Demander l’autorisation avant de faire un lien hypertexte. C’est la proposition d’un amendement déposé, ce mardi, par la députée PS du Tarn et Garonne, Valérie Rabault, dans le cadre du projet de loi sur la République numérique. Le texte sera examiné d’ici demain mais a déjà de nombreuses réactions.
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Demander l’autorisation avant de faire un lien hypertexte
L’amendement n°843 de Valérie Rabault (députée PS du Tarn et Garonne) et Karine Berger (députée des Hautes Alpes), a été déposé ce mardi 19 janvier, à l’assemblé nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi pour une République numérique. Les débats se dérouleront jusqu’au 21 janvier.
L’idée est de renforcer le statut juridique du lien hypertexte en demandant l’autorisation des ayants droits. L’objectif est « de protéger les créations des auteurs et préciser l’étendue de leurs droits sur les liens hypertextes » explique le texte.
Sur son blog, la députée socialiste du Tarn et Garonne, Valérie Rabault précise : « Soit le lien pointe vers une page sans droit d’auteur. Et là on en reste à la situation existante. Soit le lien pointe vers une page qui est protégée par le droit d’auteur. (..) Alors il vous faudra obtenir les droits auprès de la personne ou l’organisme qui les détient. Il s’agit là d’un principe de protection du droit d’auteur« .
Concrètement, le texte vise surtout les liens hypertextes générés librement et automatiquement par les FAI et les services assimilés à des hébergeurs (Google, Facebook, Twitter,…). « Ils ne pourront rien mettre en ligne par l’intermédiaire notamment de liens hypertextes générés automatiquement, sans avoir d’abord vérifié que les ayants droits sont d’accord » analyse le site Numerama.
La députée socialiste veut surtout poser la question suivante : « Quel équilibre entre les gens qui produisent du contenu et ceux qui l’utilisent gratuitement via du lien hypertexte ?«
Pas touche à mon lien hypertexte !
L’amendement des deux parlementaires a suscité de vives réactions d’indignation et d’incompréhension sur Internet et chez les professionnels du secteur. « Un lien hypertexte (..) C’est le principe de la navigation, au cœur même du fonctionnement d’internet » rappelle ma confrère de FranceTv Info, Violaine Jaussent.
A Toulouse, les professionnels du numérique sont également dubitatifs. « Je trouve ça dingue que des hommes politiques puissent proposer ce genre de choses. Ca remet en cause l’existence même du web, des réseaux sociaux, qui sont quand même un espace d’expressions et de loisirs pour tous les Hommes, entreprises et même institutions ! » explique Rémy Sirieix, professionnel du digital chez Anouk Déqué.
Pour son collègue toulousain Ludovic Amar : « En terme de réactivité, ce serait hyper contraignant qu’il n’y ait pas de lien. Tu t’imagines (..) : « Bonjour Le Monde, Votre article est très intéressant, pouvez-vous me donner l’autorisation de le partager à ma communauté sur twitter ? Merci. « . Je pense que les journalistes ont d’autre chose à faire que de répondre oui ou non à ce genre de demande. Ou alors personne ne demandera, les liens continueront à être utilisés et la loi ne sera jamais appliquée« .
Pour d’autres, « Si vraiment cette loi deviendrait applicable, elle serait totalement contre productive quant au référencement ou même aux renvois documentaires entre sites. Et donc les sites qui l’appliqueraient seraient condamnés à être oubliés par rapport à ceux qui eux continueraient de proposer des liens entrants » imagine Xavier Mouton-Dubosc, développeur web à Toulouse et animateur des ateliers-débat CryptoParty (regroupement de spécialistes et passionnés sur la sécurité Internet). Nos « décideurs sont restés à l’époque du Minitel » conclut-il.
Sur les réseaux sociaux, les critiques sont également nombreuses, à l’image de Thomas Biarneix, un community manager toulousain :
« Il n’interdit rien du tout » s’est défendu la députée Valérie Rabault, ce mardi, sur son blog. L’objectif est « de préserver le droit d’auteur ». Son texte doit être examiné ce mercredi.
Au total, 855 amendements ont été déposés pour cette loi sur la république numérique.
Julien Leroy (+ FTV)