15 Oct

Sauver la Loue : Aide toi et le sol t’aidera !

Journée d'échanges "Les sols en milieu karstiques" à la maison de la Réserve de Labergement-Sainte-Marie

Journée d’échanges « Les sols en milieu karstiques » à la maison de la Réserve de Labergement-Sainte-Marie

Nous le foulons sans le connaître vraiment. Le sol est le milieu le plus riche en biodiversité et pourtant il n’a pas véritablement de protection juridique. 2015 a été déclarée année internationale des sols par l’ONU pour nous faire prendre conscience des dangers qu’ils encourent actuellement. En France, le CESE conseil économique social et environnemental a rendu en mai  2015 un rapport intitulé « La bonne gestion des sols : un enjeu de société ». L’une de ses deux rapporteurs est jurassienne.

Cécile Claveirole est justement venu présenter son travail lors de la journée d’études « les sols en milieux karstiques. Quelles pratiques agricoles , comment améliorer la gestion de nos sols pour protéger les ressources naturelles ? » organisée le 9 octobre dernier par le plateau débat public et France Nature Environnement.
Lors de la présentation des différents travaux, je me suis posée cette question : Comment l’amélioration de la qualité des sols peut-elle contribuer au sauvetage des rivières franc-comtoises ?

Cette question n’était pas l’enjeu de cette journée d’études mais les conclusions des participants peuvent permettre d’y répondre en partie.

Premier constat : la particularité des milieux karstiques de la Franche-Comté. Dans sa présentation, Eric Lucot du laboratoire Chrono-environnement de Besançon, a rappelé les spécificités des sols de notre région.

diversité des sols en Franche-Comté

diversité des sols en Franche-Comté

-Des sols dont les profondeurs les plus fréquentes sont inférieures à 40 cm mais avec des sols profonds localement. Dans une même parcelle agricole, plusieurs types de sols peuvent être recensés. Cette faible profondeur limite les capacités de rétention du sol. L’abondance des cailloux ne favorise pas non plus cette rétention. Cette proximité de sols différents rend complexe la cartographie des sols, elle doit être très fine pour être efficace. Des plans d’épandages ont bien été mis en place pour environ 70% des exploitations dans le Doubs, des plans établis en fonction de la nature des sols mais on atteint pas encore le sur-mesure. « Il faut trouver le meilleur compromis » précise Christian Barnéoud, pédologue pour la chambre d’agriculture du Doubs.
-Les transferts d’eau en profondeur sont rapides et même très rapides après une période sèche. C’est l’effet « Chasse d’eau » !  Du coup, le risque de transfert d’éléments solubles est accru.

-Une bonne résistance au tassement et à l’érosion. 

Ces spécificités du sol expliquent la plus grande fragilité de la vie biologique de ce milieu karstique par rapport à d’autres sols. Le temps de filtrage et le travail du sol sont plus réduits. Cela revient à dire qu’il faut encore prendre plus soin de ce type de sol que d’autres pour qu’il puisse faire son travail.

Parmi les différentes études lancées par le laboratoire Chrono-environnement, les résultats de l’une d’entre elles devraient être justement intéressants. L‘expérimentation a lieu près de Lods dans la vallée de la Loue. Une carte des sols sur ce petit sous-bassin versant a été réalisée et un dispositif de 12 plaques ont été installées dans le sol des parcelles d’un agriculteur de Chasnans. Des sols plus ou moins profonds et des parcelles de prairies ou de céréales. L’agriculteur note scrupuleusement tout ce qu’il fait en termes de fertilisation, de traitements, de récoltes. Ces plaques permettent d’échantillonner l’eau qui passe à travers les sols.
L’objectif est de pouvoir identifier les sources de contamination ou de perturbations et les mécanismes de transferts dans les sols à l’échelle de ce bassin versant. Ce travail est mené avec la chambre interdépartementale d’agriculture du Doubs et du Territoire-de-Belfort. Déterminer ensuite le cheminement de l’eau ne va pas être une mince affaire…

Quel rôle peut remplir le sol ?

Savez-vous qu’une cuillère à café de sol peut contenir entre 100 millions à 1 milliard de bactéries ? Le sol, explique Lionel Ranjard de l’INRA à Dijon, est réservoir de diversité génétique. Selon des expériences menées dans son laboratoire, quand on élimine la vie du sol, les plantes poussent moins bien même si on ajoute de l’engrais. Dans leur rapport pour le CESE, Cécile Claveirole et Agnès Courtoux ont précisé qu’il valait mieux nourrir le sol et pas forcement que les plantes. Cela implique de nouvelles pratiques agronomiques qui sont d’ailleurs préconisées par le ministère de l’Agriculture. Récemment,  le ministère a mis en avant ce rôle de l’agriculture notamment pour la lutte contre le réchauffement climatique en encourageant les pratiques qui permettent de piéger le gaz carbonique dans les sols plutôt que de le rejeter dans l’air. 

Les Agriculteurs peuvent ainsi devenir des alliés de la préservation de la qualité des sols.  « Le sol, c’est comme un estomac ! explique Lionel Ranjard. Plus le sol est vivant plus il filtre. Si on met des polluants, il peuvent être dégradés dans le sol. Par exemple, certaines bactéries intègrent les métaux lourds. Il faut donc veiller à ce que les sols conservent un bon taux de matières organiques pour qu’ils soient bien vivants ».

Mine de rien, c’est un cercle vertueux qui a été dessiné lors de cette journée d’échanges sur les sols en milieu karstique. Dans la salle, agriculteurs, scientifiques, défenseurs de l’environnement, techniciens de collectivités, élus et fonctionnaires ont réfléchi ensemble à « des leviers permettant d’améliorer la gestion de nos sols et de protéger les ressources naturelles » précise le communiqué rédigé par les organisateurs. « Les discussions de l’après-midi ont mis en avant le manque de vocabulaire commun entre les différents acteurs, l’absence de médiation et de concertation sur l’utilisation des sols, poursuit le communiqué. Il a été question de remettre du lien entre la bouche du consommateur et les réalités du sol, du produit et du producteur. » Pour Alain Mathieu, agriculteur venu représenter la filière comté « Croiser les regards des scientifiques et le bon sens des paysans, c’est tout l’intérêt de ce colloque ».  Tout est lié !

« Il faut que les gens se parlent ! » insiste Pascal Blain, de France Nature Environnement. Une fois de plus, cette journée a mis en avant le besoin de communiquer plus largement, dans la salle, il n’y avait que des convaincus.

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr