15 Mai

Vote par Internet : l’opacité en questions

C’est une nouveauté de ces élections législatives de l’étranger, la possibilité d’un vote à distance par internet. Le procédé a été validé après un test grandeur nature en début d’année. Pour ses promoteurs, il s’agit d’un progrès démocratique. Pour ces contempteurs, d’un recul et d’un danger. Un temps  confinée aux cercles des convaincus, la polémique a fait une percée remarquée ces derniers jours.


« Un investissement pour l’avenir ! »

En prenant l’initiative, en février dernier, de confirmer le projet de vote par Internet, le gouvernement pensait bien joindre l’utile à l’agréable. D’un seul coup d’un seul, il pouvait se targuer de favoriser la participation d’expatriés souvent dispersés et parfois très éloignés des bureau de vote, (plusieurs circonscriptions sont à l’échelle d’un continent), conforter l’image d’un pouvoir aux petits soins pour les Français établis hors de France et prendre date dans l’histoire en menant « l’une des plus importantes innovations du droit électoral de ces dernières années », en toute sécurité bien sûr. Le spot pédagogique diffusée depuis hier par le ministère de tutelle est empreint de cette confiance

« Un recul démocratique »

A l’évidence pourtant, l’innovation pose questions. Les premières salves des adversaires irréductibles de l’opacité d’Internet n’avaient guère touchés que les cercles des convaincus. Mais depuis quelques jours, l’offensive a repris. Après un billet du blogueur HardKor, examinant toutes les vulnérabilités du système ouvrant la voie à une fraude éventuelle, c’est Numerama qui est monté au créneau en soulignant le risque de voir la démocratie dans les mains d’un seul informaticien.

Et depuis hier, c’est un long article publiée sur le site alternatif Basta ! qui fait le buzz. Aux arguments traditionnels sur les failles de sécurité de la Toile, la journaliste Agnès Rousseaux ajoute une longue analyse des conflits d’intérêts des entreprises privées engagées dans le processus électoral.

Sans céder à la paranoïa – on voit mal comment l’enjeu des législatives vaudrait la chandelle de réputations ruinées par un échec ou une fraude – il semble difficile d’ignorer les appels à la vigilance sur des dispositifs aussi contradictoires avec les principes démocratiques.

Car c’est bien de l’essence même de la démocratie qu’il est question comme le rappelle Chantal Enguehard dans l’introduction d’une longue et savante étude publiée par la revue internationale de droit politique, juspoliticum.com :

 » À première vue, voter par internet semble aller de soi. Il n’est pas difficile d’additionner des voix, et de nombreuses transactions bancaires ou commerciales se déroulent via ce nouveau médium. Mais cette opération présente des caractéristiques inédites dans le domaine informatique. Tout d’abord, le secret du vote interdit d’observer la procédure pendant son déroulement. Ensuite, le scrutin ne doit laisser aucune trace permettant de lier chaque électeur à son bulletin. Enfin, depuis que les élections existent, il y a toujours eu des tentatives de fraude à tous les niveaux et ce paramètre ne peut être négligé. »