« Touche pas à l’Alsace! »: 6.500 personnes selon la police, jusqu’à 30.000 selon les organisateurs, ont manifesté samedi à Strasbourg dans une forêt de drapeaux régionaux rouge et blanc pour exprimer leur rejet de la fusion avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne.
Le rassemblement sous un beau soleil, confiné sur une grande place au nord de la ville, faisait figure de test grandeur nature pour la droite locale, UMP en tête, à l’origine de la manifestation avec les chambres consulaires régionales. Vers 15H30 la police avait recensé environ 6.500 participants, selon une première estimation. L’objectif affiché par les organisateurs est d’atteindre un total de 10.000 manifestants pour se faire entendre jusqu’à Paris.
Sur une grande scène installée pour l’occasion se succédaient des groupes locaux aux noms évocateurs, comme les « Bredelers » ou les « Kansas of Elsass », certains chantant en alsacien. Dégustations de pommes et de bretzels étaient également au menu. « Touche pas à l’Alsace », pouvait-on lire sur une pancarte de plusieurs mètres de haut, figurant une Alsacienne en costume traditionnel à l’air furieuse et brandissant une fourche. « Alsaciens oui! Moutons non! » ou encore « On ne mélange pas Riesling et Champagne », pouvait-on lire sur d’autres affiches. « Fusionner avec la Lorraine, ça ne me dérangerait pas, parce qu’on a une histoire commune. Mais quand ils (les députés) ont rajouté la Champagne-Ardenne, ça a été trop » explique Christian, un clerc d’huissier venu de la région de Mulhouse avec sa femme.
« J’ai peur que l’Alsace se retrouve noyée, on ne sait pas à quelle sauce on va être mangés », a-t-il ajouté. « Fière de mes racines » « Je suis venue pour dire que je suis fière de mes racines, que je ne veux pas qu’on touche à notre patrimoine », témoigne Stéphanie Schaeffer, une mère de famille souriante arborant la coiffe alsacienne typique, avec ses grandes oreilles noires, et un T-Shirt avec des cigognes, l’oiseau emblématique de la région. On croisait aussi de nombreux élus locaux parmi les manifestants, maires de petites communes, adjoints ou conseillers municipaux. Des discours politiques, notamment du président de région Philippe Richert (UMP), étaient également prévus. Olivier Brungard, adjoint au maire de Traubach-le-Haut, un village du Haut-Rhin, est venu avec d’autres élus et une pancarte interrogative: « Parisiens, jacobins, à quand la France fédérale? ».
« La solution n’est pas de former un ensemble grand comme la Belgique mais de donner beaucoup plus de compétences aux régions existantes », explique-t-il, invitant à prendre exemple sur l’Allemagne et la Suisse, deux pays voisins avec des systèmes fédéraux, « qui ont des PIB parmi les plus forts d’Europe », souligne-t-il. Les trois collectivités alsaciennes ont ressuscité le 22 septembre le projet d’un « conseil unique » d’Alsace, pourtant rejeté lors d’un référendum régional en 2013 en raison notamment d’une trop faible participation au scrutin.
L’Alsace s’était résignée à l’idée de fusionner avec la Lorraine. Mais la proposition des députés le 23 juillet de rajouter la Champagne-Ardenne a incité la droite et le centre alsacien à s’opposer désormais à toute fusion. De son côté la gauche alsacienne, qui continue de plaider pour une union avec la seule Lorraine, a dénoncé une manifestation partisane et le risque d’alimenter le sentiment identitaire. Car la manifestation est aussi soutenue par le FN, le mouvement d’extrême droite « Alsace d’abord » et le parti régionaliste « Unser Land » (Notre pays). « Contrairement à d’autres régions, ce n’est pas dans la mentalité alsacienne de manifester, les Alsaciens sont très légitimistes » selon Jean-Georges Trouillet, porte-parole du mouvement Unser Land. « Quand ils manifestent, c’est que c’est sérieux ». Officiellement commencé à 14H30, le rassemblement doit durer jusqu’à 17H30.
Reportage : « Touche pas à l’Alsace »