11 Jan

Doubs Franco-Suisse : un plan national chez nos voisins hélvétiques

Le Doubs franco-suisse photographié par l'association de pêche la Franco-Suisse

Le Doubs franco-suisse photographié par l’association de pêche la Franco-Suisse

Les Suisses ont publié à la fin de l’année 2015, leur Plan d’action national en faveur du Doubs.L’objectif est d’améliorer « durablement la situation écologique du cours d’eau et d’assurer la survie de l’apron, un poisson emblématique du Doubs ».

Le Doubs a cette particularité d’être à la fois suisse et français sur quelques dizaines de kilomètres de son linéaire puis de faire une incursion en Suisse avant de reprendre son cours en France. Comme pour les autres cours d’eau de la région, l’activité humaine perturbe le fonctionnement de cette rivière : exploitation hydroélectrique, agriculture, assainissement, industrie et artisanat…A tel point que de fortes mortalités de poissons ont été constatées en 2011 et 2013. La bonne santé écologique de la rivière est aussi cruciale pour la survie de l’Apron, un petit poisson surnommé le Roi du Doubs et protégé par la convention de Berne en tant qu’espèce en voie de disparition. Ce poisson est présent dans la boucle suisse du Doubs et dans la Loue près de Quingey. Ce traité international protége à la fois les espèces et leur milieu et peut contraindre les nations à prendre des mesures en matière de sauvegarde de la nature. « Ce plan constitue la réponse de la Suisse aux recommandations formulées par la convention de Berne ».

Voici le document complet avec les six axes d’action déterminés par les Offices fédéraux de l’Environnement et de l’Energie.

Plan d’action national en faveur du Doubs. by Brunnarius

Les Suisses soulignent que les mesures les plus urgentes ont déjà été prises en ce qui concerne l’« atténuation des effets des éclusées ». Effectivement, j’ai en en mémoire les nombreux poissons morts pris au piège dans le lit du Doubs lorsque les exploitants des barrages hydroélectriques ne faisaient pas du tout attention. La tension entre pêcheurs et exploitants était à son comble début 2013. Depuis les fortes mortalités de 2011 et la manifestation de Goumois, plusieurs groupes de travail binationaux ont été mis en place par la France et la Suisse pour améliorer principalement la qualité des eaux du Doubs et le fonctionnement des éclusées.

Debut novembre 2015, la préfecture du Doubs faisait le point un an après la mise en place d’un régime dérogatoire du Règlement d’eau de 1969. Ce premier bilan est, selon la préfecture « globalement positif« . Les trois exploitants se concertent mieux même si des poissons sont encore victimes d’échouage. Mais selon un rapport réalisé à la demande des cantons de Neuchâtel et du Jura, « le Doubs franco-suisse subit une atteinte grave à l’utilisation de la force hydraulique, en particulier les éclusées et celles issues de l’exploitation de l’usine du Châtelot. Le nouveau règlement d’eau (…) n’est pas encore suffisant pour empêcher ou éliminer toutes les atteintes graves ». Il reste un an pour trouver des solutions avant l’entrée en vigueur du nouveau Règlement.

Un trop grand retard

Il reste beaucoup à faire. Les autres volets du plan d’action sont une sorte de synthèse des mesures déjà évoquées qui, selon les associations de défense de l’environnement, tardent à se mettre en place. Que cela soit côté suisse avec Pronatura, le WWF et la fédération suisse de pêche ou côté français avec SOS Loue et rivières comtoises, tous s’accordent pour dénoncer la lenteur des décisions. Si les autorités n’accélèrent pas le rythme du sauvetage du Doubs, « l’écosystème du Doubs se dégradera dramatiquement » précisent les associations suisses dans leur communiqué. Elles soulignent que ce retard n’a pas permis aux autorités suisses de présenter comme convenu au congrès de la Convention de Berne en décembre dernier ce plan national. La plainte auprès de la convention de Berne a été déposée en 2011…
Le retard est « énorme » en ce qui concerne la pollution des eaux . Les stations d’épurations sont obsolètes et des eaux sales continuent d’être rejetées dans la rivière à chaque forte pluie. Pour l’agriculture, SOS Loue et rivières comtoises précise que « des mesures courageuses mais limités sont en cours.(…) Elles commenceront à produire des effets au mieux dans trois ou cinq ans (…). Côté suisse, la prise de conscience n’est pas encore suffisante. »  déplore l’association.
Voici les communiqués des deux associations :

« Le sauvetage du Doubs est trop lent » by Brunnarius

« Le sauvetage des rivières comtoises n’avance pas au bon rythme » by Brunnarius

Cette lenteur est, en partie, liée à la complexité du dossier. Chaque pays a sa réglementation, ses usages, ses méthodes… Tout prend plus de temps. Et l’information peut avoir du mal à circuler. Un grand pas vient d’être franchie vers une plus grande transparence. Les associations de défense de l’environnement suisses ont enfin obtenu ce qu’elles réclamaient : elles vont pouvoir participer à la prochaine réunion prévue en mars du groupe de suivi du plan national suisse. Leur présence devrait participer aussi à une meilleure circulation de l’information.

Une information cloisonnée

La preuve. En préparant cet article, j’ai pris contact avec la personne en charge du plan national Apron. Pour sauver ce poisson si rare et intéressant à plus d’un  titre, la France a demandé au conservatoire d’espaces naturels Rhône Alpes de construire un plan national d’actions pour l’Apron. Il est en place depuis 2012 et se poursuit encore cette année. Cette personne n’avait pas été tenue au courant  par les Suisses de la publication du plan national pour le Doubs alors même que ce plan a été élaboré en partie pour sauver l’Apron.
En France, l’information ne circule pas toujours entre la Conférence Loue et rivières comtoises et le groupe binational Doubs. En participant désormais aux réunions du groupe binational, SOS Loue et rivières comtoises espèrent éviter les doublons dans les études scientifiques et participer à une meilleure diffusion des informations sur les actions entreprises.

En France, il n’existe pas de document équivalent à la synthèse qu’est le plan national du Doubs des Suisses. Plusieurs organismes interviennent sur le bassin versant du Doubs : il y a des contrat de rivières, des shémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Conscient de l’importance de la diffusion de l’information, le Pays horloger (France)  et le parc naturel régional du Doubs ( Suisse ) se sont lancés dans cette mission. Ils travaillent déjà ensemble pour réaliser à long terme un parc naturel transfrontalier. IIs ont demandés à être associés au suivi des travaux des groupes binationaux depuis 2012 puis ils ont organisé des séances d’information auprès des acteurs locaux (2012 à Maiche  puis 2013 et 2015 à Saignelégier). Un petit groupe de travail se réunit régulièrement dans cette objectif de diffusion et de décloisonnement de l’information. Car des actions sont entreprises pour améliorer la santé du Doubs encore faut il le faire savoir. C’était l’objectif de la réunion du 27 novembre dernier à Saignelegier. Ouverte à tous, les travaux réalisés des deux côtés de la frontière ont été présentés à l’assistance. Vous trouverez dans le document ci-dessous les exemples pour améliorer la morphologie de la rivière ou la qualité de l’eau.

Réunion Publique du 27 nov 2015 pour le Doubs

Reste une difficulté à résoudre. Elle est partagée par tout ceux qui agissent pour l’environnement. Dans l’assistance de cette réunion d’information et d’échanges, la plupart des personnes qui avaient fait le déplacement étaient déjà bien au fait des enjeux. Le plus dur est d’élargir la diffusion de l’information au grand public.

isabelle brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr