09 Sep

Gustave Courbet, l’éducation religieuse d’un anticlérical

Souvenirs religieux du XIXe siècle.

Souvenirs religieux du XIXe siècle.

Connu pour son ironie mordante illustrée dans le « Retour de la Conférence », Gustave Courbet n’en avait pas moins reçu une éducation religieuse. L’exposition « Gustave Courbet et le fait religieux » relate cet aspect de la vie du maître d’Ornans en l’Eglise Saint-Laurent jusqu’au 18 septembre.

Si vous prenez le temps de lire les panneaux réalisés par deux membres de l’Institut Courbet, Yves Messmer et Loïc Laporte, vous découvrirez le contexte dans lequel le jeune Gustave a été éduqué. Certes, il a refusé de faire sa communion et a été fortement influencé par son grand père Oudot, républicain convaincu mais sa famille l’avait inscrit au Petit séminaire d’Ornans également dénommé Ecole secondaire ecclésiastique d’Ornans.

L'ancien séminaire d'Ornans

L’ancien séminaire d’Ornans

Avec son ami Max Buchon, ils ont suivi les cours dans cet établissement de 1831 à 1837. Gustave Courbet a 12 ans lorsqu’il entre au Petit séminaire. Les Parisiens ont encore en mémoire les émeutes de la Révolution de Juillet 1830 : le peuple a chassé de la capitale Charles X et sa famille et c’est finalement Louis-Philippe qui devient le « Roi des Français ». Sans être républicain, ce nouveau régime est un peu plus laïc que le précédent. 

En fait, Gustave et son ami ne sont allés au Petit séminaire que jusqu’en 1833. Selon les recherches d’Yves Messmer, le Petit Séminaire a été fermé en 1833 par l’archevêque de Besançon Louis-François-Auguste de Rohan-Chabot et son bras droit le vicaire général Thomas Gousset. Cet homme conservateur n’appréciait guère les idées progressistes de certains enseignants de ce Petit séminaire d’Ornans. Ils étaient influencés par la pensée de l’abbé Lamennais. Le religieux réprouve l’arrogance de la bourgeoisie et  il est touché par la misère des classes populaires mais surtout il préconise la liberté de conscience et de religion et il réclame la séparation de l’Église et de l’État : une «Église libre dans l’État libre». 

Pour Yves Messmer, Gustave Courbet partageait ces idées. Selon lui, la conclusion du pamphlet « Les Curés en goguette » (1868) constitue un « acte de foi en l’homme » :

« Donc le seul remède à apporter à cet ordre des choses est de proclamer la liberté absolue des cultes et de laisser aux croyants de toutes communions le soin de rétribuer leurs ministres. Les églises et les maisons conventuelles pourraient alors être louées aux prêtres qui voudraient courir les chances d’une entreprise religieuse. De cette façon, la dignité de l’homme serait sauvegardée, et chacun serait l’arbitre suprême de ses intérêts spirituels ».

 

Le pamphlet Les Curés en goguette illustré par Courbet

Le pamphlet Les Curés en goguette illustré par Courbet

Toujours selon les recherches d’Yves Messmer, la famille Courbet était attachée au petit séminaire. Jusqu’en 1837, Gustave et son ami Max purent continuer leur scolarité dans cet établissement repris par d’autres religieux.

Lorsque vous visitez l’exposition permanente du musée Courbet vous pouvez découvrir une oeuvre plutôt surprenante : La peinture est restée à l’état d’esquisse, il s’agit d’une commande de Juliette à son frère vers 1847 pour décorer un reposoir. Le titre du tableau est « Jésus devant un calice » et la composition reprend l’iconographie de Jésus au Jardin des Oliviers.D’après les recherches d’Yves Messmer, Juliette faisait partie de l’ordre religion séculier (laïque).

Quelques années plutôt, en décembre 1839, Courbet s’était installé à Paris. Le jeune homme passe du temps à copier les maîtres au Louvre. Toujours dans la collection permanente du musée, vous pouvez voir une copie de la « Vision de Saint Jérôme » de Le Guerchin, réalisée par Courbet vers 1840.

Copie de la "Vision de Saint Jérôme" de Le Guerchin par Gustave Courbet

Copie de la « Vision de Saint Jérôme » de Le Guerchin par Gustave Courbet

 

Cette vision de Jérôme évoque un rêve. Jérôme est tiraillé entre les cultures latine et chrétienne. Il renonce à ce qu’il a adoré ou étudié comme les écrits de Cicéron, au nom de sa foi. Toujours d’après Yves Messmer, Lorsque Gustave Courbet peint le « Réveil de saint Jérôme», le jeune homme se trouverait « dans une position à la fois identique et inverse d’attente et d’indécision, car lui, est un vieux baptisé et a reçu ou subi une formation chrétienne très poussée : il va donc à partir de là suivre le chemin inverse, celui de la contestation des aspects les plus négatifs de la religion ; progressivement il se convertira au « social » en « enterrant » les oripeaux les plus criards ». 

Courbet a choisi la liberté, celle de peindre comme il l’entendait, celle de penser à sa guise. Une détermination affichée dès l’adolescence. A 18 ans, il écrit à ses parents :

 » on a voulu me forcer et toute ma vie je n’ai rien fait de force, ce n’est pas la mon caractère. »

 

Isabelle Brunnarius
Isabelle.brunnarius(a)francetv.fr