Le premier roman de Pauline Delabroy-Allard, « Ça raconte Sarah » parait à l’occasion de la rentrée littéraire de septembre 2018. Le récit se focalise sur les bouleversements du cœur provoqués par une rencontre amoureuse inattendue. « L’amour avec une femme : une tempête », lance, laconique, la narratrice de ce roman.
Née sous le signe du soufre. De l’embrasement. De la passion. Mais aussi sous le signe de la souf-france. Du replis sur soi. De la fuite. Telle une allumette que l’on craque, l’entrée de Sarah dans la vie de la narratrice se révèle immédiatement incandescente, bouleverse tout sur son passage, jusqu’à, quelques années plus tard, convaincre l’une d’avoir laissée l’autre pour morte dans la chambre où elle lutte contre la maladie et où elles viennent de faire l’amour.
« Ça raconte Sarah » se présente comme une série d’entrées plus ou moins courtes, tel un journal intime tenu par la narratrice, mais prend aussi le ton d’une voix off à la manière d’un film de la nouvelle vague et, de manière plus inquiétante, laisse également parfois l’impression d’une déposition de police.
Car si la narratrice se souvient tout le long du livre de sa vie avec Sarah, elle se focalise surtout sur cette nuit où, convaincue d’avoir tuée sa compagne, « enfin, je ne suis pas sûre », lâche-t-elle dans la seconde moitié du roman, elle tente de se remémorer les événements qui ont conduit à son départ précipité, cette nuit-là.
En équilibre sur un fil singulier
Dans cette histoire, la mort se révèle potentiellement tout aussi métaphorique que l’histoire vécue entre les deux femmes dont l’intensité et l’évolution est le plus souvent racontée par analogies, par le prisme de l’évocation d’un titre de film vu par les personnages, d’une chanson entendue, d’une ville visitée. Ainsi l’histoire progresse-t-elle de références musicales classiques, à une pièce de Shakespeare, « Songe d’une nuit d’été » par exemple – « une réflexion sur les pouvoirs de l’imagination face à l’arbitraire de la loi et notamment face aux rigueurs de la loi familiale » -, à une référence trufaldienne, après une dispute, – « Je hurle l’amour en fuite » – à Marguerite Duras – « l’amour est voué à l’échec » -, jusqu’à « La Jeune fille et la mort » de Schubert et à l’arrivée de la narratrice à Trieste, en Italie, ville présentée de manière impassible et froide, comme dans une fiche technique ou une définition de dictionnaire.
Le roman trouve son équilibre sur ce fil singulier où les souvenirs de la narratrice sont associés à des références ou des allusions à des œuvres connues de tous. Elles construisent un récit hors champ pour mieux suggérer et dire l’histoire vécue. « Ça raconte Sarah » séduit ainsi par sa forme. S’il y est question d’une histoire d’amour entre deux femmes, la thématique lesbienne n’épouse pas l’enjeu de société mais bien la cause de la littérature.
Clément Massé
« Ça raconte Sarah », de Pauline Delabroy-Allard (Editions de Minuit), 192 pages, 15 euros.
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