Je ne vais pas vous mentir, votre histoire d’amour, je m’y suis rendue à reculons. C’est juste pour voir ce que votre auteur pouvait écrire sur une relation épistolaire à l’heure d’internet que je me suis plongée dans Bohême. Et je n’ai pas regretté. Sinon, je n’en parlerai pas sur ce blog.
Oh, bien sûr, il y a eu des moments de lassitude. Passés les premiers émois, la naissance de la passion, les déclarations, les premières découvertes, vos échanges m’ont semblés un peu ennuyeux. Mais n’est-ce pas comme dans la vraie vie -comme on l’appelle-, ces périodes un peu longuettes où la routine s’installe avec le quotidien ? Ce qui me pousserait à penser que le virtuel, somme toute, est aussi la vraie vie.
Alors pour passer le temps, je me suis concentrée sur votre métier Pierre, celui d’un metteur en scène en cours de création. Cela m’a occupée. Fort heureusement pour moi, Olivier Steiner a su relancer mon attention pour achever son roman. Avec une fin des plus crédibles, et la seule possible sans nul doute.
Bref, cher Jérôme, cher Pierre, vous m’avez donné envie de lire un autre ouvrage d’Olivier Steiner, du moins quand il l’aura publié. J’espère pour vous deux que vous avez su rebondir depuis Bohême. Mais sort-on indemne de ce genre d’histoire ?
Bien à vous,
Véronique Haudebourg
PS : Ah oui, pour les lecteurs de ce blog, Bohême, pour faire court, raconte un amour épistolaire moderne, SMS et mail à la clé. Une histoire vécue par Jérôme, jeune beur bigourdan exilé à Paris et Pierre, quadragénaire, metteur en scène, marié et père de famille, en résidence aux Etats-Unis. Une histoire passionnelle que certains peuvent juger excessive et même ridicule. Mais la passion de toutes les manières, est par définition excessive et incensée.
Bohême d’Olivier Steiner est publié chez Gallimard. Il a obtenu le prix Rive gauche à Paris en 2012.
- L’auteur
Olivier Steiner est un nom d’emprunt. A l’origine, il s’agit de Jérôme Léon. Né à Tarbes en 1976, il fréquente le lycée Théophile Gauthier et fait des études à Toulouse. Il décide assez vite de changer de vie et monte à Paris pour vivre sa passion du théâtre. Il a alors 21 ans. Il se consacre aujourd’hui entièrement à l’écriture, notamment sur le site du huffington post.
- L’extrait
Peut-être que je suis fou, hystérique, que je délire, que je vous persécute avec mes fulgurances, que je me contemple dans votre reflet, que je n’aime que moi en train de vous aimer. Car vous êtes célèbre, ce n’est pas un détail, vous avez du pouvoir, ce n’est pas un détail. Ne suis-je qu’une pute qui fantasme ? Une pute suffisamment aveugle pour ignorer son état de pute ? Mais une pute offre son service sexuel contre de l’argent. Quelle serait la transaction entre nous ? C’est une vraie question que je pose là. Je n’en ai aucune idée. J’ai envie de pleurer. Avais-je le droit d’employer le verbe aimer ? Je tremble depuis que je l’ai écrit. Ecoutez, je ne suis plus sûr de rien… I am too much. Too much to be true. Comme la France doit vous sembler minuscule et dérisoire là où vous êtes ! Jérôme.
Pierre, c’est incompréhensible. Il se passe quelque chose de très réel. De mon côté c’est physique. Acceptez-vous d’avoir un amoureux à distance ? Un parfait inconnu amoureux à distance. Pas un admirateur, juste un garçon amoureux d’un autre garçon ? Jérôme.
Mon dîner va bientôt se terminer et je vais rentrer chez moi. Peut-être que j’aurai un mail de vous ? P.
Pierre, je m’étais endormi devant la télé ! Le bip qui vient de me réveiller vient de Californie, c’est un bonheur. Oui, vous allez trouver quelques mails, je redoute votre lecture… J.
Rendormez-vous Jérôme. Pardon de vous avoir réveillé avec le SMS. Suis rentré à la maison. Très troublé par ce que je viens de lire de vous. Perturbé, heureux, excité, comment dire cela ? Quel mot employer ? Quelque chose me coupe le souffle. Vous me dites : acceptez-vous d’avoir un amoureux à distance ? Un parfait inconnu amoureux à distance, comme un garçon avec un autre garçon ? Oui ! Oui, oui, sûrement, à priori, sauf que je veux le connaître, je veux le voir. Je vous aime déjà de façon irrationnelle, totalement irrationnelle. C’est sûrement un problème, parce que nous nous emballons tous les deux excessivement, mais j’aime ce que vous me dites, je comprends vos larmes, vos tourments, j’ai envie de les accompagner, mais vous êtes loin, et moi aussi. J’ai envie de vous parler, de vous voir. De vous toucher sûrement. Je suis troublé par des mots, un élan, une vitesse, pas encore une personne. Je devine que cet élan, que vous connaissez, qui est vous, vous manque, vous fait défaut, ne vient pas, n’est pas au rendez-vous, vous ne vous sentez plus comme vous aimez, donc vous vous sentez mal, je comprends, si c’est cela je comprends. Tellement.
Que tout est compliqué ! Et pourtant, que tout est simple ! J’entends ce que vous dites, ce que vous écrivez, il me manque la personne. La personne. Le corps. Le regard que je ne connais pas, les gestes, les bras, les mains, comment faire ? Et vous êtes épuisé, et moi aussi. Parlons-nous ? Comment faire ?
Jérôme, je viens vers vous mais quelque chose me terrasse. Vous avez le premier employé le mot « désir »… Oui, je sais que nous tournons autour de ça, depuis le début. Mais je suis mal à l’aise, pas tout à fait à ma place. En tout cas ce n’est pas ma place habituelle. Vous voyez, c’est moi maintenant qui suis confus… Je ne sais plus comment continuer. Restez là auprès de moi, encore. Rendormez-vous, à demain. je pose ma main sur votre front. Pierre.
- Eux aussi, ils en parlent
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Véronique Haudebourg