Axel Clévenot, auteur et réalisateur du film Les Premiers Provençaux répond ici à quelques questions que nous lui avons posées, en béotiens de la question préhistorique.
Le film que vous nous proposez, au-delà de son intérêt scientifique indéniable, nous révèle l’existence tout près de nous d’un monde de petites fourmis chercheuses que sont les archéologues. On les voit, avec une infinie patience, manipuler, noter, relever sur des carnets, les vestiges d’un temps immémorial. Sur les chantiers, il semble que l’on parle toutes les langues et cela donne l’impression d’avoir affaire à une véritable communauté, celle des scientifiques peut-être tout simplement ?
PZ : Pouvez vous nous parler d’eux, de leurs patrons-chercheurs dont l’accent chantant trahit une appartenance au « midi »?
AC : Il faut tout d’abord parler de « passion ». C’est l’histoire de tous les scientifiques que nous avons rencontrés au fil de nos pérégrinations dans toute la Région. En arrivant sur le terrain de fouilles ou dans un laboratoire (Aix, Nice, Marseille …) nous découvrons des Préhistoriens spécialistes dans différents domaines complémentaires. Il y a des archéologues, des anthropologues, des paléontologues, des géologues, des palynologues, anthracologues, carpologues, archéozoologues, des biologistes, des généticiens, des conservateurs… et bien d’autres encore.
Et tous ces scientifiques travaillent de concert ! Remarquable entreprise pour étudier, investiguer quelques arpents de terrain qui vont permettre d’avancer dans notre connaissance de l’histoire de l’humanité. Et de montrer comment l’évolution des humains est une histoire faite de lentes transformations.
Vous les voyez travailler avec une remarquable minutie. Leur espace est précisément délimité, chaque centimètre carré répertorié. Rien ne doit être laissé au hasard et les équipes ont des fonctions précises et complémentaires.
Notre voyage en Provence-Alpes-Côte d’Azur a été pour nous une révélation de sa richesse en matière de Préhistoire. Sur chaque site nous avons été accueillis par un responsable de fouilles, un chercheur dépendant d’un laboratoire de recherche. L’accompagnent différents chercheurs, étudiants en thèse, en stage… Ils viennent du monde entier, passionnés eux aussi. Accroupis, attentifs, ils relèvent les indices qui vont peut-être permettre une découverte fondamentale.
Et il y en a, en PACA, des découvertes fondamentales comme nous le montre le film.
PZ : Est-ce que notre région est particulièrement bien « placée » au regard de la recherche en préhistoire ?
AC : Très bien placée. Il y a tout d’abord une Direction du Service régional de l’Archéologie du Ministère de la Culture à Aix qui mène depuis des années une politique de fouilles et de prévention. Il y a des missions des municipalités, il y a l’Inrap, il y a des Laboratoires, des Centres de recherche, des Universités… Nombreux sont les sites répertoriés, fouillés lors de campagnes de fouilles. Les nouvelles technologies permettent maintenant de renouveler, d’approfondir les connaissances sur les grandes étapes de notre évolution.
PZ : A quoi ressemblaient nos ancêtres provençaux ? Et à quand peut-on dater les premières traces de peuplements en Provence ?
AC : Les premiers peuplements en Provence remonteraient à ’environ 1 million d’années. Les certitudes donnent environ – 500 000 ans. Sur la côte méditerranéenne. Puis on a des confirmations ici et là vers -300 000, -120 000, – 80 000 , – 50 000… Des Homo Erectus, des Pré-néandertaliens, des Néandertaliens et puis notre espèce, les Homo Sapiens qui arrivent, selon les dernières datations (Balzi Rossi – Menton) il y a environ 40 000 ans, en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient.
A qui ressemblaient-ils ? Et bien, ils sont très proches de nous, car nous sommes leurs descendants. Et en 40 000 ans, même s’il y a quelques transformations physiques et neurologiques, très peu de choses ont changé. D’ailleurs, croisez sur la Canebière un Homo sapiens d’il y a 20 000 ans, habillé d’un complet 3 pièces, vous ne le remarquerez pas !!!
Sauf les modèles économiques comme je le montre dans le film. Et puis il y a les productions graphiques, des représentations, les figurations, les sculptures qui caractérisent les cultures préhistoriques de la région PACA. C’est un sujet passionnant, et c’est la raison pour laquelle j’ai un projet de film en 3D relief sur la grotte Cosquer.
PZ : Le film déploie un dispositif image tout à fait singulier qui sert évidemment la scénarisation de votre propos. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les moyens entrepris ?
L’écriture originale du film est le résultat de recherches entreprises pour que ce film soit à la fois attractif et agréable à voir. J’ai travaillé avec un graphiste, directeur artistique de l’image, Jean-Damien Charrière et nous avons étudié différentes possibilités pour rendre compte de l’univers de la Préhistoire. Evoquer, rendre vivant, expliquer le travail des scientifiques et valoriser l’ensemble de la région PACA.
D’où l’idée de réaliser le film sous la forme d’un carnet de voyage. Un dessinateur parcourt les six départements et au gré de ses rencontres, fait revivre un site, une période, des personnages, des objets. Michel Grenet, artiste, archéologue et fin connaisseur du monde de la Préhistoire, est ce dessinateur. Il vit à Saint-Martin-les-Eaux. Ses dessins rendent compte de la vie d’un lieu, des actions d’un personnage, du style d’un objet, d’un paysage d’il y a 120 000 ans, 25 000 ans…
Un scénario adapté au millimètre
Plusieurs semaines de repérages dans toute la région nous permettent de choisir les sites les plus représentatifs pour le film. Une scénarisation se révèle nécessaire pour que la structure du film réponde à la fois à des critères scientifiques et artistiques.
Quant au tournage il nous conduit des montagnes aux plaines, aux vallées, au gré d’ images aériennes et sous-marines. Le graphiste, directeur artistique reprend tous ces dessins pour les réintégrer dans le montage. Nous créons alors ce que l’on appelle un « compositing ». Ainsi, chaque latitude et longitude de site est mise en image selon un graphisme agréable. Michel, le dessinateur, se promène dans un paysage, des graphismes l’encadrent, ou bien il rentre dans un dessin, s’y promène, en sort, des gros plans sur un dessin d’animal accentuent une expression, une animation met en scène le visage d’un prénéandertalien…
Le film est le résultat de multiples formes de mise en image. Cela le rend visuellement très agréable à voir, dynamique dans sa forme et dans son fond. Enfin, il y a la musique originale. Composée par Guillaume Solignat qui avait composée la musique d’un de mes précédents films les Premiers Européens. Ici aussi, il y a une volonté d’écriture qui accompagne la démarche du carnet de voyage.
Car c’est à un véritable voyage auquel on est convié. Une redécouverte de la région PACA, à la rencontre de vallées, de sites, de décors souvent inconnus ou peu explorés.
Un regard nouveau sur cette magnifique Région.
Entretien réalisé par Pernette Zumthor-Masson
le 22 mai 2013
Le film sera diffusé le 1er juin 2013 à 16:20 sur France3 Provence-Alpes et Côte d’Azur
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