Elles font le tour des réseaux sociaux et des boîtes mail des pêcheurs et défenseurs de l’environnement… D’après leur expéditeur, le président de l AAPPMA les 2 vallées Gérard Mougin :
« Ce scandale s’est déroulé le 04/02 à 17 h 15 à Cour-St-Maurice à quelques centaines de mètres au-dessus du Dessoubre (…) Est-ce comme cela que les plans d’épandage sont prévus ? La personne témoin de la scène a tenté de prévenir la police de l’eau mais comme c’est souvent le cas il n’a trouvé personne ! Encore un qui passera entre les gouttes ! Et qui recommencera…»
Un courrier envoyé également aux élus et à la préfecture. Aujourd’hui, les services de l’Etat se sont rendus chez l’agriculteur de Cour Saint Maurice. Il a reconnu et expliqué son erreur. Le conseil général du Doubs a porté plainte pour atteinte à l’environnement.
Aujourd’hui, la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations et l’Onema (ex police de l’eau) se sont rendus, accompagnés par la gendarmerie, chez le propriétaire de la parcelle. L’agriculteur a tout de suite reconnu son erreur. Il était entrain de nettoyer à grande eau sa cour quand l’eau a malencontreusement ruisselé vers la fosse à lisier qui était déjà bien chargée… Cela a débordé. Dans la précipitation, l’exploitant a chargé sa tonne et est allé déverser dans un champ qui fait partie de son plan d’épandage. D’après l’enquête, il aurait déversé 25m3 de purin, du lisier dilué. Une erreur qu’il explique par sa précipitation. Si il avait pris le temps d’épandre normalement, les services de l’Etat ne lui aurait pas dressé de contravention. Là, c’est le cas, un procès verbal a été dressé et il sera adressé au procureur de la République.
C’est la direction de la cohésion sociale qui est intervenue car l’exploitation est soumise à la règlementation « installation classée pour la protection de l’environnement ». L’agriculteur a 147 bovins dont une soixantaine de vaches laitières. Ses installations sont aux normes…
C’est donc une erreur humaine qui est à l’origine de la colère des pêcheurs et des défenseurs de l’environnement. Ces clichés ont provoqué ce tollé car tout le monde a encore en mémoire les pauvres truites et ombres mycosés du Dessoubre… Plus généralement, cette affaire est révélatrice de l’état de tension autour de cette question des épandages.
Le 4 février, les sols étaient gorgés d’eau, des conditions qui interdisent l’épandage car, dans ce cas, les effluents ne peuvent pas être assimilés par le sol et deviennent ainsi une source de pollution pour la rivière… C’est ce qu’explique régulièrement la chambre d’agriculture du Doubs et le GRAPE (Groupe Régional Agronomie Pédologie Environnement) au cours des formations destinées aux agriculteurs. Dans ses deux derniers bulletins, la chambre d’agriculture du Doubs insistait justement sur les actions en faveur de la qualité de l’eau.
«Nous sommes intervenus, explique Didier Tourenne de la chambre d’agriculture du Doubs, spécifiquement sur la fertilisation, la gestion des épandages ou les plans d’épandage, ces dernières années à La Longeville, Quingey, Morteau, Pierrefontaine les Varans, Bonnetage, Avoudrey, Amancey. Une nouvelle formation est prévue en mars à Belleherbe… ces formations ou interventions ont permis de toucher une centaine d’agriculteurs.»
Et pourtant, des agriculteurs n’en tiennent pas compte… « Une minorité selon Didier Tourenne, qui pénalise tous les efforts entrepris par la profession. »
Entre fin 2009 et début 2012, 89 exploitations agricoles ont participé à l’opération collective Dessoubre. Un programme qui permet d’aider financièrement les exploitants pour leurs mises aux normes dans la gestion de leurs effluents.
«Le nombre d’animaux présents dans des bâtiments aux normes PMBE (capacités de stockage supérieures au minimum réglementaire) est passé de 59 à 75 % grâce à l’opération collective Dessoubre» précise la chambre d’agriculture.
Même si la majorité des exploitations a donc fait les travaux nécessaires sur leurs exploitations pour augmenter leurs capacités de stockage d’effluents, des agriculteurs proches de la retraite, sans moyens financiers ou juste irresponsables compromettent la réputation d’une profession.
«C’est désolant . Ce qui me gêne c’est l’amalgame. Il ne s’agit pas de pratiques courantes» martèle Didier Tourenne.
Dans les villages, les contrevenants sont connus de tous mais difficile d’aller faire la leçon à son voisin … C’est le travail des services de l’Etat. Ils se sont saisis du dossier. Une enquête est en cours.
Le président du conseil général du Doubs a déposé plainte ce jeudi 6 février pour des actes de pollution sur la commune de Cour Saint Maurice.
« En ma qualité de Président du Département, je ne saurais tolérer ce type d’agissement qui jette un discrédit sur l’ensemble de la profession agricole et remet en cause l’action de la collectivité départementale en faveur de la qualité des eaux sur notre territoire» Claude Jeannerot.
L’élu a de quoi être mécontent...Le conseil général du Doubs et l’Agence de l’Eau ont co-financé ces animations autour de la gestion des épandages et la réalisation des cartes communales pour un montant d’environ 180 000 euros pour les années 2010, 2011 et 2012.
A la Chambre d’Agriculture, 200 000 euros sont consacrés chaque année au financement de trois postes dédiés à la gestion des épandages, à la réalisation des plans d’épandage et des cartes communales d’orientation des épandages.
Lors de son assemblée générale, l’AAPMA les 2 vallées AAPPMA a également voté à l’unanimité une plainte qui sera déposée cette fois-ci contre l’ État. Les deux APPMA du secteur (La Reverotte et Les deux vallées) ont par ailleurs décidé la fermeture totale de la pêche sur le Dessoubre pour 2014. Mais c’est le préfet du Doubs qui doit en dernier recours décider dans le cadre d’un arrêté.
La balle est maintenant dans le camp des pouvoirs publics. A court terme pour la répression et à long terme pour la prévention. Les défenseurs du Dessoubre comptent bien le rappeler lors de la première réunion du nouveau collectif initié par le Club Comtois de pêche à la Mouche prévue le 22 février au Rosureux.
La colère gronde… Un sentiment qui peut se révéler utile pour la rivière. Contacté par les pêcheurs ulcérés, Aurélien Hagimont, chargé de mission Natura 2000 du syndicat mixte du Dessoubre, le résume assez bien :
«La démarche qui permettra d’aller de l’avant face à ces problématiques doit se vouloir à la fois collective et constructive, si l’on veut aboutir enfin à un compromis durable. Il faut traiter des causes fondamentales de ce (vaste) problème et non pas s’attaquer dans l’urgence aux symptômes.Un travail de fond, participatif, risque de prendre du temps et, malgré qu’il demeure urgent d’agir, il faut savoir se donner le temps de la réflexion et de la concertation, savoir aussi mettre certaines rancœurs de côté, pour avancer avec ceux qui le souhaitent. Face aux évènements récents, je les sens de plus en plus nombreux.»
De plus en plus nombreux à faire pression... Mais pas encore assez pour que le bras de fer entre l’environnement et l’économique tourne en faveur du premier. L’exemple de la vallée de la Loue est là pour le rappeler.
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr
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