17 Août

L’expert de la convention de Berne au chevet de l’Apron

La visite devait être discrète, c’est une règle de travail… Elle l’a été. Aucun journaliste n’ a pu suivre les réunions et visites organisées en juillet dernier pour l’expert belge Jean-Claude Philippart nommé par la Convention de Berne. Il est chargé d’évaluer le contexte de la plainte contre les Etats suisse et français déposée, dès 2011 par les associations Pro Natura, WWF, la fédération suisse de pêche, côté Suisse, puis par la FNE et SOS Loue et rivières comtoises, côté France, au sujet de L’Apron. Ce poisson surnommé le Roi du Doubs est en voie de disparition. Les associations environnementales veulent que les deux pays prennent les mesures nécessaires pour sauver l’Apron. Un plan Apron a beau avoir été mis en place cela ne semble pas suffire.

D’où la plainte déposée auprès du comité permanent du Conseil de l’Europe chargé de veiller à l’application de la convention de Berne (protection des espèces menacées). Avant d’instruire cette plainte,  le comité permanent a voulu connaître l’avis d’un expert. Il fallait qu’il ne soit ni français ni suisse.  Le professeur Jean-Claude Philippart, de l’Université de Liège en Belgique connaît parfaitement le fonctionnement des rivières. Il doit rendre ses conclusions pour décembre prochain, mois de la prochaine réunion du comité permanent. A ce moment là, nous devrions savoir si la plainte est abandonnée ou mérite d’être maintenue.

SOS Loue et rivières comtoises précise sur son site que le dossier « probable » actuel pourrait alors devenir  un «dossier ouvert », comme le demande les ONG. Dans ce cas, les Etats auront à répondre chaque année  devant cette instance jusqu’au sauvetage effectif de cette espèce. « Cela pourrait constituer un instrument supplémentaire pour le retour au bon état écologique en faisant pression sur les administrations Suisses et Françaises « .

Vous trouverez sur le blog de l’association de pêche La Franco-Suisse le programme de cette visite. Il a été mis au point par Pro Natura et SOS Loue et rivières comtoises avec les conseils du secrétariat de la convention de Berne.

Que retenir de ces journées ? Les deux associations ont publié un communiqué commun à l’issue de cette visite. En voici un extrait :

« Les ONG et les autorités se sont accordées sur le fait que les causes de la dégradation de l’habitat de l’Apron sont multiples et complexes: régime hydrologique perturbé par les barrages, modification du lit des rivières, pollution de l’eau par diverses sources ou encore stress dû aux activités humaines.
Même si les autorités ont commencé à réagir suite au dépôt de la plainte, notamment en constituant des groupes de travail transfrontaliers et en étudiant des méthodes visant à diminuer les effets de l’exploitation des barrages, les mesures qu’il reste à prendre selon les ONG sont nombreuses: amélioration des connaissances sur l’Apron, espèce encore largement méconnue, restauration de la continuité piscicole; augmentation de la fréquence des mesures sur la qualité de l’eau et modernisation des méthodes; réduction des pollutions chroniques par l’assainissement des STEP, la diminution des effets de l’intensification de l’agriculture et des effets de la pollution des décharges d’ordures; inclusion des ONG dans les groupes de travail. »

Les associations  et les représentants des pêcheurs de la Franco Suisse sont satisfaits de ces « discussions constructives pour sauver l’Apron ». Pour une fois, elles ont eu le sentiment, m’explique Lucienne Merguin Rossé de Pro Natura, d’avoir été écoutées alors que, d’habitude, elles sont plutôt exclus des instances décisionnelles. Ils espèrent que cette plainte va se poursuivre car, pour l’instant « On nous amuse avec le plan Apron, me déclare Marc Goux, de SOS Loue et rivières comtoises. Comment prétendre sauver un poisson alors que l’on ne tient pas compte des pollutions agricoles et des micropolluants? »

L’exemple de la passe à poissons de Quingey peut être significatif. En 2010, une belle passe à poissons était inaugurée. Une réussite technique. Les Aprons l’utilisent ! Oui, mais pour remonter la Loue et risquer de mourir éventuellement asphyxiés. A quoi cela sert de dépenser de l’argent, du temps et de l’énergie si la rivière, en amont,  est trop eutrophisée en raison des rejets d’azote et de phosphore… « Il faut regarder la rivière dans sa globalité », martèle Marc Goux.

Le plan national d’action Apron (2012-216) insiste effectivement plutôt sur l’importance de la continuité écologique. Dans le document ci-dessous, vous trouverez une quantité d’informations sur le Roi du Doubs et les mesures de protection déjà réalisées ou projetées pour les années à venir. La situation de la Loue est assez particulière car cette rivière a de nombreux seuils et barrages. Actuellement, sur les 45 kilomètres du cours d’eau où l’Apron est à priori présent (entre Chenecey-Buillon et Arc-et-Senans), cinq barrages sont encore infranchissables par l’Apron. Et les travaux envisagés mettent du temps à se mettre en place. Les Francs-Comtois sont tellement  attachés à la Loue que toute action prend beaucoup de temps… Pour le Doubs, sa particularité binationale est aussi source de complication.

Pna Apron Final by France 3 Franche-Comté


Deux programmes européens LIFE (1998-2001 et 2004-2010) n’auront donc pas été suffisants pour assurer un bon environnement à l’Apron… Les associations espèrent que leur plainte sera plus efficace pour contraindre les Etats à agir encore plus  et plus vite.

Pna Apron Final by France 3 Franche-Comté


Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr