Gustave Courbet n’a plus de descendants mais il a une famille. Des hommes et des femmes fascinés autant par l’homme que par son oeuvre. Tous les 31 décembre, ils se donnent rendez-vous au cimetière d’Ornans devant la tombe de l’enfant du pays. Un moment de retrouvailles informelles où l’on parle aussi de l’avenir du musée Courbet.
« Au début, nous n’étions que quatre ou cinq » se rappelle Bernard Pujol, un des fidèles participants à cet hommage. C’était il y a une dizaine d’années. Le sénateur-maire Jean-François Longeot retient la proposition du peintre copiste Pierre Zellvègre.
Ce passionné de Courbet et de la vallée de la Loue souffle au maire cette idée d’hommage. Courbet laisse rarement indifférent. Et dès que l’on cherche à approfondir son oeuvre, on se prend à apprécier l’homme. La richesse de sa correspondance le rend extrêmement vivant. Pierre Zellvègre a reproduit de nombreux tableaux du peintre.Dans la salle de la mairie d’Ornans, la copie des Paysans de Flagey est signée Pierre Zellvègre. Passer des heures à tenter de saisir le sens et la profondeur d’une oeuvre pour ensuite la reproduire ne peut que créer un lien intime… Et se recueillir sur une tombe relève bien d’une forme d’intimité. Une sorte de dialogue intérieur peut surgir d’une simple minute de silence.
Il est loin le temps où tel un paria, le célèbre peintre n’avait même pas pu être enterré sur sa terre natale.
Le peintre est décédé en Suisse, à la Tour de Peilz, le 31 décembre 1877 « à six heures avant midi »,selon l’expression mentionnée dans le registre des décès de la ville où Courbet vivait en exil. Il est précisé que son corps a été « déposé à la morgue le 3 janvier 1878 à onze heures avant midi, en attendant d’être transporté chez lui en France. » Puis il a été inhumé dans un caveau ( place concessionnée) le 10 mai 1878. L’historien Pierre Chessex précise dans sa chronologie rédigée à l’occasion de l’exposition « Gustave Courbet les années suisses » du musée d’Art de d’Histoire de Genève, qu’il a été ajouté à la marge de document : « Exhumé le 16 juin 1919 et transporté à Ornans où aura lieu la réinhumation. » L’historien poursuit en indiquant que la presse locale relatait à l’époque que l’« on croyait que sa famille voudrait le ramener en France mais lundi le docteur Blondon de Besançon, fiancé de la soeur de Courbet, est venu acheter un terrain dans le cimetière de la Tour. »
J’avoue ne pas avoir encore bien compris pourquoi il a fallu attendre le centenaire de sa naissance pour que la dépouille de Gustave Courbet repose dans le cimetière d’Ornans, ce lieu hautement symbolique puisque le peintre le fit entrer dans l’histoire de l’art grâce à sa célèbre toile « Un enterrement à Ornans ». Il faut juste se souvenir qu’à sa mort, Courbet n’avait plus les faveurs des Ornanais. En 1871, le conseil municipal ordonne l’enlèvement du pêcheur de chavot de la place principale d’Ornans. Gustave Courbet en avait fait don à sa ville natale mais sa participation au mouvement insurrectionnel de la Commune de Paris lui valut une mise au ban de la « bonne société ornanaise ». Courbet, le libre penseur, l’anticlérical, n’aurait ainsi eu plus sa place chez lui.
« Quand je serai mort, il faudra qu’on dise de moi : celui-là n’a jamais appartenu à aucune école, à aucune église, à aucune institution, à aucune académie, à aucun régime si ce n’est le régime de la Liberté. » Lettre de Gustave Courbet au ministre des Beaux-Arts, 23 juin 1870.
En ce 31 décembre 2015, difficile d’apercevoir les barres rocheuses de la Roche du Mont et du Château d’Ornans représentées sur la toile exposée au musée d’Orsay de Paris. La brume mouillée efface l’horizon. Aujourd’hui, le souffle libertaire du peintre exalte plus qu’il ne choque. « L’homme nous rassemble. Il était novateur. J’aime les gens qui sortent du moule » confie Christine Bouquin, présidente du conseil départemental du Doubs.
« Rassemble », le mot ne doit rien au hasard. Il s’agit maintenant de faire vivre l’héritage du peintre. Et comme le sénateur-maire d’Ornans Jean-François Longeot, Christine Bouquin a bien compris que le peintre était un ambassadeur idéal pour développer le tourisme dans le Doubs. La présidente du département souhaite que les deux associations qui mettent en valeur l’oeuvre de Courbet, se rassemblent en une seule structure. Les rivalités s’ estompent et la coopération est déjà réelle, preuve en est avec l’exposition au musée Courbet sur le tableau disparu « Le Retour de la Conférence ». L’Institut Courbet est la cheville ouvrière de cette exposition. Association des amis du musée Courbet, Institut, musée Courbet, tous étaient représentés ce 31 décembre 2015 au cimetière d’Ornans et ils ont tous en tête l’horizon 2019. Un Comité pour le bicentenaire a déjà été mise en place. C’est l’année du bicentenaire de la naissance de Courbet. Gustave est né le 10 juin 1819. Sur sa tombe, une petite erreur s’est glissée. Le graveur l’a fait naître deux mois plus tard, le 10 août !
Isabelle Brunnarius
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