Le Moulin du Plain est un lieu légendaire. Ce mercredi 1er mars, l’ouverture de la pêche sur le Doubs franco-Suisse avait une saveur particulière : Christophe Choulet, a décidé de rouvrir l’hôtel-restaurant fondé par ses parents, Pierre et Odile Choulet, en 1961. Mais la vie a joué de mauvais tours à la famille Choulet. L’établissement avait dû fermer ses portes il y a maintenant plus de trois ans. Pierre Choulet meurt en 2012 à l’âge de 83 ans. L’année suivante, son fils Thomas qui avait pris la relève, décède. En 2014, l’affaire est reprise par un restaurateur qui fait faillite en moins de six mois.
Depuis, l’établissement demeurait fermé. Un crève-coeur pour la famille Choulet. D’où la décision de Christophe Choulet de reprendre le flambeau avec le soutien de sa mère. Il a grandi ici, au bord du Doubs, puis est parti travailler dans le secteur du tourisme. Le voilà de retour sur ses terres pour redonner vie à cette grande bâtisse et, un jour, transmettre cet art de vivre à celui ou celle qui vibrera pour ce lieu mythique.
Au fil des ans, le Moulin du Plain était devenu plus qu’un simple hôtel-restaurant; les pêcheurs venaient du Japon, des Etats-Unis, d’Allemagne, des célébrités y firent un détour… La revue Bon Voyage avait même classé le Moulin du Plain parmi les « 100 adresses les plus chics de France ». Mais ne vous attendez pas à un établissement ultra chic-guindé, tout reposait sur l’accueil chaleureux, jovial de Pierre Choulet et les secrets de cuisine d’Odile.
Ici, quand on arrivait, on était tout de suite bien.
me confient Jean-Pierre Belon et André Bencetti, membres d’Anper-Tos du Doubs. Aujourd’hui, une grande table était réservée pour les membres de l’Association Nationale pour la Protection des Eaux et des Rivières. Et comme à la grande époque, c’était menu unique spéciale ouverture ! Une cuisine généreuse aux saveurs comtoises.
L’association Anper-Tos est un des piliers du Moulin. Pierre Choulet n’était pas pêcheur mais il avait très vite compris l’importance de cette activité pour faire vivre son rêve : embellir un moulin du XVIe posé sur les rives du Doubs. Et les membres influents d’Anper-Tos ont su lui apporté les bons conseils pour faire venir les pêcheurs du monde entier.
Tous les détails de cette histoire sont racontés dans le livre du journaliste halieutique Vincent Lalu Contes et légendes du Moulin du Plain. Lors d’un précédent article sur le tourisme, j’avais publié une de nos archives video où l’on voit Pierre Choulet expliquer les raisons pour lesquelles il avait eu l’idée de lancer le label « Relais Saint-Pierre » qui garantit aux pêcheurs un accueil adapté.
Aujourd’hui, les pêcheurs sont bien moins nombreux. D’après Patrice Malavaux, garde-pêche de la Franco-Suisse, en quinze ans dans ce secteur, ils sont passés de plus de 1000 à « péniblement » 500… Moitié moins. Comme l’expliquent mes confrères de France 3 Franche-Comté dans leur reportage, la dégradation de l’état de la rivière, due aux pollutions diverses, est à l’origine de la chute du nombre de truites et d’ombres dans les eaux du Doubs.
Doubs franco-suisse : la pêche à la truite est ouverte
« Combien de temps encore cela va durer ? » C’est la question que se posent les pêcheurs. Combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que la rivière se refasse une bonne santé ? Pour le vice-président de la fédération de pêche du Doubs, Christian Triboulet, « Il y a bien une prise de conscience de tous les acteurs mais rien ne change dans la rivière, quelques poissons atteints de sapronelia ont été vus, les fonds sont toujours colmatés, le cheptel est plus rare : les symptômes sont toujours là ».
Aujourd’hui, pour ce jour de fête, des pêcheurs étaient venus de toute la région mais aussi d’Alsace, de Corse, d’Haute-Loire, de la Creuse, de la Somme, de Charente-Maritime pour ne pas manquer ce double événement. Christophe Choulet compte bien reconquérir la clientèle étrangère. Si, un jour, la proposition du spécialiste Eric Vindimian de faire de notre région un territoire d’excellence environnementale vient à être discuté sérieusement, le tourisme pourrait être alors un allié de poids pour les défenseurs des cours d’eau.
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr