13 Juil

Le charme et la poésie d’Iris et l’escalier d’Anna de Sandre et Chiaki Miyamoto

Quel bel album que cet Iris et l’escalier ! Les dessins crayonnés très colorés, pleins de petits détails et de charme m’ont décidément séduite. L’escargot, les chaussettes qui traînent, les fesses rouges des babouins, les lapins qui jouent sur le cou de la girafe, le goûter d’Iris, tout est prétexte à un commentaire des petits (qui ne se privent pas, on a testé pour vous).

Iris aime monter et descendre son escalier, qui est d’ailleurs son ami. Pourtant, ce n’est pas facile pour une toute petite fille. Un jour, Iris va avoir envie de grimper plus haut, plus loin… au pays des grands arbres.

Une histoire poétique sur l’envie et la peur de grandir, la chaleur du cocon familial. Le tout vu à hauteur d’enfant.

Pour compter les marches en famille et faire la conversation avec un escalier, un arbre ou un singe (normal quoi…).

Iris et l’escalier d’Anna de Sandre et Chiaki Miyamoto
Chez Gallimard Jeunesse Giboulées

  • Extrait

  • Les auteurs

Anna de Sandre vit dans le Gers. Elle écrit principalement des nouvelles et de la poésie, et ponctuellement des romans et des histoires pour la jeunesse. La plupart de ses textes sont publiés dans divers recueils collectifs ou revues.

Chiaki Miyamoto est illustratrice pour livres d’enfants. Elle est née en 1975 à Osaka, au Japon. Diplômée de l’Ecole professionnelle de communication visuelle d’Osaka en 1998, elle connait une première expérience de graphiste au Japon avant de rejoindre l’Ecole Emile Cohl de Lyon dont elle sera diplômée en 2003. Elle vit aujourd’hui à Lyon.

  • Ils en parlent aussi

– Maman baobab
– Les mots de la fin
– Littér’auteurs
– Madame bouquine
– Sous le feuillage

Véronique Haudebourg

10 Juil

« Gibraltar » épisode #2, ou comment l’idée de lancer une revue de qualité n’était pas si folle !

On s’était un peu dit ça, fin 2012, lorsque Santiago Mendieta était venu nous voir, plusieurs exemplaires du premier numéro de Gibraltar sous le bras, sentant bon l’encre et le papier à l’heure de l’internet et du web 2.0 : « Il est fou ! Lancer une revue haut de gamme quand toute la presse papier se casse la gueule ! Tenter de fournir au lecteur un objet à lire, à relire, quand la tendance est à la lecture kleenex vite fait bien fait, je lis, je digère, j’oublie ! »

Comme des forcenés de l’écrit Santiago et sa petite bande voulaient marier récits, reportages, fictions, BD, photos, dans un « objet » (ni magazine, ni livre : « revue » c’est le mot le plus noble qui convient) au graphisme particulièrement poussé. Pas du genre de ses news magazines qui vous tâchent les doigts à force de chercher l’éditorial au milieu des pages de pubs !

Non, une haute (et noble elle-aussi) ambition : celle de jeter, depuis les ruelles de Toulouse, « un pont entre deux Mondes », les deux rives de la Méditerranée.

On l’avait dit à l’époque : le pari du premier numéro de ce qu’on nous annonçait comme un semestriel était réussi.

Mais pour la suite ? Avouons-le, on se disait que le pari était risqué et que le numéro 2 de Gibraltar ne verrait peut-être pas le jour.

Santiago et ses amis sont revenus et on n’a pas pu s’empêcher de claquer bien fort sur la tête de nos doutes économico-éditoriaux. Gibraltar a trouvé son public et voici donc la deuxième (« seconde » aurait un goût de fin d’aventure) livraison, dans la veine de la première.

Au fil des 180 pages qui se lisent comme un bouquin : de l’inédit (encore plus), du visuel (un graphisme toujours plus abouti) et des sujets qui font réfléchir. L’époque est triste et noire, alors Gibraltar n’y échappe pas : de Burgos au Kurdistan syrien, de la Jonquera à Sarajevo, les histoires que l’on nous raconte sont sombres. Il manque sans doute un peu de sourire dans ce numéro 2 mais ces vies que l’on croise au fil des pages sont comme ça, comme cette époque, alors on s’y fait. Pour rigoler, on trouvera bien autre chose. Ce n’est pas le rôle de cette revue.

Nous ne ferons pas ici la liste exhaustive des sujets qui vous lirez si vous achetez Gibraltar (qui bénéficie désormais d’une diffusion nationale dans toutes les bonnes librairies) mais on attirera l’oeil et le cerveau disponible (sic !) du lecteur putatif que vous êtes vers l’incroyable reportage du photographe toulousain Philippe Guionie à Brazzaville dans l’ancien immeuble du personnel d’Air France, ou encore vers ces 10 planches (inédites) de l’auteur de BD Bruno Loth sobrement intitulées Dolorès et qui vous replongent dans la douloureuse histoire contemporaine espagnole.

Voilà, Gibraltar méritait bien que l’on parle d’elle sur ce blog.

On est sur un blog littéraire non ?

F. Valéry

« Gibraltar » Numéro 2 – 17 euros – en librairie ou sur abonnement sur www.gibraltar-revue.com

08 Juil

Comme une vis sans écrou – Mufle d’Eric Neuhoff

Certains livres sont comme  une vis sans écrou… on ne sait pas quoi en faire. C’est ce qui m’arrive avec Mufle d’Eric Neuhoff. Je suis incapable de vous dire si je l’ai aimé ou pas.

Pour l’histoire, on va faire simple. Il découvre qu’elle le trompe. Il la quitte. Il essaie de s’en remettre et de passer à autre chose. Simple, clair et vieux comme le monde.

Mais sur ce coup-ci, le protagoniste est tout sauf sympathique. Celle qui le trompe est au moins aussi insupportable. Difficile dans ces conditions de compatir un tant soi peu. Difficile aussi de ressentir quoi que ce soit. Expérience d’une lecture froide, sans émotion. La quatrième de couverture parle de l’autopsie d’un mensonge. Je parlerai plutôt de l’autopsie d’une rupture,  de la dissection de la douleur, du mensonge qui s’installe jour après jour, du dégoût de l’autre. Pas grand-chose qui donne envie d’aimer en somme.

A la longue, les jérémiades et les plaintes du narrateur pourraient lasser. Heureusement, Eric Neuhoff nous livre un ouvrage assez court. Juste assez pour nous emmener au bout, sans nous dégoûter vraiment.

Des phrases et des paragraphes courts, une écriture très hachée, très parlée. Le passage du « je » au « il » déroute. Pour ma part, j’en arrive à penser que le protagoniste parle de lui à la troisième personne, preuve de la haute idée qu’il a de lui-même. Ce qui le rend d’autant plus détestable.

Ca ne donne pas de bonnes raisons de lire Mufle tout cela…. Sauf que…

Sauf que pouvoir détester quelqu’un comme cela, sans raison, gratuitement, de penser, sans aucune culpabilité que ce qui lui arrive, finalement, c’est bien fait, cela fait un bien fou. Oui j’avoue, j’en pense beaucoup de mal de cet homme, de son amante aussi d’ailleurs. Et ce n’est quand même pas tout les jours qu’on peut déverser sa bile sur quelqu’un. Le temps d’un livre, je m’en suis donnée à cœur joie. Une expérience inédite, à tenter.

Mufle d’Eric Neuhoff chez Albin Michel

  • L’auteur

Eric Neuhoff est journaliste et écrivain. Il a passé son adolescence dans le Lot avec notamment un passage au Lycée Gambetta de Cahors. Il écrit, entre autre, pour le Figaro Madame. Il a fait partie de l’équipe du Fou du roi sur France Inter, intervient dans le Masque et la plume sur la même antenne, dans Le Cercle sur Canal Plus.

Auteur de nombreux romans (dont Les hanches de Laetitia qui se déroule à Toulouse), il a reçu le prix des Deux Magots pour Barbe à Papa, le prix Interallié pour La petite Française (il fait maintenant partie du jury), et le Grand Prix du roman de l’Académie Française pour Un bien Fou.

  • Ils en ont parlé

– Livrogne
– Mille et une pages
– Sophie lit
– La cause littéraire
– Les facéties de Lucie
– Liratouva
– Sans connivence
– Le Prix Virilo

  • Extrait

« Je t’ai aimée, Charlotte. Est-ce que tu te rendras compte de ça ? Est-ce-que ça te servira à quelque chose ?

Tu sais, je comprends qu’ils soient tous dingues de toi. A côté, les autres filles ne font pas le poids. Aucune ne t’arrive à la cheville. Tu entres quelque part et plus rien d’autre n’existe. C’est comme si la pièce, Paris t’appartenaient. Tu mettais cette ville sens dessus dessous.

Cela ne durerait pas. Tout cela s’évanouirait. Sa popularité baisserait. Son kilométrage la trahirait. Elle jetterait ses derniers feux. Elle avait intérêt à se dépêcher. Bientôt, elle serait quelque chose de risible et de hagard, une caricature de blondeur et de sensualité. Il y aurait d’autres filles, sur le marché, plus belles, plus fraîches, plus exubérantes. « Charlotte, ça a été quelque chose », soupireraient ceux qui l’avaient connue à sa grande époque. Adieu, championne.

Elle pouvait crever, tiens. Mais non, pourquoi disait-il ça ?

Il ne lui voulait pas de mal. Il lui souhaitait seulement de finir comme barmaid à temps partiel ou caissière dans un hypermarché de banlieue. Il espérait sincèrement qu’avec son bronzage artificiel, ses cheveux teints d’une étrange couleur blondasse, son maquillage de Faye Dunaway à la con, elle se retrouverait au bras d’un oligarque russe. Visonoff et Limousinski. Elle serait bientôt au creux de la vague. Elle se faisait vieille. Il n’avait jamais pensé à elle en ces termes. C’était sa faute. Il détestait la voir comme ça. Il doutait de l’avoir jamais eue. Elle irait là où les femmes de son âge ont du succès, avec des agents de change en pardessus de cachemire, des milliardaires faisandés ou des jeunes brokers en quête d’une maman pas si mal conservée. Tous ces gars-là lui tourneraient autour, lui offriraient des vacances à Moustique. Un peu de réalisme.

Et lui ? Il prendrait du bide. Des poils lui sortiraient des oreilles. Ses ongles de pieds deviendraient durs et jaune comme du touron. Un second souffle ? Un troisième, un quatrième, voilà ce qu’il lui fallait. Dieu avait intérêt à être généreux. Il emmènerait au Seychelles des filles beaucoup plus jeunes que lui, des filles qui n’auraient jamais entendu parler d’Alvin Lee ou de Joanna Shimkus. Il jouerait son va-tout. Si ça foirait, ça foirerait solidement, définitivement, quelque chose de bien. Il se préparait un avenir de regret et de gueule de bois. Seigneur ! »

Véronique Haudebourg