04 Mar

Loue et Dessoubre : Une ouverture de la pêche sous tension

Photo : Jean-Claude Gagnepain

Photo : Jean-Claude Gagnepain

Comme chaque année pour les rivières de première catégorie, la pêche va ouvrir le 2e samedi de mars. Cette fois-ci, cela tombe le 14 mars. Un règlement assoupli contesté par une partie des pêcheurs et défenseurs des rivières.

Souvenez-vous, c’était le 7 mars 2014. La préfecture du Doubs annonçait juste quelques heures avant la date officielle d’ouverture qu’il serait interdit, cette année-là, de pêcher sur le Dessoubre. Une décision voulue et approuvée par les APPMA des deux vallées et de la Truite de la Reverotte alors que la fédération de pêche du Doubs aurait préféré une ouverture en no-kill. Une décision prise en raison des fortes mortalités piscicoles du début de cette année 2014.

Le 14 mars prochain, les pêcheurs du Dessoubre pourront de nouveau sortir leur canne à pêche mais une limitation est imposée : deux truites par jour et l’ombre en no-kill alors que la règle pour le département est de 4 salmonidés (truites et ombres) par jour. La fédération de pêche justifie cette décision en avançant les résultats des recensements effectués en juillet 2014 tout le long du Dessoubre. La densité des truites est équivalente à celle de 2009 en revanche la population des ombres a chuté de 70 % par rapport à 2009.

Mais cette nouvelle ne réjouit pas tous les pêcheurs. Sur Facebook, plusieurs d’entre eux soulignent, photos à l’appui, que les mortalités sur le Dessoubre ont toujours lieu.Un phénomène normal à cette époque selon la fédération. Le mercredi 11 février les «vigies» du collectif SOS Doubs Dessoubre ont repéré sur le Dessoubre 48 truites et ombres adultes morts entre l’aval de Gigot et le barrage de Rosureux.

Mortalité piscicole en février 2015 sur le Dessoubre

Mortalité piscicole en février 2015 sur le Dessoubre

 

Une ouverture en no-kill aurait été préférable selon eux. Pour le célèbre pêcheur-blogeur Nicolas Germain, cette décision est incohérente.

 « Cette situation est grotesque. peut-on lire dans son article du 14 janvier dernier. Après tout, que les élus fassent ce qu’ils veulent, mais, et je parle en mon nom, je ne suis pas près de retourner gonfler les rangs d’une manifestation où il y a de telles mentalités. J’ai envie de vous dire : mangez vos dernières truites et ne pleurnichez plus sur l’état de vos rivières, démmerdez-vous ! Mais je suis encore capable, comme bien d’autres, de venir quand même pour l’intérêt des rivières. Mais franchement, c’est désolant. »

Mais, la fédération de pêche doit aussi penser à son équilibre budgétaire, une partie de ses adhérents ne veulent pas rentrer sans poisson dans leur musette. La vente de cartes de pêche correspond en moyenne 50 % de son budget. La fermeture, pour Christian Rossignon, directeur de la fédération du Doubs, n’est pas une bonne solution.

« On a un problème philosophique avec la fermeture. Nous ne voulons pas éloigner les pêcheurs de la rivière. Ils jouent aussi un rôle de sentinelle ».

Sur la Loue, c’est l’état du cheptel qui a influencé les règles pour la future saison. Des règles qui ont été âprement discutées en interne, certains techniciens auraient préféré le maintien du no-kill. De la source à l’amont d’Ornans, la pêche va ouvrir de nouveau avec l’autorisation d’une truite par jour et par pêcheur. Le no-kill est obligatoire pour l’ombre. Déjà l’année dernière, les APPMA de Mouthier, Vuillafans et Montgesoye militaient pour cette décision. Pour Yvan Cattin, président de l’APPMA La truite de Lods-Mouthier, il fallait répondre aux attentes des pêcheurs locaux pour qui la pêche n’a de sens que si le poisson est rapporté à la maison.

« On aimerait les revoir au bord de la rivière, qu’ils prennent une carte de pêche et qu’ils redeviennent des acteurs des associations de pêche ».

Un parcours en no-kill a tout de même été maintenu sur une partie de ce secteur, « pour rassurer les pêcheurs inquiets » précise Yvon Cattin.

L’inquiétude, elle existe bel et bien plus en aval. Pas question de prélever le moindre poisson entre Ornans et la confluence avec la Furieuse (y compris le Lison), le cheptel s’est effondré dans ce secteur. Cette nouvelle autorisation de prélèvement  sur la Haute-Loue est dénoncée par le collectif SOS Loue et rivières comtoises :

« Aucune étude sur l’absence de risque pour la santé humaine à consommer les truites de la Loue n’a été faite avant d’autoriser la consommation du poisson. L’étude du conseil scientifique (2012) dirigée par le Pr JF Humbert, sur la Loue, a montré l’état avancé de dégradation des milieux. Cette étude reste a ce jour la référence sur laquelle doit s’appuyer toute décision en matière de protection des salmonidés […] Les cheptels salmonicoles des cours supérieur de la Loue et du Dessoubre peuvent être considérés comme la dernière chance de repeupler les rivières si un jour elles sont dépolluées. C’est « la maternité » de ces cours d’eaux. » 

Pour le Doubs à cheval sur la frontière franco-suisse, la truite est pêchée depuis le 1 er mars comme les autres années mais toujours pas l’ombre. Mais, nouveauté 2015, l’ombre peut être de nouveau prélevé entre le barrage du Chatelot et le Refrain car « de belles populations ont été remarquées sur le secteur » selon une étude réalisée par des Suisses. La méthode utilisée pour ce recensement laisse dubitative la fédération de pêche qui aurait préféré que l’Ombre ne soit toujours pas prélevé dans le Doubs.

. En revanche, l’ombre demeure en no-kill sur l’AAPPMA de Goumois. Vous trouverez en annexe, l’ARP pour le Doubs, l’ arrêté réglementant la pêche dans le département en 2015. Un document complexe. Pour le collectif SOS Loue et rivières comtoises, Les arguments financiers des APPMA et de la fédération ont été plus forts que ceux avancés pour éviter tous prélèvements dans les rivières. En préambule, la préfecture rappelle la

« nécessité de préserver certaines espèces piscicoles notamment en protégeant leur reproduction, en limitant leur prélèvement et en interdisant certaines techniques de pêche particulièrement dommageables ».

Une préoccupation partagée dans le Jura également. Pour la première fois, les pêcheurs ont pu répondre à un sondage. Une initiative de la Biennoise. Actuellement, 271 pêcheurs ont participé cette enquête. Résultat surprenant, ils ne sont pas tous jurassiens, ils viennent de 29 départements différents. 96% des pêcheurs souhaitent le maintien du no-kill  sur les  23 km de la  Bienne. Un parcours où les meilleurs pêcheurs peuvent attraper dix poissons de plus de 50 cm en une journée. Attraper et relâcher ! Cette gestion prudente apparaît donc compatible avec le développement touristique.

Là aussi, comme pour les autres dossiers de la Loue et des rivières comtoises, tout est une question de curseur et d’équilibre périlleux. Comme préserver les rivières et leurs trésors tout en maintenant une activité économique ?

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr