C’est désormais une évidence. Pour rétablir la bonne santé des rivières comtoises, il faut agir sur tous les fronts. Dans son rapport provisoire, l’expert du ministère de l’environnement Eric Vindimian formule cette recommandation :
« Accorder aux pressions polluantes de toutes origines liées à l’ensemble des activités anthropiques (agriculture, urbanisme, industrie, transport, tourisme…), notamment en terme d’usages de pesticides et biocides, un niveau de priorité aussi élevé que celui accordé jusqu’ici à la lutte contre les rejets diffus d’azote et de phosphore »
Et de saluer l’action collective de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Doubs lancée pour « recenser les sources potentielles de pollutions toxiques des rivières et ainsi sensibiliser le milieu industriel à la nécessité de protection des écosystèmes aquatiques ». Une action rendue nécessaire à la suite de constats préoccupants. D’après l‘Agence de l’eau,
« les stations d’épuration urbaines de Bonnétage, Charquemont, Damprichard, Epenoy, Les Combes, Maîche, Morteau et Passonfontaine ont présenté ces dernières années des soucis de conformité vis à vis de leur concentration en métaux. Certaines ont renoncé à pouvoir valoriser leurs boues de stations par l’épandage. Au niveau du suivi de la qualité des rivières, on note une problématique « métaux » prégnante en aval de Morteau sur le Doubs franco-suisse et également sur le Dessoubre aval. »
Aujourd’hui à Damprichard, les partenaires de cette action collective baptisée Limitox se sont retrouvés pour la signature officielle de ce contrat. Océane Contoz a été tout spécialement recrutée pour établir ce diagnostic et conseiller les entreprises. Elle travaille pour le Syndicat Mixte du Dessoubre. Il s’agit d’évaluer « si les établissements présentent un risque potentiel de pollution pour le milieu naturel ou un risque de dysfonctionnement pour le réseau d’assainissement et/ou la station d’épuration ».Son objectif est de se rendre dans deux cents entreprises d’ici 3 ans. Tout d’abord, Océane Contoz établit un diagnostic avec les responsables de l’entreprise puis propose des solutions pour diminuer leur impact sur l’environnement. Les entreprises liées au travail des métaux, le secteur agroalimentaire (fromageries, salaisons…), ou encore la filière bois (scieries, menuiseries, fabricants de meuble…) sont contactées prioritairement car près de 2000 entreprises sont recensées sur ce secteur.
Voici les principaux objectifs de cette action selon les précisions apportées par le SMIX :
« – Connaître, suivre et réduire le flux de pollutions toxiques issues des effluents non domestiques qui sont déversés dans les réseaux d’assainissement
– Améliorer la collecte des déchets dangereux
– Sensibiliser les entreprises aux bonnes pratiques environnementales afin de prévenir et gérer les pollutions accidentelles »
Cette action est financée par l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse et la CCI du Doubs. L’agence de l’eau s’engage à hauteur de 2.25 M€ jusqu’à fin 2018. 2 M€ sont destinés à accompagner les entreprises sur des actions permettant de réduire les pollutions toxiques. Les aides de l’Agence pourront aller jusqu’à 60% (ex : rétentions, couvertures, technologies propres, traitements…)
Limitox couvre un vaste territoire sur les cinq communautés de communes du SMIX et la communauté de communes du Val de Morteau. 122 communes sont concernées par cette opération qui doit durer jusqu’en décembre 2018 !
Cette volonté de réduire les micropolluants dans les eaux du Doubs est aussi pris en compte par le Groupe Binational Cette action collective Limitox correspond également à l’une des orientations fixées par le SDAGE (2016-2021), le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion de l’Eau. Ce document fixe pour chaque grand bassin hydrographique les orientations fondamentales pour favoriser une gestion équilibrée de la ressource en eau entre tous les usagés (citoyens, agriculteurs, industriels).
« lutter contre les pollutions, en mettant la priorité sur les pollutions par les substances dangereuses et la protection de la santé »
Toujours dans son rapport dont la version définitive devrait être présentée lors de la prochaine Conférence départementale des rivières comtoises prévue le 28 juin, Eric Vindimian écrit :
« Mes visites sur le terrain m’ont permis de nombreuses rencontres, souvent passionnantes dont je retire une conviction : tous les acteurs du territoire sont conscients de l’importance des enjeux environnementaux, notamment en matière de qualité de l’eau et des bénéfices que le territoire peut retirer de ses écosystèmes. Ce consensus se rompt cependant parfois du fait de la multifactorialité des causes. Chacune des catégories d’acteurs est tentée de se stigmatiser les autres et de minimiser sa propre contribution à l’ampleur du problème.(…) Il ne s’agit donc pas de rechercher des coupables, mais de mobiliser les énergies pour restaurer la qualité écologique des écosystèmes aquatiques. »
Aujourd’hui, à Damprichard, il s’agit bien de mobiliser les énergies. Une belle occasion de reportage pour France 3 Franche-Comté ! C’est du moins ce que j’espérais.. Mais la présence d’une caméra semble encore effrayer les entreprises sollicitées pour nous expliquer leur démarche en faveur de l’environnement. Il va falloir que je sois patiente !
Isabelle Brunnarius