11 Juin

Grand Banquet du bicentenaire Courbet : 200 ans de liberté !

Banquet du Bicentenaire à Paris le 10 juin 2019. Photo : Aline Bilinski.

Yves Sarfati et Thomas Schlesser ont le sens de la fête et une passion commune pour Courbet. Deux qualités qui ne seraient pas pour déplaire à Gustave Courbet. Le peintre aimait passer du temps dans les cafés et tavernes. A Paris, l’un de ses QG était la brasserie Andler dans le quartier latin. Aujourd’hui, elle n’existe plus, c’est au Bistrot de Paris, situé juste à côté du musée d’Orsay et qui existait au temps du peintre, que vient d’avoir lieu le Grand Banquet du bicentenaire. Une journée entière de festivités pour célébrer les deux cents de la naissance de Gustave Courbet.

Le projet de la toute jeune association « Le banquet du bicentenaire » est résolument moderne à l’image des ambitions de Gustave Courbet à son époque. L’idée est de réfléchir « non pas sur Courbet mais à partir de Courbet, de ses idées et de son parcours ». Pour y parvenir, l’association entame un « dialogue inédit entre art, sciences dures, humaines et sociales ». Les premiers jalons de ces échanges ont été posés le jour même du bicentenaire de la naissance de Courbet. Dans un lieu hautement symbolique : le Bistrot de Paris existait à l’époque de Courbet. Son propriétaire est un collectionneur et grand amateur du maître d’Ornans. Le bistrot, vaste et élégant permet d’accueillir un public venu tout spécialement écouter les conférences et participer aux généreuses agapes. Une participation financière était demandée pour couvrir les frais de cette journée particulièrement originale.

Artistes, scientifiques, écrivains ont décliné des thèmes courbetiens version XXIeme siècle. Le cinéaste Romain Goupil de l’écrivaine Michèle Audin et du physicien Etienne Klein, ont livrés leurs réflexions construites à partir de l’oeuvre de Courbet et non pas uniquement sur l’oeuvre du maître d’Ornans. Romain Goupil, réalisateur du film « Courbet aux origines de son monde » a abordé les notions de révolution, de l’exil et il s’est aussi interrogé sur la possibilité de filmer la peinture. Le physicien Etienne Klein lui a évoqué le cosmos. Connu pour ses pensées métaphysiques, les tableaux de Gustave Courbet ont inspiré sa prise de parole.

Mais une fête courbétienne ne peut pas seulement rassasier l’esprit, des agapes de chair et de rires sont indispensables ! C’est ce que racontent Aline Bilinski, David Martin, Vincent Grandemange et Manu Blanc. Mes confrères ont assisté à cette soirée festive riche en symboles. Ils  ont interviewé :  Laurent Derobert Mathématicien Thomas Schlesser Président de l’association le Banquet du bicentenaire Yves Sarfati Psychiatre – psychanalyste Secrétaire de l’association le Banquet du bicentenaire Jean-Gabriel de Bueil Propriétaire du Bistrot de Paris. 

Un cortège avec un âne, des mimes,  plusieurs centaines de personnes ont « honoré un peintre qui a peint les pauvres et les périphéries, le monde animal et végétal, les femmes telles qu’elles sont », déclare le psychanalyste Yves Sarfati, un des organisateurs avec l’historien de l’art Thomas Schlesser. Ces deux passionnés ont écrit plusieurs ouvrages sur Gustave Courbet.

Pourquoi un âne ? Courbet partait sur les chemins de la vallée de la Loue avec un âne qu’il avait baptisé Gérôme, du nom du peintre franc-comtois qui lui, avait conservé une forme académique dans sa peinture. C’est aussi surtout une référence à un tableau célèbre de Gustave Courbet : le Retour de la Conférence. En 1863, le peintre provoque en représentant des curés complètement ivres ! Deux d’entre eux sont sur un âne. Le tableau aurait été détruit par un bigot.

Quant au mime, c’est un hommage à la « Grande fête du réalisme » organisée par Courbet le 1 er octobre 1859 à la brasserie Andler puis dans son atelier situé rue Hautefeuille à Paris. Dans une lettre datée de ce jour-là, Gustave Courbet évoque la « lecture d’une comédie pantomime de M.Fernand Desnoyers ». Le peintre précise que « la soirée sera très nombreuse et très animée ».

Gustave Courbet 1856 le bras noir

Courbet aimait lancer des toasts républicains, participer à ces banquets. C’est tout cet esprit que l’association du « Banquet du bicentenaire a voulu évoquer en ce jour anniversaire du bicentenaire de la naissance de Courbet.

Alors que le président Macron était venu à Ornans inauguré l’exposition Yan Pei-Ming face à Courbet, l’ association lui a demandé dans une lettre de l’admettre au Panthéon, pour son « engagement républicain », son « empathie pour la femme » et son respect de la nature.

Dans leur lettre, les amis de Courbet demandent à M. Macron de « considérer que si des militaires, écrivains, scientifiques sont déjà largement représentés dans ce temple de la République reconnaissante, aucun peintre, aucun sculpteur, aucun photographe n’est entré depuis plus de deux siècles » au Panthéon.

Soulignant sa proximité avec Victor Hugo dans la lutte républicaine contre le Second Empire, ils rappellent qu’en 1870, Courbet « n’oublia pas d’exhorter les artistes allemands en faveur de la paix ». « Innocent dans la chute de la colonne Vendôme, il fut iniquement condamné et jamais réhabilité » pour son engagement en faveur de la Commune. Comme Hugo, il avait souhaité « les Etats-Unis d’Europe ».

« En honorant Courbet, ce sont la paix, l’amitié avec l’Allemagne et l’Union européenne que vous honorerez », plaident-ils.

« Courbet est aussi le peintre de la femme telle qu’en elle-même, hors de toute idéalisation factice. Son regard fut exempt de toute domination masculine », jugent-ils. Et « Gustave Courbet n’avait qu’une maîtresse : la nature. En honorant Courbet, c’est notre conscience du vivant que vous honorerez ».

« Ce que la République seule a fait (sa condamnation), seule la République peut le défaire, en reconnaissant le soutien indéfectible de Courbet à la République », souligne Yves Sarfati.

C’est la seconde fois que le psychanalyste formule ce souhait. La première fois, c’était en septembre 2013 à l’occasion de la mission confiée par le président de la République de l’époque à Philippe Bélaval. Le Président du Centre des monuments nationaux devait réfléchir sur le rôle du Panthéon dans la promotion des principes de la République.
Yves Sarfati avait constitué l
e «comité de soutien de l’entrée de Courbet au Panthéon» mais son souhait n’avait pas été exhaussé. Six ans plus tard, cette démarche aura du mal à aboutir. Comment imaginer qu’aujourd’hui, que les cendres de l’ambassadeur de tout un territoire, enfin reconnu dans son pays, puisse quitter le cimetière d’Ornans ?

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr

Avec AFP.