7 candidats de gauche en tête au premier tour ! Les résultats des législatives de l’étranger auraient pu constituer un véritable coup de tonnerre dans la paysage politique. En devançant largement les candidats de l’UMP (1,2,3,5,7,8,9), le PS et son allié (EELV) ont non seulement déjoué provisoirement tous les pronostics mais également inversé les rapports de force issus du vote à la présidentielle ! Mais la véritable leçon de ce premier de ce scrutin, c’est que les Français de l’étranger ont voté avec leur pied : de 11 à 24 % de participation, la réponse est claire: des députés, non merci !
Les masques tombent, les illusions se perdent. Présentée comme une avancée démocratique majeure, la réforme constitutionnelle de 2008 se révèle un véritable fiasco politique. Sauf improbable sursaut citoyen d’ici le second tour, les futurs élus du 17 juin auront du mal à asseoir une légitimité fondée sur à peine 10 % des inscrits. Alors que le redécoupage des circonscriptions imposé par le Conseil Constitutionnel avait pour objectif de rééquilibrer la représentativité de chaque député, certains élus de l’étranger ne pourraient peser qu’entre 10 et 15 000 suffrages.
On pourra toujours gloser sur :
- le découpage de circonscriptions parfois surréalistes ? Jusqu’à un continent, voire deux pour la 11ème (Asie-Océanie) ! On constate en effet une « meilleure » mobilisation dans les plus homogènes d’entre elles. Mais la barre des 25% de participation n’est franchie dans aucun cas,. Et comment faire autrement dans la cadre d’un scrutin majoritaire ?
- le déficit d’information ? Mais il faudra se souvenir de la polémique sur les « spams » électoraux qui ont envahi les boites mail de près de 70 % des électeurs potentiels.
- les défauts d’organisation ? De nombreux votes par correspondances invalidés, des problèmes techniques pour le vote par internet, un acheminement erratique du matériel de vote. Mais on devra rappeler que l’administration du Ministère des Affaires Étrangères a joué le jeu et s’est beaucoup investie dans la préparation (jamais autant de bureaux ouvert) et qu’au final le vote par internet, plus utilisé que le vote à l’urne, aura au moins permis de sauver les meubles et les apparences.
- l’inadaptation de la loi électorale à la spécificité du scrutin ? Le reproche est plus sérieux. Accès inéquitable aux listes pour les indépendants. Guichet unique, à Paris, pour les démarches officielles. Difficultés d’accès pour les binationaux (cf. « dernière minute « de ce billet)
- Sans oublier l’inadéquation de la loi sur la publicité des résultats imposant (en métropole) d’attendre la fermeture du dernier bureau de vote (le 10 juin !) avant de pouvoir communiquer. Résultat ubuesque pour les rédactions qui peuvent engager la couverture du second tour… avant même d’avoir pu donner les résultats du premier ! C’est ainsi que, dans un premier temps, l’AFP n’a produit aucune dépêche et que TV5 n’a pu organiser de « soirée résultats ». Même si depuis ce matin, par la force des choses, les analyses et les commentaires se font plus nombreux à chaque instant. Précisons que ce blog, dédié, et quelques autres en ligne sans doute, bénéficiaient d’une tolérance explicite du CSA ( à condition de ne pas donner les éléments sur les antennes généralistes !!). Schizophrénie et tartufferie qui soulignent, si besoin était, que l’élargissement du champ démocratique n’était pas forcément le souci premier du législateur..
- MAJ Des prises de position sont venues, après coup, affirmer que les articles du code électoral ne s’appliquaient pas pour les circonscriptions de l’étranger. Dont acte, même si les explications sont bien floues. cf.cet article de Slate.fr. Mais je peux témoigner que ni le CSA, ni le Ministère de l’Intérieur, ni le Ministère des Affaires Étrangères n’avaient les idées claires sur cette question de la publicité des résultats jusqu’à la veille du scrutin.
Des députés, pour quoi faire ?
Mais au final, aucun argument ne semble pouvoir contrebalancer cette réalité : l’offre n’a pas séduit le public visé. Et l’adage qui veut que loin des yeux, on soit loin du cœur ne suffira pas à expliquer une telle indifférence. Les Français de l’étranger étaient « encore » plus de 40 % à s’être déplacé pour choisir « leur » président.
Des études de motivation viendront probablement préciser les raisons de cette désaffection. En attendant, on peut penser que la caractère inédit du scrutin l’a pénalisé. Les « early users » sont toujours minoritaires. Que la sollicitude nouvelle des politiques « métropolitains » n’a pas convaincu bon nombre d’expatriés que la balance entre leurs intérêts particuliers (éducation, protection sociale, etc..) et l’intérêt général (débat sur l’impôt) était si favorable que cela. Que les étiquettes nationales n’étaient pas les plus adaptées à leurs visions du monde. Que les électeurs de droite (majoritaires à la présidentielle) se sont démobilisés. Que pour beaucoup de jeunes expatriés, ce lien « politique » n’a finalement aucun sens.
Le salut dans la proportionnelle ?
Dans ce contexte, les projections sur le second tour perdent quelque peu de leur attrait. Qu’importe au fond que des députés, mal élus et soumis à la discipline de parti, soient plus nombreux dans un camp que dans l’autre. La gauche va probablement faire mieux que prévu. Elle peut gagner dans presque toutes les circonscriptions où elle est en tête. Mais ensuite ? S’ils ne démontrent pas leur utilité in vivo, ces futurs députés courent le risque de ne pas avoir de successeurs.
A ce stade, on se demande si le futur débat sur l’introduction d’une dose de proportionnelle pour les législatives ne serait pas une opportunité à saisir. Si l’on croit encore que la diversité des expériences peut être une valeur ajoutée au débat public, le système proportionnel (et pourquoi pas préférentiel ?) semblerait plutôt mieux adapté à un territoire d’élection d’échelle planétaire.
liens complémentaires :
le billet le plus complet : Michel Abhervé
Vous avez dit fiasco : l’avis du petitjournal.com
Résultats : Ministère des Affaires Étrangères, lepetitjournal.com
Résultats et commentaires : RFI, le Monde, FTVi, le Nouvel Obs, Le Figaro