Souvenez-vous. C’était lors de la Conférence départementales de décembre 2014. Éric Vindimian était le nouveau venu. C’est un des experts du ministère de l’Environnement et du Développement durable et il venait d’être chargé d’une mission d’appui auprès du préfet du Doubs. Depuis, le scientifique est venu régulièrement en Franche-Comté participer à des réunions de travail et, comme promis, Eric Vindimian vient d’établir un « avis sur le diagnostic des causes des perturbations de la Loue et des rivières comtoises ». Un rapport que l’on peut lire intégralement sur le site de la préfecture du Doubs. « Ce pré-rapport, précise la préfecture, est un document de travail, qui a vocation à être partagé et approprié par tous. Les remarques sur ce document provisoire peuvent lui être adressées directement à l’adresse suivante : eric.vindimian@developpement-durable.gouv.fr. » C’est ce que vient de faire le collectif SOS Loue et rivières comtoises.
Des vingt-six pages de ce rapport émerge une idée forte : la création d’un territoire d’excellence écologique. L’expert Eric Vindimian, méthodique et clair, a établi dix recommandations pour « faciliter la discussion entre les parties prenantes de la conférence Loue et rivières comtoises ». L’important, souligne cet avis, est « prendre en compte toutes les causes de perturbations ». Outre la création de ce territoire d’excellence écologique, il est également proposé de « revoir la gouvernance des questions de connaissance ». Ce second point fera l’objet d’un prochain article sur le blog de la Loue.
Revenons sur cette ambition d’excellence écologique pour un territoire donné. Elle me fait penser à la proposition de SOS Loue et rivières comtoises en décembre 2012 lors d’une conférence départementale; il s’agissait de proposer la mise en place d’un contrat de territoire. C’est en route.
Le point de vue d’Eric Vindimian est particulièrement intéressant puisqu’il vient de l’extérieur. Avec tout le recul nécessaire, Eric Vindimian a remarqué que le « souhait de retrouver des rivières dans un état écologique exemplaire est partagé par tous au sein du bassin versant » . Parvenir à travailler ensemble malgré les oppositions est une des particularités de notre territoire.
« De fait, la gravité du problème rencontré par la Loue et la motivation des acteurs m’apparaissent comme les ingrédients de la construction d’un territoire d’excellence écologique. En s’emparant de cette ambition, en mobilisant les élus, les services de l’état et les établissements publics et surtout les acteurs du territoire, cette émergence est possible. Il en existe des exemples, par exemple le territoire du Mené, en Bretagne, a décidé de devenir un territoire à énergie positive il y a dix ans de cela; »
Autre proposition d’Eric Vindimian, passer d’une « logique sans regret » à une logique « gagnant-gagnant ». Pour les scientifiques, les mesures « sans regret » sont celles qui sont « utiles en tout état de cause ». Pour cela, l’expert recommande de « renforcer la communication sur les enjeux écologiques des rivières du bassin versant dans une logique de responsabilisation de chacun des acteurs ».
« Il ne s’agit pas de rechercher des coupables, mais de mobiliser les énergies pour restaurer la qualité écologique des écosystèmes aquatiques »
Un des outils pour y parvenir serait la création d’un pôle Karst. Une démarche qui devrait permettre une meilleure connaissance du fonctionnement de cette espace si complexe. On ne sait pas toujours les chemins empruntés par l’eau !
Le projet avance : depuis septembre, le conseil régional de Franche-Comté a mandaté l’EPTB pour construire ce projet. Un salarié en a la charge. Le conseil départemental du Doubs, les services de l’Etat et l’Agence de l’eau ont donné leur accord pour financer ce projet. Actuellement, le projet de pôle karst est au stade de la définition des méthodes de travail. L’objectif de ce futur pôle est de permettre de rassembler les connaissances sur le domaine du karst et de faciliter les synergies pour mieux organiser les actions de terrain. Mais, il y a tout de même une inconnue de taille : le résultat des élections régionales de décembre prochain. Verra-t-on la création d’un pôle Karst Bourgogne-Franche-Comté ? Nous devrions avoir les premiers éléments de réponses en janvier 2016 lors de la prochaine conférence départementale.
Trois recommandations résument l’objectif d’agir sur toutes les causes :
– « Les efforts de lutte contre l’eutrophisation par les excès de nitrates doivent être poursuivis mais ne doivent plus être classés comme seule première priorité, compte tenu du rôle majeur du phosphore, de l’importance des autres facteurs dans un processus multifactoriel et des efforts déjà réalisés… »
– » Poursuivre une simple surveillance des efflorescences de cyanobactéries et de l’infection des poissons par Saprolenia dans le cadre des programmes de surveillance en cours. »
-« Accorder aux pressions polluantes de toutes origines liées à l’ensemble des activités anthropiques (agriculture, urbanisme, industrie, transport, tourisme…), notamment en terme d’usages de pesticides et biocides, un niveau de priorité aussi élevé que celui accordé jusqu’ici à la lutte contre les rejets diffus d’azote et de phosphore.. »
Le rapport précise qu’il s’agit bien d' »amplifier les mesures de diminution des impacts humains sur les rivières » et qu’il n’est « pas nécessaire d’attendre de tout connaître pour entreprendre de telles actions ». Voilà de quoi satisfaire les défenseurs de l’environnement. Dans ses remarques, SOS Loue et rivières comtoises insiste sur le rôle que devraient jouer les Chambres de commerces et d’Industrie. Le collectif souhaite également aller plus loin en ce qui concerne les apports en azote et phosphore : il propose d' »interdire ou de limiter très fortement les importations que constituent les achats d’engrais et les compléments alimentaires de bétail » et il encourage « le retour à l’autonomie alimentaire », un engagement du CIGC.
Enfin, l’avis rédigé par Eric Vindimian met également en avant des propositions concrètes :
– Mettre en place sans attendre une stratégie d’adaptation au réchauffement climatique, en réduisant les surfaces d’eau calme et en aménageant un corridor boisé le long des rives de la Loue…..
– Compléter les actions de connaissance par un diagnostic des relations entre l’habitat physique et l’hydroécologie du cours d’eau et accentuer les efforts de restauration de la continuité écologique, des écoulements naturels et de la restauration de la ripisylve
-Renforcer la communication sur les enjeux écologiques des rivières du bassin versant dans une logique de responsabilisation de chacun des acteurs.
« Chacun des habitants doit avoir conscience de son rôle et de sa responsabilité. Il n’y a pas de petite pollution, chaque geste compte. Des actions de sensibilisation et de communication pourront jouer un rôle important afin que chacun s’autodiscipline dans son rapport avec les milieux aquatiques. »
Un rôle de sensibilisation que devrait pouvoir remplir le pôle Karst. Dans un prochain article, je reviendrais sur le second volet de l’avis d’Eric Vindimian qui porte sur l’organisation de la gouvernance.
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr