03 Nov

« Le Crime de la tour K », de Franck Linol

Présentation de l’éditeur

Christelle Farges, dont la fille, Marion, a été sauvage-ment assassinée, est jugée aux assises pour meurtre. Elle est accusée d avoir tué Tony, un jeune marginal, persuadée qu il était le coupable de la mort de Marion. Dans le même temps, on découvre, dans un hall d immeuble du quartier de Beauval, le cadavre du jeune Khaled Boukhari, mort d une balle dans la tête. Et sa soeur, Chaïma, a disparu depuis une semaine… Voici le 10e opus de la série « Dumontel » ! Un polar résolument urbain, où le célèbre inspecteur Dumontel se retrouve immergé dans l un de ces « territoires oubliés de la République ». Une enquête haletante sur fond de trafic de drogue et d islamisme radical, dans un monde « hors limite », dur, âpre, violent, où se croisent des personnages à la fois désespérés et attachants.

Biographie de l’auteur

Franck Linol est né à Limoges. Il vit dans sa région du Limousin dont il reste éperdument amoureux. Son maître est le grand écrivain suédois, récemment disparu, Henning Mankell. Mais il est aussi influencé par l’œuvre de Jean-Claude Izzo et de René Frégni. Il s est lancé dans l écriture pour simplement raconter des histoires, donner le plaisir de la lecture et aussi témoigner des dérives d’une société qui entrave de plus en plus les libertés de chacun.

Notre avis

Outre l’enquête, passionnante et sans temps mort, ce livre dépeint une réalité qui touche la plupart des grandes métropole et leurs banlieues sans âme.

« Il marcha dans ces rues qui ne ressemblaient pas à de vraies rues. Des façades constituées de panneaux en béton dans lesquels on avait inséré des fenêtres coulissantes. Un urbanisme qui obéit à une logique industrielle. Un univers dégradé pour une population que l’on a dégradée. Un horizon « barré » où l’on entasse les pauvres, les vieux retraités, les immigrés, qui peinent à payer leur loyer. La mal-vie. 

Dumontel leva la tête. Il éprouva le sentiment d’être enfermé. Il étouffait.

La misère qui suinte de partout. La pauvreté, l’indigence, la détresse, l’ennui… comme des coups de poing que l’on prend dans la gueule à chaque instant. »

Comme la plupart des gens lucides, Dumontel dresse un constat alarmant de la montée de l’intégrisme religieux dans les banlieues.

« Alors qu’ils sortaient de la cité, ils croisèrent trois jeunes femmes voilées qui déambulaient sur le trottoir.

  • Regarde… Les musulmanes portent de plus en plus le voile. Ce n’était pas le cas il y a encore quelques années. Pour moi, c’est une manifestation autant politique que religieuse. Et en ce qui me concerne, dit Dumontel, c’est cette nouvelle génération de militants d’extrême gauche et tous ces bobos bien-pensants qui soutiennent l’islamo-communautarisme. Je ne les reconnais plus, tous ceux et celles qui ont milité pour l’émancipation de la femme, pour l’égalité des sexes, pour la laïcité, contre l’obscurantisme. Aujourd’hui, ils te traitent de raciste ! »

Dumontel assiste impuissant à cette lente descente aux enfers.

« Il était crevé. La faute à l’hiver qui n’en finissait pas ?

Autour de lui, il ne croisait que des gens « lessivés, claqués, vidés ». Tous se plaignaient du temps qui s’emballe, de la pression au boulot, des mails, des SMS, des courses au supermarché, des cons qui klaxonnent au feu vert, de la malbouffe. Tous disaient souffrir de « burn-out », d’insomnie, de stress, d’attaques de panique, d’états dépressifs. Tous témoignaient d’un manque d’énergie, d’un sentiment de grande lassitude, d’un pessimisme exagéré, d’irritabilité et d’une sexualité en berne. »

Pendant ce temps Dany veut encore y croire, et se heurte à l’incrédulité de ses collègues.

« La proposition de Dany se défendait.

  • Et si le meurtre de Khaled n’a rien à voir avec le trafic de drogue ? (…)
  • Giselle, tu le fais exprès ? Tu vas nous emmerder encore longtemps ? Parce que pour toi, alors que dans la tour K, un jeune rebeu se prend une balle en pleine tête, et qu’on trouve à ses côtés sa banane avec une barrette de shit, c’est de la stigmatisation ? Que cette même tour K soit le supermarché de la dope, ça ne te suffit pas ? Tu les kiffes, hein, les jeunes rebeu ?? »

La confrontation de Dumontel et d’Abubakar sonne le glas de cette enquête menée tambour battant :

« Calmez-vous, monsieur. Nous savons où se trouve votre femme Chaïma… Et elle va déposer plainte contre vous pour coups et blessures, mauvais traitements ayant entraîné des lésions corporelles grave. Une agression est un acte criminel. Vous êtes un homme violent.

Abubakar se leva, hors de lui. (…)

  • Vous n’avez pas le droit de nous insulter comme ça ! Ma femme est une bonne musulmane, la fierté de l’islam, qui s’est rapprochée d’Allah comme aucune épouse. Obéissante à son mari, soumise à ses désirs, qui n’élève jamais la voix, qui n’éclate pas de rire, ne blague pas, ne dit jamais de mots vulgaires. Chaïma, la sagesse même, un modèle de piété et de pureté, qui ne regarde pas les divertissements de votre télévision mais se rend à la mosquée et exécute ses prières avec ses sœurs. Alors qu’ici, chez vous, c’est le royaume de la pornographie, elle est partout dans vos têtes. Le pire, c’est votre internet, le lieu par excellence de tous les vices, du malheur, de la décadence. Mais vous, comment traitez-vous vos femmes ? Un homme peut se retrouver seul avec une femme qui n’est pas la sienne, et ça c’est haram ! Fornication, adultère, décadence ! C’est pour ça que la femme doit rester chez elle, pour se préserver des mauvaises tentations. »

Bon voyage au moyen-âge.

L’épilogue réserve un dernier rebondissement qui ne laissera personne indifférent.

Franck Linol est un grand auteur de roman noir, lucide et intransigeant.

« Le crime de la tour K » est une vraie réussite.

Ne passez pas à côté !

 

©Bob Garcia