A Toulouse, la polémique entre une blogueuse et un restaurant suscite de nombreuses réactions. Les repas sont-ils régulièrement offerts ? Quelle crédibilité pour les blogueurs culinaires ? Ces passionnés sont nombreux à craindre l’amalgame. Témoignages pour rétablir certaines vérités.
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La polémique
Tout commence le 13 septembre dernier lorsque le chef du restaurant « Au Bon Servant », situé rue des Couteliers à Toulouse, publie sur sa page Facebook, un échange qu’il a eu avec Justince Schaub.
Cette dernière est une étudiante toulousaine qui tient le blog « Les bonnes adresses de Justine », spécialisé dans la cuisine et les restaurants. La jeune femme a publié quelques jours plus tôt, un article très critique sur les plats et les prix du restaurant « Au Bon Servant ». Secoué par les remarques, le patron Nicolas Servant, propose alors à la blogueuse de revenir pour lui donner une seconde chance.
Sa réponse va être surprenante : « Je veux bien revenir selon les conditions suivantes : le repas est offert pour moi et mon compagnon. Je referai un article après ce repas et supprimerai du coup celui que j’ai déjà posté » écrit-elle au restaurateur via la messagerie privée de Facebook.
« Amis restaurateurs, cette personne me demande de tout simplement lui offrir un dîner pour deux personnes dans mon établissement pour qu’elle supprime ses écrits. Ne serait-ce pas là la base du chantage ? Une approche qui jette à mon sens un discrédit sur l’ensemble du travail des blogueuses et blogueurs ! » réplique Nicolas Servant dans son message du 13 septembre.
« Les critiques gastronomiques chez Gault et Millau ne se présentent pas et payent leur note. Je ne vois pas pourquoi cela serait gratuit pour une blogueuse » rajoute-t-il quelques jours plus tard.
L’échange pimenté provoque en quelques heures, le buzz sur la toile. La blogueuse de 23 ans se défendra en rappelant à nos confrères d’Actu Côté Toulouse, « qu’elle n’est pas professionnelle et qu’elle rédige ce blog avant tout par passion« .
Mauvaise image des blogueurs culinaires ?
Au-de-là de la polémique, se pose la question de l’image des blogs culinaires. Selon les blogueurs toulousains que j’ai pu interroger, tous craignent l’amalgame.
« On va nous confondre avec des profiteurs, des piques assiettes » déplore Chantal Pisey qui a été longtemps, l’une des principales blogueuses culinaires de la ville rose avec sa page Enflammée. « J’ai toujours payé l’addition » nous précise-t-elle avant de rappeler que « Le blog est personnel. On fait cela avec passion (..) et avec beaucoup de sincérité » . Chantal Pisey a peur que cette affaire donne « une très mauvaise image des blogueurs », loin de la vérité.
Même réaction chez une autre blogueuse culinaire qui a préféré garder l’anonymat. « Les blogueurs avaient déjà une image de sous-journalistes amateurs et incompétents, ils sont à présent taxés de profiteurs. C’est dommage car la plupart que je connais produisent des articles de qualité, par passion » déplore-t-elle. « Même si l’on en tire des revenus, on peut éviter certaines manières malhonnêtes surtout envers les lecteurs » poursuit-elle.
« Je ne suis jamais fait payé par un restaurateur » assure la blogueuse de Mamscook qui interviewe régulièrement des chefs cuisiniers. « C’est une question de bon sens » poursuit-elle. Se faire payer un repas est un « manque d’éthique » conclu-t-elle.
Les repas sont-ils régulièrement offerts aux blogueurs culinaires ?
Selon les témoignages recueillis, la gratuité des repas pour les blogueurs culinaires n’est pas une habitude à Toulouse.
« Ce qui est désolant, c’est que tout le monde pense désormais que la gratuité des repas pour les blogueurs est une chose habituelle. Or, pour ma part, c’est très clair : les seuls cas où les repas sont offerts, c’est lors d’invitations à des événements ou lors de déjeuners de presse/blog. Jamais de la vie je ne demanderais en amont la gratuité d’un repas en échange d’un article (ni après le repas d’ailleurs) » me raconte une des blogueuses.
La polémique toulousaine serait ainsi un cas isolé ? En tout cas, la demande de Justine est jugée maladroite par les autres blogueurs que j’ai pu rencontrer. L’une d’entre elles rappelle qu’un « blogueur est libre de donner son humble avis sur un produit ou un restaurant, il n’est pas sensé être un critique culinaire »‘.
Julien Leroy