05 Déc

Protection de l’Apron : « on passe de l’intention à l’action »

La Convention de Berne vient de présenter ses recommandations pour sauver l’Apron. En juillet dernier, l’expert belge Jean-Claude Philippart nommé par la Convention de Berne, était venu sur place pour écouter tous les intervenants de ce dossier. Il était chargé d’évaluer le contexte de la plainte contre les Etats suisse et français, déposée dès 2011 par les associations Pro Natura, WWF, la fédération suisse de pêche, côté Suisse, puis par la FNE et SOS Loue et rivières comtoises, côté France, au sujet de L’Apron.

Ce poisson surnommé le Roi du Doubs est en voie de disparition. Les associations environnementales veulent que les deux pays prennent les mesures nécessaires pour sauver l’Apron.

L'Apron du Rhône photographiée par Marianne Georget

L’Apron du Rhône photographiée par Marianne Georget

Hier, la Convention de Berne qui relève du Conseil de l’Europe, les a suivies en formulant une série de recommandations que vous trouverez prochainement sur ce blog. Il s’agit de mettre en oeuvre des mesures nécessaires à rétablir l’habitat et la population d’aprons d’ici 2016 avec obligation pour la France et la Suisse de présenter chaque année leurs actions entreprises.

« Le niveau à atteindre doit être favorable au maintien de l’espèce » précise dans leur communiqué les associations environnementales suisses. Ils recommandent pour cela les mesures suivantes :
-La circulation des poissons doit être améliorée dans la rivière
-Les anciens seuils doivent être enlevés lorsque cela est possible
-Les nuisances de l’exploitation par éclusées pratiquée par les usines électriques dans la partie supérieure du cours de la rivière doivent être supprimées
-Les stations d’épuration installées le long de la rivière doivent rapidement être modernisées
-L’exploitation agricole pratiquée dans le bassin versant doit réduire la quantité d’engrais chargeant les eaux

D’ici à la prochaine séance de la Convention de Berne en 2014, la Suisse devra fournir un plan d’action détaillé des mesures prises pour sauver le Roi du Doubs, y compris
une planification serrée. » A long terme, l’objectif des associations qui avaient porté plainte, est d’obtenir un meilleur statut de protection pour le Doubs.

 

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Marianne Georget, qui est chargée du Plan National d’Actions (PNA) pour l’Apron, a eu accès au projet de recommandations de la Convention de Berne. Selon elle, les recommandations sont « plutôt générales, pas très précises, très vagues. Nous les avons lues lors du comité de pilotage du PNA  et nous aurions aimé des recommandations concrètes avec un calendrier qui fixent clairement les objectifs à atteindre ». Pour cela, il faudra attendre le prochain comité permanent de la Convention de Berne en 2014.

Effectivement, le danger de la diplomatie propre au conseil de l’Europe est la lenteur…La Convention de Berne émet des recommandations, il n’y a aucune contrainte pour les états. En cas de non-action des Etats, ils passent pour des mauvais élèves et cela fait un peu désordre de se faire taper sur le doigt, mais c’est tout ! Ceci dit, pour Marc Goux, un des membres de SOS Loue et rivières comtoises présent hier lors du comité permanent, l’examen de cette plainte a eu un effet positif. « La plainte a créé une dynamique très importante. Pendant les trois jours de visites de l’expert (deux jours en Suisse et un jour à Ornans), on s’est écouté ». Et c’est déjà beaucoup ! Même analyse de la part de Lucienne Merguin Rossé, de Pro Natura Jura. « C’est un processus démocratique participatif qui n’a rien à voir avec la politique du bâton. Son intérêt est d’avoir fait travailler ensemble, les états fédéral et cantonal, l’Etat français, les collectivités locales et les associations qui,elles, auparavant, étaient exclues de la gouvernance ».

LES MEANDRES DE LA LENTEUR

La question des effets néfastes des éclusées sur la partie franco-suisse illustre bien cette lenteur dans les prises de décisions. L’une des recommandations est « d’accélérer la mise en place de mesures pour réduire l’impact écologique et piscicole des turbinages hydroélectriques par les grandes centrales (Chatelot, Refrain, La Goule). » Un travail déjà engagé souligne la DREAL mais encore insuffisant selon les associations. La recommandation suivante est plus précise :

« Examiner la possibilité de modifier la gestion des installations (Châtelot, Refrain, La Goule) vers une organisation sous le contrôle et la coordination d’un seul intervenant industriel au lieu de trois actuellement. » Cette hypothèse, précise la DREAL, est effectivement examinée par les autorités suisses et françaises.

Mais les méandres de la lenteur risquent d’asphyxier cette ambition… Même constat pour la restauration de la continuité écologique de la Loue…

C’est pourquoi les associations françaises et suisses, comme à leur habitude, veulent rester vigilantes :

«Nous attendons des autorités suisses et françaises qu’elles appliquent maintenant avec rapidité et détermination les recommandations des experts. Nous nous assurerons qu’elles seront respectées.»

ET LES APRONS DE LA LOUE ?

Le Roi du Doubs est également présent dans la Loue, autour de Quingey en particulier mais à d’autres endroits également. Initialement, la plainte a été déposée par les Suisses pour sauver l’Apron  sur le secteur du Doubs franco-suisse. Les Française de SOS Loue et rivières comtoises se sont associés un peu plus tard à la plainte. Même si l’expert a passé une journée au bord de la Loue, la rivière est peu mentionnée dans son rapport. La DREAL de Franche-Comté, dans son document établi en tant que « commentaires du gouvernement de la France au projet de recommandation » remarque que :

 « Les recommandations sont globalement positives pour la France, puisqu’elles ne déplorent aucun manquement ni mauvaise orientation.D’une façon générale, on peut s’interroger sur le fait que la Loue ne soit mentionnée qu’à titre subsidiaire à la fois dans le rapport et dans le projet de recommandations. Si c’est, comme on peut l’imaginer, parce que le PNA est jugé suffisant, il serait important de le dire. Cette conclusion serait un appui précieux dans la mise en oeuvre des politiques dont nous avons la responsabilité, quitte à ce qu’il soit mentionné, de façon complémentaire, que les efforts de restauration de la qualité des milieux aquatiques (physico-chimie et morpho-dynamiques) engagés en amont de Quingey doivent être poursuivis afin de permettre une rapide restauration du milieu de vie pour l’apron et les différentes autres espèces pour lesquelles la Loue (et ses affluents) a fait l’objet d’une désignation dans le réseau Natura 2000. »

VERS UNE AUTRE PLAINTE …

Il ne reste plus qu’à attendre les recommandations définitives de la Convention de Berne. Mais déjà, le collectif SOS Loue et rivières comtoises ne veut pas être dupe. Aux yeux de ses militants, le PNA est « bien insuffisant car rien n’est fait pour arrêter la pollution à la source » précise Marc Goux. Le collectif réclame des moyens supplémentaires pour que l’on ait une meilleure connaissance de ce petit poisson, symbole de la biodiversité. Car si, effectivement, il est bel et bien prouvé que l’Apron est entrain de disparaître de la Loue, alors SOS Loue et Rivières Comtoises envisage de déposer à son tour une plainte à la Convention de Genève à propos de la disparition de cette espèce protégée et d’autres poissons pour contraindre à l’action les autorités.

Isabelle Brunnarius
Isabelle.brunnarius@francetv.fr

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