10 Mai

La longue marche du droit de vote des expatriés

« Longtemps délaissés par les responsables politiques, les Français de l’étranger bénéficient aujourd’hui d’une représentation institutionnelle sans précédent et sans équivalent dans d’autres pays. » Cédric Pellen

Alors qu’ils viennent de participer à leur 6èmes élection présidentielle, les Français de l’étranger s’apprêtent à voter pour la première fois aux élections législatives. Pour bien mesurer le chemin parcouru depuis la révolution française, il faut lire ou relire la note « Aux urnes, citoyens de l’étranger «  signée Cédric Pellen, chercheur à l’université de Montréal et publiée le 13 mars dernier sur un blog de Médiapart.

La lente invention de l’ « électeur français résidant à l’étranger »

« On n’emporte pas sa patrie à la semelle de ses souliers ». La phrase, célèbre est prononcée par Danton qui justifie ainsi son refus de fuir à l’étranger. Il sera arrêté quelques jours plus tard, jugé toute séance tenante puis exécuté,.. mais c’est une autre histoire. En utilisant cette citation pour fustiger à sa manière, caustique,  le vote de droite des électeurs français résidents en Suisse, le blogueur frontalier « pumpernickel » savait-il qu’il mettait le doigt sur   l’origine de cette tradition « française » liant la citoyenneté à la domiciliation sur le territoire national ?

Toujours est-il, comme le note Cédric Pellen dans son récit, que cette suspicion contre les expatriés aura marqué le droit électoral français pendant plus d’un siècle.  De la constituante de 1791 à l’instauration du suffrage universel en 1848 en passant par le Code Civil napoléonien, aucune innovation juridique ne reviendra sur cette ancienne version du droit du sol. Ce n’est qu’en 1913 que l’inscription sur les listes électorales sera enfin ouverte à tous les ressortissants, indépendamment de leur lieu de résidence ou d’imposition. Encore fallait-il avoir les moyens de venir voter dans sa commune d’origine !

Le temps des calculs

Il faudra attendre soixante ans, pour ouvrir définitivement l’accès aux urnes pour les expatriés. Les Français de l’étranger sont presque un million. Le président Valéry Giscard d’Estaing sait compter. Deux lois (1975 et 1976)  organisent le vote par procuration et l’ouverture de bureaux de vote dans les ambassades et les consulats. François Mitterrand propose lui de créer des postes de députés (48ème des « 110 propositions pour le France »).  En 1981, 100 000 expatriés participent au scrutin. Ils seront près de 70 % (68,41%) à voter pour le président sortant sans influer sur le résultat final.

Depuis cette date, les droits des Français de l’étranger et leur représentation vont ainsi évoluer au gré des opportunités électorales. Sur les principe, tout le monde est d’accord. La promesse oubliée de François Mitterrand (même s’il aura doublé le nombre de sénateurs), sera reprise par François Bayrou, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy en 2007. Et c’est donc finalement, le président élu qui passera aux actes en faisant adopter le principe dans la loi constitutionnelle de modernisation des institutions votée le 23 juillet 2008. Contre une bonne partie de son camp. Le « Comité » Balladur » s’était prononcé contre et la droite de la droite aura longtemps regimbé contre ce surplus de citoyenneté ainsi accordée à nombre de binationaux.

Au final, remarque Cédric Pellen, « les Français de l’étranger disposeront, avec vingt-trois élus (onze députés et douze sénateurs), d’une représentation parlementaire conséquente lors de la prochaine législature. Elle sera sensiblement supérieure à celle d’un département comme la Seine-Saint-Denis (douze députés et six sénateurs) qui compte pourtant un nombre d’habitants équivalent à celui des résidents hors de France inscrits au registre consulaire… »

Pour autant, ces innovations ne font pas l’unanimité chez les expatriés eux-mêmes (cf. liens ci-dessous). Au delà du rapport de force droite gauche (53/47) qui a beaucoup évolué depuis 1981, c’est la forte abstention (près de 60% cette année comme en 2007) qui pose question.  Désintérêt, désamour, indifférence, ignorance, difficultés matérielles d’accès au vote ? Difficile de se prononcer en l’absence d’études précises tant les motivations ou les démotivations peuvent se mêler. Le taux de participation à ce scrutin législatif inédit nous en dira un  un peu plus. Cette fois il s’agit de voter pour défendre des intérêts plus spécifiques

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