Le musée Courbet d’Ornans est en plein remue-ménage avec le départ de la directrice du Pôle Courbet et les tentatives de rapprochements des deux associations rivales regroupant les amis de Courbet.
L’affaire empoisonnait l’ambiance du musée depuis des mois. En septembre 2014, Frédérique Thomas-Maurin déposait plainte contre son employeur, le conseil général du Doubs. La conservatrice en chef du musée Courbet n’en pouvait plus de se « sentir dépossédée de ses responsabilités » depuis qu’elle avait, selon elle, exprimé franchement son désaccord sur un point administratif avec le président du conseil général du Doubs, Claude Jeannerot. Et ce n’est pas le changement de majorité politique en mars dernier qui changea la situation. En plein milieu de l’été, la conservatrice apprend à son retour de vacances que son poste est mis en consultation. Fonctionnaire territoriale, elle ne peut pas perdre son emploi mais elle se retrouve sans mission. L’annonce publiée sur le site Doubs.fr précise que les candidats ont jusqu’au 18 septembre pour déposer leur dossier.
Cette décision politique risque de brouiller les cartes. Au moins pendant un certain temps car les relations professionnelles tissées par la conservatrice seront à reconstruire. Les projets d’expositions sont souvent liés à des rencontres, à des envies de travailler et d’avancer ensemble pour la meilleure compréhension d’une œuvre.
Le travail accompli par Frédérique Thomas-Maurin est « fantastique » souligne la toute nouvelle présidente de l’association des amis du musée Courbet Flavie Durand-Ruel. « Il faut saluer le travail remarquable de Frédérique Thomas-Maurin » poursuit la spécialiste de Courbet Dominique de Font-Réaulx. Depuis sa réouverture en juillet 2011, les expositions temporaires ont eu, à chaque fois, du succès.
Mais au-delà de cet avenir à reconstruire, un autre enjeu se profile à l’horizon. Comment parvenir à enterrer définitivement la hache de guerre entre le musée Courbet et l’Institut Courbet ? Vu de l’étranger ou même de Paris, c’est assez déroutant. Quelle différence existe-t-il entre l’Institut et le musée ? Les confusions téléphoniques sont légion. Sur place, c’est également surprenant : Une rue sépare le musée de l’Institut et à un mot près, les associations de soutien de ces structures portent le même nom. Leurs réalisations sont même parfois assez similaires. Un voyage d’études, une revue… Et quand il s’agit de rechercher des mécènes, cette dualité peut refroidir les éventuels financeurs.
Pour bien saisir l’enjeu, un petit retour en arrière est utile. Sur le site de l’Institut Courbet, le lecteur peut trouver le début de l’histoire : « L’Institut Courbet est l’héritier de l’association des amis de Courbet, créée en 1938 par le peintre comtois Robert Fernier – qui acquit la Maison natale et y ouvrit le Musée en 1969, qu’il donna au département du Doubs à la disparition de son fondateur en 1977 pour qu’en soit assurée la pérennité. »
L’épisode suivant se lit sur le site du conseil départemental du Doubs, propriétaire du musée qui précise qu’il « en assumera le coût de fonctionnement et d’entretien tandis que les Amis de Courbet, eux, continueront de veiller à la conservation et l’étude des œuvres, et à l’organisation des expositions et visites ». Mais ni l’un ni l’autre ne mentionnent le conflit judiciaire qui éclatera en raison d’un désaccord sur la propriété de certaines toiles de Courbet.
Après trois années de travaux, le nouveau musée ouvre en juillet 2011. Et c’est lorsque le conseil général du Doubs lance une souscription pour l’achat du Chêne de Flagey, pièce maîtresse de l’œuvre de Courbet, que le conflit larvé monte d’un cran. À l’époque, l’idée de Claude Jeannerot est de proposer à l’Institut d’« accueillir les adhérents » qui soutenaient l’achat du tableau. Cela ressemblait à la technique du Cheval de Troie ! « Ce n’est pas complètement faux » admet aujourd’hui l’ancien président du conseil général du Doubs Claude Jeannerot. Finalement, une nouvelle structure va être créée en mars 2013 : « L’association Les Amis du Musée Gustave Courbet ». Aujourd’hui, elle regroupe plus de trois cent cinquante adhérents tandis que « L’institut Courbet-Association des amis de Courbet et du musée » en totalise également plus de trois cents. Certains passionnés du peintre cotiseraient même aux deux structures.
Trois ans après la réouverture du musée en 2011, le temps a fait son ouvrage et les relations se sont arrondies entre les deux clans. Deux nouveaux présidents ont été nommés : Hervé Novelli pour l’Institut et Flavie Durand-Ruel pour l’Association des amis du Musée Gustave Courbet. Deux personnalités qui oeuvrent pour le rapprochement des deux associations.
Premier acte de cette nouvelle ère, une convention a été signée en 2014 entre les deux parties précisant les rôles de chacun et avec à la clef le prêt de 35 tableaux entre l’Institut et la collectivité. L’institut promeut l’œuvre de Courbet en France et à l’étranger et le conseil départemental se charge de développer le volet touristique autour de Gustave Courbet dans la vallée de la Loue.
Hervé Novelli, ancien secrétaire d’Etat de François Fillon et proche de la famille Fernier est « très confiant. Le Département va clarifier les choses ». De son côté, Flavie Durand-Ruel, descendante de Paul Durand-Ruel, le célèbre marchand de tableaux qui a défendu Courbet, est très attentive à ce que « toute décision respecte le point de vue des adhérents».
En attendant le musée et l’Institut continuent de travailler ensemble car malgré les rivalités souterraines, des projets communs sont menés. En 2011-2012, le musée présentait l’exposition « Les graveurs de Courbet » préparé avec l’Institut. Et, en décembre prochain, le musée prévoit une exposition organisée avec l’Institut autour du tableau de Courbet « Le retour de la Conférence ». D’ici là, la présidente du conseil départemental Christine Bouquin aura sans doute rencontré les deux présidents des associations et un(e) nouveau (elle) directeur (trice) du pôle Courbet aura pu être nommé(e).
À propos de son tableau aujourd’hui disparu, « Le retour de la Conférence », Courbet disait : « J’espère qu’on n’a pas encore vu un tableau de cette audace-là ». Et si l’audace était justement l’ingrédient indispensable pour élaborer l’avenir du Musée Courbet ?
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr