« La loi est peut-être compliquée mais elle est précise ! » (…) « Nous avons été plus compréhensifs, plus larges avec les candidats des législatives de l’étranger »
En 2 phrases, François Logerot, le président de la Commission Nationale des Comptes de Campagne et du Financement Politique (CNCCFP) dissipe une grande partie du malaise qui s’était installé autour des nombreux rejets de comptes et des peines d’inégibilité consécutives, prononcées par le Conseil Constitutionnel. 20 % des comptes rejetés pour les candidats à l’étranger contre 2% sur l’ensemble du territoire national, 30 peines d’inégibilité, il y avait de quoi s’interroger sur l’inadéquation des règles à un scrutin inédit. « Mais ce sont quand même 101 approbations qui ont été prononcées et les candidats avaient tout loisirs de se renseigner auprès de la Commission en cours de campagne », souligne François Logerot. Autrement dit, les imprudents ne peuvent s’en prendre qu’à eux-même. Ce qu’on est d’ailleurs pas loin de penser dans les coulisses du PS !
« Le juge de l’élection, c’est le Conseil Constitutionnel ! «
Pour autant, toutes les interrogations ne sont pas levées. Entre les « largesses » de la CNCCFP et la « fermeté » du Conseil Constitutionnel constatée par François Logerot dans l’interview qui suit, on sent bien qu’il reste un espace de questionnement. Entre les lignes et les mots de l’ancien président de la cour des Comptes, il reste la place pour une différence d’interprétation de certaines « fautes » commises. Le président ne le dira pas, mais il semble bien que la Commission ait été plutôt surprise par la sévérité des Sages, notamment pour ce qui concerne les annulations de deux élections. Le jugement, d’ici l’été, du rejet de compte de Nicolas Sarkozy, spécifié par la Commission « en conscience » en dira peut-être un peu plus sur l’état d’esprit des magistrats de la rue de Montpensier !
« Nous avons été compréhensifs »
178 candidats, 123 concernés (plus de 1% des voix), 22 rejets de compte, 10 absences de comptes. Les chiffres l’indiquent, les premières législatives à l’étranger ont été difficiles pour les candidats. Pour autant, François Logerot précise que la Commission a été plutôt large dans ses appréciations. A noter aussi que la probité des candidats n’est jamais remise en cause. Aucun cas de fraude avérée… pour autant que la Commission ait pu les détecter. Ce n’est pas sa responsabilité première.
« La loi est compliquée »
Pour bien comprendre l’ensemble des décisions et des commentaires qui vont suivre, il faut revenir à la loi. Le code électoral prévoit qu’un candidat ne peut engager des dépenses qu’à travers le mandataire qu’il s’est choisi et qui dispose d’un compte en France. La loi d’avril 2011 a tenté d’adapter ces règles à la spécificité des législatives de l’étranger en ouvrant la possibilité de désigner des représentants du mandataire dans tous les pays. Sans possibilité d’ouvrir un compte en monnaie locale, sauf dans certains pays aux devises non convertibles ou dotés d’un contrôle des changes interdisant les transferts. Que la liste de ces pays ait été établie 5 mois après le début de la campagne ne change pas fondamentalement les choses, aux yeux du président de la Commission.
Le cas Corinne Narassiguin
S’il considère que le Conseil Constitutionnel s’est montré ferme pour ne pas dire plus, François Logerot n’apprécie pas pour autant les « incompréhensions » des députées invalidées suite aux décisions de sa commission. Jugée pour avoir ouvert un compte de campagne aux Etats-Unis, Corinne Narassiguin a plaidé la décision tardive et rétro active d’interdire cette possibilité dans ce pays (5 mois après le début de la campagne). Une argumentation qui a le don d’agacer François Logerot
Le cas Daphna Poznanski
C’est pour avoir atteint 17% de dépenses personnelles (14% du plafond) que le compte de campagne de Daphna Poznanski a été rejeté, entraînant l’annulation de son élection dans la 8è circonscription (Europe du sud). « Mais comment faire campagne dans 8 pays en emmenant son mandataire partout au risque de doubler ses frais de déplacement ? » s’interrogeait ici même l’ex députée. Mais quand Daphna Poznanski évoque « Kafka », le magistrat répond sur un ton plutôt ironique…
Conseils au fil de l’eau et respect des règles
Et le président Logerot d’enfoncer le clou en rappelant qu’une majorité de candidats a su s’adapter. Notamment en consultant régulièrement la Commission en cours de campagne..
Le Conseil Constitutionnel, ses décisions, les conséquences
En prononçant 30 peines d’inégibilité sur 32 saisines, le Conseil Constitutionnel a frappé fort. Pourtant les dossiers étaient cette année jugés au cas par cas. François Logerot détaille les conséquences de cette « fermeté » en rappelant que l’inéligibilité était désormais applicable à tous les scrutins !
Le cas Thierry Mariani
C’est la candidature du ministre des transports qui avait attiré l’attention sur les problèmes inédits posés par ces premières législatives à l’étranger. Notamment par la »fanfaronnade » initiale de Thierry Mariani sur son « trésor » de 3 millions de « Miles » qui lui permettrait de financer ses voyages de campagne. Pour trancher, la Commission avait très tôt pris des avis juridiques et fiscaux.. Quant à la légitimité des voyages du ministre candidat dans les pays de sa circonscription, ce n’ést pas vraiment du ressort de la CNCCFP.
Le rejet du compte de Nicolas Sarkozy
Du mélange des genres du ministre candidat Thierry Mariani , à celui du président candidat, Nicolas Sarkozy, il n’y avait qu’un pas et une question subsidiaire. N’est-ce pas ce flou entretenu entre fonction et statut qui a motivé le rejet du compte de campagne du candidat à la présidentielle ? « Oui, mais en partie seulement » précise François Logerot qui s’exprime pour la première fois sur une décision spectaculaire mais « prise en conscience »…
Les propositions d’adaptation de la loi
Même si elle n’a pas encore rendu son rapport, la CNCCFP tirera forcément les leçons de ces premières législatives à l’étranger. François Logerot détaille ici les deux principales préconisations qui pourraient améliorer les règles. C’est un peu technique, mais les futurs candidats apprécieront .. si le scrutin est maintenu tel quel en 2017.