22 Oct

Les coulisses de la gare Saint-Charles, un film de Maxime Giacometti

Diffusion sur France 3 Provence-Alpes et Côte d’Azur, samedi 26 octobre à 16:15
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Trente-cinq mille passagers par jour, cent cinquante trains, une vingtaine de boutiques, la gare  de Marseille est la plus  importante du sud de la France.
On y passe, mais on ne voit pas l’organisation que demande la gestion du trafic.
Une véritable tour de contrôle ferroviaire régule le trafic, un  immense garage se charge de l’entretien des trains, une police de la SNCF assure la sécurité, un service d’entretien nettoie en quelques minutes les wagons entre chaque voyage.

Chronique du sud vous fait rentrer  là où on n’a pas accès en temps normal.
L’occasion de découvrir l’envers d’un monde que l’on fréquente tous les jours.

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Interview du réalisateur

PZ : Maxime Giacometti, vous avez réalisé pour l’émission Chroniques du sud, un documentaire sur la Gare St-Charles. C’est un sujet que vous avez proposé ou bien répondiez- vous à une commande ?

MG : En fait c’est une commande  que l’on m’a faite et elle a rencontré mon enthousiasme car je dois dire que moi-même, qui n’avais pas revu la gare depuis longtemps, j’ai été très surpris par sa transformation et l’idée m’a séduit car c’est un vrai sujet.

 PZ : Qu’est-ce qui fait de la gare Saint-Charles un cas à part entière ? En quoi est-elle différente d’une gare de grand passage comme le serait la Part-Dieu à Lyon ou Lille-Europe ?

MG : Alors, déjà la gare Saint-Charles de Marseille est la plus grande gare du Sud de la France, voire de la France, hors Paris. Elle est immense, située en plein centre-ville et intrinsèquement liée à l’histoire de Marseille. Il y a un avant et un après St-Charles. Pour essayer de se rendre compte des transformations qu’elle a subies, il faut revenir à l’époque où  le TGV l’a placée à 3 heures de Paris. Du jour au lendemain, c’est une ville qui s’est quasiment embourgeoisée. Des cadres sup’ ont commencé à venir passer le week-end, l’immobilier a flambé, etc. Avant le TGV, on mettait une nuit de train pour relier Paris à Marseille et avant que la gare ne soit créée en 1848, il fallait compter une semaine de diligence. Imaginez cette révolution-là !

 PZ : Comment avez-vous abordé le sujet ? Plutôt du point de vue des usagers ou de celui des cheminots et des autres métiers liés à ce monde bien particulier ?

MG : On pourrait faire un film tout entier consacré à l’histoire de la gare mais il s’avère que ce film-là s’inscrivait dans le contexte du volet Coulisses de la série Chroniques du Sud.
Donc, on s’est concentré sur ces coulisses, c’est-à-dire tous les endroits où les usagers n’ont pas accès, tout ce qui ne se voit pas.
La gare Saint-Charles c’est : 300 agents SNCF, des kilomètres de couloirs, tout le sous-sol de la gare transformé en un véritable gruyère sur trois étages, un poste d’aiguillage qui vaut un film à lui tout seul. Imaginez une espèce de vaisseau spatial avec un mur gigantesque qui permet de suivre la circulation des trains dans un rayon de 15 kms autour de la gare – déjà à voir, c’est absolument extraordinaire. Eh bien, on apprend que ce poste-là, qui répond au nom de Mistral, a été le prototype des postes d’aiguillage en France et en Europe.

PZ : Vous levez le voile sur certains métiers  dont on n’imagine sans doute pas l’existence ou alors on en a une image faussée ?

MG : Le chef de Gare, par exemple… Dans l’imagerie collective, on retient ce « p’tit gars » sur le quai de la gare qui gère à la fois les arrivées et les départs des trains, une imagerie à la Lucky Luke, quoi… En fait, il s’avère que l’équivalent du chef de gare aujourd’hui, à Saint-Charles, c’est une équipe de 60 personnes, dirigées par un chef d’escale qui, lui-même, travaille avec deux autres personnes ! Cette personne-là est installée dans un bureau à l’arrière de la gare, connectée à 150 caméras qui lui permettent de contrôler tout ce qui s’y passe. Elle communique en permanence avec le poste d’aiguillage et avec les chefs de service qui accueillent et lancent les trains. Ce service-là étant indépendant du service de l’aiguillage, lui-même indépendant de celui de la sécurité, il faut considérer l’organisation de la gare comme pleins de petits univers qui se croisent et s’entre-croisent. Le  film que j’ai fait montre le talent et l’énergie qu’il faut pour que les trains arrivent à l’heure.

PZ : On peut imaginer l’importance que revêt la question de la sécurité dans un lieu aussi fréquenté que la gare Saint-Charles. Qu’avez-vous découvert de cet univers-là ?

MG : La sécurité à la gare Saint Charles est une préoccupation majeure. Pas moins de quatre service patrouillent sur les quais : L’armée, la police nationale, des vigiles privés et la police ferroviaire qu’on appelle aujourd’hui la Sûreté Générale ou « Suge ». C’est la première fois à Marseille que la « Suge » autorise des caméras à la suivre toute une journée.

Dans le film, on peut voir leur quotidien et nous avons eu la chance de participer à deux opérations particulières : une arrestation à la gare de Saint Antoine dans les quartiers Nord de Marseille et un filtrage sur les quais de la gare Saint Charles. Le filtrage est cette nouvelle mesure de la SNCF qui bloque l’accès au train 2 minutes avant le départ. Une situation qui entraîne souvent des tensions très fortes…

 PZ : Y a-t-il au cours de ce tournage, une séquence que vous avez eu plus de plaisir à tourner ?

MG : Ah oui, incontestablement ! c’est la visite d’une véritable caverne d’Ali-Baba : le service des objets trouvés ! C’est un endroit assez génial à observer dont je ne soupçonnais pas du tout l’existence. On y reçoit pas moins de 300 objets par mois – et pas que des valises – oui, bien sûr, des valises mais aussi des ordinateurs, des téléphones  portables, des clés de voitures, des clés de maison. Et tous ces objets qui sont restitués, pour 50 % d’entre eux, sont une incroyable matière pour un film en soi : comment ils sont récupérés, analysés pour éviter tout danger, les enquêtes que l’on mène pour tracer les propriétaires et puis la joie de ces mêmes propriétaires, lorsqu’ils récupèrent leur bien. Voilà, c’est une séquence du film que j’ai eu plaisir à tourner, oui.

 

Propos recueillis par Pernette Zumthor-Masson