24 Août

Rebeyrolle et Courbet : « Puissance de la passion »

Détail d'un tableau de Paul Rebeyrolle exposé au musée de l'Abbaye à Saint-Claude (Jura)

Détail d’un tableau de Paul Rebeyrolle exposé au musée de l’Abbaye à Saint-Claude (Jura)

Du Jura à la Haute-Marne … L’influence de Gustave Courbet sur les peintres contemporains se décline tout cet été dans deux belles expositions. Elles ont en commun, un peintre exceptionnel : Paul Rebeyrolle (1926-2005). Le musée de l’Abbaye à Saint-Claude présente ses oeuvres de jeunesse et son attrait pour le réalisme de la peinture de Courbet. L’Abbaye d’Auberive en Haute-Marne, elle, a choisi d’accrocher des toiles plus tardives et, elles aussi, directement influencées par le maître d’Ornans. Cela m’a donné envie de rechercher les raisons de cette ascendance.

J’ai trouvé un début de réponse dans le catalogue de l’exposition « Paul Rebeyrolle, Puissance de la passion » édité à l’occasion de l’exposition éponyme de l’ancien musée Courbet ( aujourd’hui Institut Courbet) lors de la période estivale de 1994. Voici le reportage tourné à l’époque par Florence Petit et Philippe Payet. Ils avaient pu interviewer le maître d’Eymoutiers.


Paul Rebeyrolle à Ornans en 1994

En ouvrant ce livre, je suis tombée sur une photo de Rebeyrolle : le peintre semble heureux, il se baigne dans la mer. Rondouillard, barbu, d’apparence jovial… Courbet appréciait aussi les bains de mer ! Un siècle les sépare mais tout les rassemble :

« Courbet est un ami d’hier,
toujours présent, et toujours à venir.
Paul Rebeyrolle »

L’artiste revendique l’héritage de Courbet bien au delà des querelles d’école. Abstrait, figuratif… l’essentiel n’est pas là :

« Pour moi l’influence qu’exerce Courbet, c’est qu’il a su voir la réalité au plus profond et non superficiellement . Il a agi de la sorte dans son art et dans sa vie ».

Et pour bien saisir cette influence, l’idéal est d’observer les premières toiles de Rebeyrolle au musée de l’Abbaye à Saint-Claude. Certaines peintures étaient d’ailleurs exposées à Ornans en 1994. Elles sont rarement exposées. La fille du peintre précise que son père n’aimait pas les mettre en avant.  Mes consoeurs Catherine Schulbaum et Fabienne Le Moing l’ont rencontrée, cet été à Saint-Claude, ainsi que le collectionneur spécialiste de la Jeune Peinture Pierre Basset et Valerie Pugin, conservatrice du musée de l’abbaye.

Rebeyrolle a imposé son oeuvre en pleine période abstraite Avec Bernard Buffet, Bernard Lorjou, André Minaux, Simone Dat sa première épouse, ils prônent un retour au réalisme, à la figure. Le paysage a toute sa place. 

Rebeyrolle « parcourt la campagne, ressent la primauté de la nature, écrit Jean-Jacques Fernier. Comme Courbet, « sans religion et sans idéal », il se laisse dominer par elle. A 16 ans, « enfant de la nature et du sentiment », il pêche et il chasse ». Rebeyrolle confie :

« On a envie de dire les choses qu’on a observées, qu’on a vues. On a envie de transmettre le paysage. Une envie qui se traduit. La poésie de la rivière, si vous voulez ».

L’influence de Courbet sur Rebeyrolle est directe. Même cadrage pour la truite. Plus tard, Rebeyrolle la représentera avec sa pâte bien à lui. Les deux hommes ont le goût de l’engagement. La Commune, le PC. Rebeyrolle met également en place des séries, une des innovations majeures de Courbet. L’exposition de 1994 présentait plusieurs toiles de la série « Hommage à Courbet » et de celle intitulée « les deux amies ». Des oeuvres de 1993 inspirées par L’origine du monde et Le sommeil de Courbet. 

Vous pouvez justement voir l’une d’entre elles à l’abbaye d’Auberive. Rebeyrolle est l’un des artistes dont les oeuvres sont collectionnées par Jean-Claude Volot. Cette année, Alexia Volot, la directrice de la programmation culturelle de l’abbaye, a mis sur pied une exposition remarquable mettant en évidence les liens entre Courbet et des artistes contemporains dont Paul Rebeyrolle. Avec Laurent Brocard et Sebastian Linozzi, nous avions à cette occasion rencontré Ronan Barrot. Un artiste également présent dans la collection de l’abbaye d’Auberive. Ronan Barrot revendique lui aussi, haut et fort, sa filiation avec Courbet et Rebeyrolle. 

Cette forme de connivence est tout aussi physique qu’intellectuel. Ronan Barrot est l’héritier des maîtres du XIXe et du XXe. C’est comme si des étincelles de Courbet avaient éclaboussé Rebeyrolle et Barrot. Pour notre plus grand bonheur et celui des générations futures.

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr

Le catalogue de l’exposition « Paul Rebeyrolle, puissance de la passion », est épuisé, il est disponible à la bibliothèque d’études de Besançon.