseya de nouveau. Après quelques à-coups, le moteur se réchauffa et les rues vides lui offrirent une allée de feux rouges qu’il grilla doucement jusqu’à s’insérer sur la route nationale 3.
Quatre voies grises et sans fin s’enfonçant comme une lance dans le coeur de la banlieue. Au fur et à mesure, voir les maisons devenir immeubles et les immeubles devenir tours. Détourner les yeux devant les camps de Roms. Caravanes à perte de vue, collées les unes aux autres à proximité des lignes du RER. Linge mis à sécher sur les grillages qui contiennent cette partie de la population qu’on ne sait aimer ni détester. Fermer sa vitre en passant devant le déchetterie intermunicipale et ses effluves, à seulement quelques encablures des premières habitations. C’est de cette manière que l’on respecte le 93 et ses citoyens : au point de leur foutre sous le nez des montagnes de poubelles. Une idée que l’on devrait proposer à la capitale, en intra muros. Juste pour voir la réaction des Parisiens. A moins que les pauvres et les immigrés n’aient un sens de l’odorat moins développé… Passer les parkings sans fin des entreprises de BTP et saluer les toujours mêmes travailleurs au black qui attendent, en groupe, la camionette de ramassage. Tenter d’arriver sans déprimer dans cette nouvelle journée qui commence. « 
Véronique Boissel-Haudebourg