31 Jan

Flamenco : après avoir enthousiasmé le public du TAP, rencontre avec le danseur Eduardo Guerrero

Applaudissements à tout rompre du public poitevin, Eduardo Guerrero a enflammé le Théâtre auditorium de Poitiers (TAP) les 19 et 20 janvier dernier avec son spectacle « Guerrero ». Nous avons pu échanger avec lui.

 

Trois chanteuses, deux guitaristes et un danseur évoluent sur la scène du TAP, d’un halo de lumière à l’autre. Les déplacements sont ponctués de coups frappés du pied par le danseur, Eduardo Guerrero. Des voix de femmes s’élèvent. Au loin, on entend le glas sonner. Leur chœur entame l’évocation d’un drame dont le spectacle est l’écho. Dès les premières notes, le spectateur est saisi…

Quelques jours après le spectacle, Eduardo Guerrero nous a accordés quelques instants pour échanger avec lui, par mail. Rencontre.

Cela fait plusieurs années que je travaille en France et je ne me souviens pas d’ovations similaires à celles que nous avons reçues lors des deux soirées à Poitiers. C’est flatteur de voir que dans une salle comme celle du théâtre de Poitiers il n’y avait plus un siège de libre. Poitiers m’a donné beaucoup d’affection (E. Guerrero)

Qu’évoque le chœur des femmes au début du spectacle ? Est-ce le récit de l’épopée du personnage que vous interprétez ?

C’est le prélude, il annonce ce qui va se passer dans le spectacle. Le chœur des femmes interprète une sorte de prière et de chanson religieuse que l’on appelle « Saeta », traditionnellement chantée devant la Vierge ou le Christ lors des cérémonies de la Semaine sainte en Espagne. Mais ici, c’est plutôt un chant de lutte et de courage. Elles interprètent un hymne de guerrières pour faire face à la bataille des sentiments qui est sur le point d’éclater sur scène.

Dans le spectacle, quels liens unissent le danseur aux chanteuses ?

Tout au long de la représentation, le spectacle révèle des émotions très riches et des personnages qui ne sont pas enfermés dans un rôle. On est à la fois amants, amis, fils et elles, les femmes, sont aussi bien institutrices que mères de famille… C’est très enrichissant. Tu réalises que dans un même spectacle tu vas pouvoir interpréter différents personnages de la vie quotidienne. Et tout ça en une heure et demi.

Votre spectacle trouve-t-il sa source dans le flamenco traditionnel ou vous situez-vous dans une quête d’horizons nouveaux ?

C’est un spectacle de flamenco. Il est l’expression de c’est ce que nous sommes en tant que troupe et de ce que nous ressentons. Mais c’est aussi un flamenco qui s’ouvre à d’autres univers. Je l’ai voulu plus innovant. C’est le flamenco que je ressens en moi en ce moment même. Mais il reste foncièrement imprégné de nos racines et de nos origines.

Au final, quelle histoire, quel récit, voulez-vous transmettre ?

C’est ma relation (et celle de l’homme en général) aux femmes : que ce soit la relation à la mère, l’amie, l’institutrice, la maîtresse. J’accorde beaucoup d’importance à cette relation. Ce spectacle est un hommage personnel à toutes les femmes.

Pour vous, quelle serait la meilleure définition du flamenco ?

Pour moi le flamenco est un langage qui nous identifie, c’est une culture, une façon d’être et un mode de vie. C’est un art qui transperce. On est ému, touché, quand on entend la guitare et la voix en direct. Et si à cela, on ajoute la danse, tout prend forme. Pour moi le flamenco est l’un des langages les plus puissants au monde. Il n’a pas besoin d’une langue parlée, il suffit de le sentir et de prendre du plaisir. C’est très fort.

Pour terminer, l’enthousiasme du public français et à Poitiers en particulier, vous a-t-il surpris ?

Je suis vraiment très satisfait des représentations de « Guerrero ». Dans chaque pays dans lequel on s’est produits, le public s’est révélé très réceptif. Cela fait plusieurs années que je travaille en France et je ne me souviens pas d’ovations similaires à celles que nous avons reçues lors des deux soirées à Poitiers. C’est flatteur de voir que dans une salle comme celle du théâtre de Poitiers il n’y avait plus un siège de libre. Poitiers m’a donné beaucoup d’affection, c’est un rêve pour moi de voir mes chorégraphies représentées dans de magnifiques salles en France. Les infrastructures sont bien meilleures que dans mon pays où la danse n’est pas aussi présente. Je suis très reconnaissant envers le public français, les programmateurs qui me font confiance et surtout envers mon équipe, qui rend possible tout ce qui est en train d’arriver dans ma vie.

Propos recueillis par Clément Massé et traduits par Valentine Leboeuf.

Eduardo Guerrero, sur scène, dans son spectacle de flamenco "Guerrero". c. Felix Vazquez

Eduardo Guerrero, sur scène, dans son spectacle de flamenco « Guerrero ». Photo : Felix Vazquez

 

 

17 Jan

Chanson : Violette dévoile ses compositions sur la scène pictave

Le 4 novembre 2017, Violette se produisait sur la scène de L'Envers du bocal à Poitiers.

Le 4 novembre 2017, Violette se produisait sur la scène de L’Envers du bocal à Poitiers.

Depuis notre table à L’Envers du bocal, le brouhaha de la salle pose un voile intempestif sur la voix de Violette. Avec Dominique et Javier, nous sommes installés à l’extrémité opposée, à l’une des tables en bois recyclé; d’anciens volets découpés qui portent encore leur ferrage. Devant nous, des groupes se sont formés et discutent debout un verre à la main. D’autres dînent d’une soupe et d’une salade création maison. Le long de la baie vitrée, on observe les passants entrer. Un filet d’air frais s’immisce. Le vibrato de Violette survole les discussions d’un samedi soir entre amis dans ce haut lieu culturel et alternatif du centre-ville de Poitiers.

Capter l’attention du public

Nous sommes venus sur les conseils de Dominique. Son amie Clémence, alias Violette, chante. Elle voulait qu’on la connaisse. Violette interprète de nouvelles chansons. Dans la caisse de sa guitare, elle présente son dernier EP, « Breath » (septembre 2017), le premier qu’elle publie sur support CD (disponible au Monde du Disque et à l’Espace culturel Leclerc Poitiers et en téléchargement sur Bandcamp). Le précédent, « Brainstorm » (novembre 2015), avait paru en ligne sur le site Soundcloud et comptabilise à ce jour plus d’un millier d’écoutes pour le titre phare, « My travel with you » et plusieurs centaines pour les suivants.

Le public du bar culturel L'Envers du décor applaudit Violette à l'issue de son set, le 4 novembre 2017

Le public du bar culturel L’Envers du décor applaudit Violette à l’issue de son set, le 4 novembre 2017

 

Chanter dans un bar, ça apprend à se dépasser, à attirer l’attention, à capter les gens (Violette)

Elle aime Bob Dylan et Cat Power

Sur sa petite scène, Violette a ajouté une petite guirlande de lumières blanches qui tombe de son ampli. Quand elle se présente, elle semble s’exprimer du bout des lèvres, presque timide. Pourtant, dès qu’elle chante, sa voix douce perce aisément au dessus des discussions et impose une présence au creux de l’oreille. Violette sait que « les gens ne sont pas forcément venus l’écouter ». « Ca apprend à se dépasser, à attirer l’attention, à capter les gens », confie-t-elle.

Violette s’est trouvée une proximité avec les univers musicaux des grands folkeux américains. Elle a choisi de s’exprimer dans leur langue, mais elle ne s’inscrit pas pour autant dans la tradition folk anglo-américaine. Certaines inflections de sa voix rappellent le lyrisme de celle de l’Américaine Judy Collins. Elle aime Bob Dylan, dit avoir beaucoup écouté Sheryl Crow et Cat Power et chante ses propres textes.

 Après le premier set à Northampton, je me suis dit, les gens savent tout. Ils ont tout compris (Violette)

En anglais

On s’interroge sur le choix de la langue anglaise. Une manière de « se protéger », avoue-t-elle. De ne pas complètement « se dévoiler ».

Sur son dernier EP, « The Rose » évoque par exemple la maternité. « The little song », qui ferme le disque, retrace une amitié  – amoureuse, semble-t-il -, dont, des années plus tard, il est temps de tourner la page. Les paroles sont simples, imagées et touchent juste.

Lorsqu’on la retrouve chez elle quelques semaines plus tard, elle en sourit et admet que lorsqu’elle s’est produite sur des scènes étrangères, en Grande-Bretagne par exemple, elle « a pris conscience que les gens pouvaient comprendre (ses) textes ». « Je me suis retrouvée complètement ‘nue' », avoue-t-elle, encore surprise. « Après le premier set, je me suis dit, les gens savent tout. Ils ont tout compris. »

Violette, rencontrée chez elle à Poitiers, le 10 janvier 2018

Violette, rencontrée chez elle à Poitiers, le 10 janvier 2018

Confortablement installée sur le canapé du salon de son appartement qui surplombe l’entrée du parc de Blossac, elle poursuit. « Ce n’est pas naturel pour moi de chanter en français. Le Français me fait peur, vraiment. (…) Beaucoup de gens écrivent de très beaux textes en français, je trouve dur de passer derrière eux. Je ne me sens pas encore à la hauteur. » Puis elle ajoute : « Peut-être que ça changera. » Elle note que Radio Elvis chante en français, alors, « pourquoi ne pas essayer… » Mais elle se reprend : « Quand la mélodie arrive, ce ne sont pas des mots français qui me viennent. »

Les Anglais étaient émus. Certains m’ont dit qu’ils étaient touchés par mes chansons (Violette)

L’expérience européenne

Violette a beaucoup tourné sur les scènes pictaves; et au-delà. Un tremplin Face B lui a permis, à Poitiers, de participer aux Expressifs en 2016. Présents cette année-là, des organisateurs du MaNo Musikfestival de Marbourg (ville jumelée à Poitiers) l’invitent à leur tour à se produire chez eux, en mars 2017. Là, à nouveau, d’autres organisateurs, cette fois du Twinfest de Northampton (autre ville jumelée à Poitiers – le festival est celui des trois villes, Poitiers, Marbourg et Northampton), lui offrent sa première scène anglaise.

L’expérience européenne demeure l’une des plus importantes de sa jeune carrière. « J’ai testé mes chansons auprès d’un public d’une autre culture musicale. On reçoit d’autres critiques », confie-t-elle. Le regard sur son travail change. Les retours qu’elle recevaient jusqu’à présent étaient ceux de ses proches. Au départ, « le premier miroir réellement, ce sont les amis et la famille. Certains ne soupçonnaient pas que je chantais… » Là, c’était un public étranger qui la découvrait comme n’importe quelle autre artiste. « Les gens étaient émus. Certains m’ont dit qu’ils étaient touchés par mes chansons. C’était vraiment le plus beau compliment que l’on puisse me faire. »

 Je compose le soir, le moment où c’est plus calme, quand la journée est passée et que l’on se retrouve avec soi-même (Violette)

Dans son salon, ses deux guitares et un ukulélé trônent, face au canapé. Un lapin noir, prénommé Bobby, pointe ponctuellement le bout de son nez, renifle furtivement l’invité et retourne se cacher entre un coussin et sa maîtresse. « En ce moment, la musique occupe un gros tiers de mon temps, » explique-t-elle. « Je compose par périodes. C’est le sentiment du moment qui agit. » Pour elle, c’est le plus souvent le soir, à la maison, « au moment où c’est plus calme, où la journée est passée, où l’on se retrouve avec soi-même. » Dans la journée, elle se repose sur cet outil moderne, le téléphone portable. « Il me sert à enregistrer mes idées quand elles me viennent. »

Lorsque l’on s’est rencontrés en janvier, Violette parlait de six morceaux en chantier. Certains deviendront des chansons, d’autres peut-être pas. Ils viendront s’ajouter aux sets de ses prochains concerts dont elle espère dévoiler la liste prochainement.

ALLER PLUS LOIN

Pour écouter Violette:

« Brainstorm » (novembre 2015)

« Breath » (septembre 2017)