28 Oct

L’île de jamais jamais

Les voyages de Jean Sans Terre II

De Javier de Susi

album-cover-large-16796

On retrouve ici Vasco, le héros nonchalant et désabusé des voyages de Jean Sans Terre. On l’avait laissé sur les terres du Chiappas (cf. La pipe de Marcos). Il poursuit sa quête sur les traces de son ami Jean. Ici, il est encore question de Révolution, mais plus précisément des Contras, mouvement financé par les Etats-Unis pour s’opposer au mouvement sandiniste, d’inspiration marxiste, qui a pris le pouvoir au Nicaragua en 1979. Javier de Susi fait à nouveau le choix de traiter d’une histoire qui a été effacée de la mémoire collective par l’indifférence des médias.

Vasco se rend sur l’île d’Omepete située sur le lac Nicaragua. Il y fait la connaissance d’un groupe de jeunes gens réfugiés dans la jungle, d’une communauté vivant dans une grande maison, d’un écrivain en manque d’inspiration et d’un gourou dirigeant un orphelinat. Les références littéraires et cinématographiques s’accumulent à commencer par J. M. Barrie, Peter Pan, les enfants perdus et le capitaine Crochet, sans jamais alourdir le propos.

Paola, une des amies de Vasco, dit dans les premières pages du livre que « Nous sommes ce que nous racontons que nous sommes. » A travers le parcours de Vasco, il s’agit donc ici de l’histoire de chacun. Les personnages racontent tous leur propre histoire, qui est aussi celle d’un peuple, d’un pays, d’un continent. Vasco lui refuse de se raconter. Il est l’antihéros qui deviendra malgré lui celui qui change la permanence des choses.Verso_73791

Conte philosophique, le dessin en noir et blanc de Javier de Susi traduit aussi à merveille les différents niveaux du récit. On y trouve des ruptures de ton qui n’existaient pas dans le premier tome. Notamment quand il s’agit d’illustrer le propos des enfants rencontrés par Vasco, le dessin devient beaucoup plus enfantin. La forme épouse au mieux la narration.

Dans cet ouvrage très convaincant, l’auteur poursuit ce qu’il avait entamé dans le premier tome, une geste politique et poétique à travers les endroits oubliés de l’Amérique latine. Vasco, son personnage principal, est plus que jamais l’héritier du grand Corto Maltese. Et toutes ces références assumées, donne à lire un roman graphique d’une grande qualité.

M.K.

Fiche technique

Scénario et dessin : Javier de Susi

Editeur : Rackham