A les lire, on pense parfois à Ubu ou à Courteline. Même si leurs mésaventures ne prêtent pas vraiment à sourire. C’est en effet une situation extravagante qui est faite aux candidats indépendants dans cette campagne électorale condamnés à une course d’obstacles aussi inédite que la compétition elle même. Deux d’entre eux n’hésitent pas à dénoncer une « rupture d’égalité manifeste » pour l’un, une « démocratie confisquée « pour le second.
Suffrage universel ?
Will Mael Nyamat a été le premier à monter au créneau. Dès le mois de décembre. Après le refus de différents consulats de lui communiquer les listes électorales de sa circonscription, la 3è (Europe du nord). Seul le consulat de sa ville de résidence accède à sa demande. C’est la loi. Seuls les partis constitués ont accès aux listes intégrales. Les indépendants comme lui doivent attendre la validation de leur candidature prévue ..à la mi mai ! Autant dire adieu à une pré campagne électorale efficiente sauf à tenter sa chance dans les gares et les aéroports en espérant tomber sur des électeurs, Français de l’étranger, en transit. Pendant ce temps, les grandes formations font l’actualité en se lançant dans des campagnes de mails répétées sur les adresses privées des électeurs…Comme les vrais indépendants, Will Mael Nyamat aura au moins évité l’accusation de « spams électoraux ». Maigre consolation. Pendant ce temps, la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) s’est déclarée incompétente et sa Question Prioritaire de Constitutionnalité ne sera pas traitée avant le scrutin.
Dernier avatar en date, sa candidature enfin validée, il découvre les délais imposés pour la remise des documents imprimés. 4 jours.. dont le jeudi de l’ascension ! Pour près de 200 000 professions de foi et bulletins de vote. Quasi intenables. « Rien de tout cela n’aurait été accepté pour des Français de métropole » dénonce-t-il sur son site, en prédisant des recours et des annulations de scrutin.
Les « indignés » des législatives
Plus méthodique, Pierre-Jean Duvivier a consigné toutes les entraves dans un mémo de 15 pages qu’il destine s’il le faut à la justice française ou européenne. L’accès incomplet aux listes électorales consulaires y figure bien sûr, mais aussi la centralisation à Paris de la plupart des démarches officielles . Candidat dans la 6è circonscription, en Suisse, il a pu gérer cette contrainte. Mais quid des candidats du bout du monde, note-t-il, avant de s’interroger sur l’absence de relais possibles dans les ambassades. Et de consigner enfin une autre inégalité de fait concernant le coût d’impression des documents de propagande et du matériel de vote. Une facture potentielle de 6000 euros. A régler d’avance par les indépendants, après coup pour les grands partis.
Assez d’embuches en tous cas, pour que le candidat souligne sur Agoravox « la confiscation de la démocratie par le jeu des partis » et crie sa colère contre cette France qui baîllone les indépendants.
Avec Will Mael Nyamat, 3 autres indépendants se sont associés au mémo de Pierre Jean Duvivier. Alexandre Foulon, candidat dans la 9è, Romain Arcizet, présent dans la 11 è et Marcel Misslin de Robillard, dans la 10è. Ils sont donc 5 à partager la même indignation. 5.., seulement. Autant dire un groupuscule.
Selon un premier décompte, 74 candidats indépendants figurent sur la liste des 178 publiées hier au Journal officiel. En fait, beaucoup sont des élus encartés, membres de l’Assemblée des Français de l’étranger qui tentent leur chance face au candidat officiel de leur parti. Élus de terrain, ils n’ont ni le statut, ni les difficultés d’accès aux informations, propres aux indépendants isolés. Et ils ne risquent pas de rejoindre la révolte des « indignés »… Qui eux, continueront donc à protester du sort qui leur est réservé, sans beaucoup d’espoir de faire porter leur voix au delà de quelques cercles numériques.