La réalisatrice américaine, Debra Granik, présentait à Poitiers le week-end dernier son nouveau film « Leave no Trace », sorti en salles ce mercredi. Nommée aux Oscars en 2011 pour « Winter’s Bone », son nouveau film se révèle un vibrant plaidoyer en faveur de la possibilité de vivre en dehors de la société.
Est-il possible aujourd’hui de vivre loin de la société ? Et même de s’en émanciper définitivement ? Les personnages du nouveau film de Debra Granik, « Leave no Trace », Will et sa fille Tom, en font la cruelle expérience dans l’Amérique contemporaine.
Adapté du roman « Abandon » (« My Abandonment« ) de Peter Rock, l’histoire est celle, réelle, d’un père et sa fille, ayant vécu plusieurs années en pleine forêt, à la limite de la ville de Portland, dans l’Etat de l’Oregon.
Le père se disait que sa fille avait le reste de la sa vie pour se conformer à la société moderne et qu’à travers la vie qu’il lui proposait, il pouvait lui transmettre une alternative (D. Granik)
Debra Granik choisit de les filmer dans leur quotidien, sur leur campement, se réchauffant au coin du feu de camp, à la recherche de leur nourriture, dans leur quête d’eau potable. Dès la séquence d’ouverture, leur vie est présentée à travers une série de scènes très documentées, le père apprenant à sa fille à vivre et à survivre dans ce milieu naturel, fuyant la présence d’autres hommes. Le spectateur découvre leurs codes, leur mode de communication et ce souci de ne laisser aucune trace derrière eux pour demeurer indétectable par la société des hommes, si proche.
Le retour à la nature
A l’image, la réalisatrice déploie une palette infinie de tons de vert à travers lesquels filtre une lumière blanche. Le spectateur est plongé dans un monde qui pourrait autant lui paraître hostile qu’il lui semble familier, à travers les sentiers de la forêt, comme s’il était en balade.
Dans cette histoire, la ville n’est pas bien loin. Le père s’y rend d’ailleurs régulièrement. Pour toucher sa pension militaire. Pour acheter ce que la forêt ne peut lui procurer. Le spectateur découvre alors une tranche de l’histoire de cet homme, ancien combattant, incapable de revenir.
« Il est définitivement aliéné de notre monde, raconte Debra Granik lors d’un échange avec le public à l’issue de la projection de samedi au TAP Castille. Comme d’autres anciens combattants traumatisés, victimes de blessures de guerre, il ne peut plus vivre cette vie quotidienne qui est la notre. »
« Tous les deux vivent très humblement, poursuit-elle. Mais ils restent très dépendants de la ville, pour une raison simple : ils ne sont pas propriétaires de la terre sur laquelle ils vivent. »
Lorsque la société, à travers les services sociaux américains, les découvre, ils apparaissent d’abord suspects. Tous vont vouloir croire à une maltraitance paternelle envers une jeune fille dont le niveau d’éducation et le bien-être vont se révéler de très loin supérieurs à ceux des enfants de son âge.
La réalisatrice livre alors une passionnante réflexion sur la notion de transmission. Lors de l’échange avec le public, elle évoque une rencontre avec un autre père et sa fille, qui eux aussi ont tenté cette vie, à la marge. « Lui se disait qu’elle avait le reste de la sa vie pour se conformer à la société moderne et qu’à travers la vie qu’il lui proposait, il pouvait lui transmettre une alternative. »
A travers ce film, Debra Granik aborde une thématique régulièrement explorée par le cinéma américain : celle du retour à la nature. Le spectateur se souviendra d’« Into The Wild » de Sean Penn, de « Captain Fantastic » de Matt Ross ou du grand classique de Sydney Pollack, « Jeremiah Johnson » incarné par Robert Redford, situé au 19ème siècle.
PROJECTIONS DU FILM :
Au TAP Castille, à Poitiers (horaires, cliquez ici)
Au Moulin du Roc, à Niort (horaires, cliquez ici)
A La Coursive, à La Rochelle (horaires, cliquez ici)