01 Mar

Sur twitter avec les autres…

Paquirri est à Venise

Paquirri est à Venise. Avec son frère Cayetano, et avec sa femme. Quand on regarde le cliché qu’il a posté tout à l’heure sur twitter, c’est pas frappant. Mais elle est là : à leur gauche, on l’aperçoit, coupée à l’arrache. C’est juste que leur copain, qui prenait la photo, n’aime pas sa belle sœur. Ou alors, il venait de s’engueuler avec elle. Car sur d’autres clichés, on peut la voir en entier, tenant la main de son torero dans un canot à moteur, assis à la terrasse d’un café cher sur la Place San Marco, déguisé d’un masque emplumé dans ce qu’on imagine être leur chambre d’hôtel. Bref, Francisco Rivera Paquirri est en week-end à Venise, avec son frère et des amis, pour se régaler du fameux carnaval.

On s’en fout ? Bien sûr qu’on s’en fout ! Mais ainsi va twitter, qui mélange sans réfléchir l’information et le babillage.

J’ai découvert twitter très tard, fin 2012, et je m’y suis lancé avec gourmandise : le nombre d’informations que l’on peut y pêcher est tout à fait impressionnant. Pêcher est la bonne image, pourvu que ce soit à l’épuisette. Car on a l’impression d’être assis sur les berges d’une rivière, les pieds pendant négligemment dans l’eau, et de voir passer un flot ininterrompu d’informations, d’images, de vidéos. Il suffit de donner un petit coup d’épuisette pour remonter le poisson. J’ai tenu un an, et puis j’ai calé : mon « temps humain » n’a pas tenu le coup. Je me suis aperçu que je lisais moins de livres. J’ai donc fermé en catastrophe mon compte personnel, qui m’amusait pourtant (mêler les informations littéraires, politiques, et l’aficion aux toros met le petit peuple de vos suiveurs dans un malaise assez spectaculaire…), et je me contente, à défaut de l’animer vraiment, de suivre celui de Signes du Toro.

La time line que nous y avons choisie est composée de toreros, d’éleveurs, de journalistes spécialisés et d’aficionados concentrés, aux quatre coins de la planète taurine.

Aujourd’hui samedi, par exemple, on y a appris – en dehors du pathétique week-end de Paquirri – que les arènes de Saint Gilles ont été l’objet d’une attaque à la peinture de la part des antitaurins, que l’émission de Canal Sur, « Toros para todos », de l’énervé Enrique Romero, revient à l’antenne le dimanche 16 mars, que Léa Vicens reprenait la selle et l’épée cet après-midi à Artafe, et que jeudi prochain, pour l’ouverture de la féria d’Olivenza, Miguel Angel Perera donnera dans les arènes un tentadero gratuit pour 5000 gosses…

Mais l’effet de communauté, auquel les aficionados sont tellement attachés, se tisse aussi entre les infos. Les petits mots spontanés, les réactions, déclarations, forment le « son » si particulier d’une time line pertinente. Aujourd’hui, le son, comme parfois le samedi, était mélancolique…

« La double morale est banale. Et l’ignorance immense. Vivent les toros. Et longue vie à notre fiesta » (@cesar1973)

« Selon certains professeurs d’université, on ne doit pas diffuser de corridas quand les enfants regardent la télé. Par contre, Salvame, on peut ! » (@jm_elbomba)

« La passion des madrilènes pour marcher avec le parapluie planté dans le crâne, et en conséquence dans l’œil du voisin me surprendra toujours » (@Jdouetphoto)

« Merci à Mundotoro de m’avoir volé une photo des arènes d’Aignan. Mais au fond, c’est pas grave. Ça m’a même fait rire » (@florentmoreau17)

C’est ainsi, la passion des toros fait qu’on est tous sur twitter, avec les autres. Ceux qui vous font rire, et ceux qui vous volent. Quelque chose comme une société…

 

Jean-Michel Mariou

 

 

 

14 Fév

Marius, laisse un peu mesurer les autres !…

Marius dans son bar

Marius dans son bar

« Il y a des jours où l’on devrait pouvoir indulter la nuit… »

Il est près de cinq heures du matin. Nous ne sommes plus que trois ou quatre, accrochés au zinc du bar Le Méditerranée, rue Roussy à Nîmes. Ivres et heureux. Derrière son comptoir, Marius, le patron, vient de lâcher dans un soupir cette phrase qui va nous poursuivre pendant des années. Dans l’après-midi, Enrique Ponce a gracié un toro dans les arènes de la ville. Un moment exceptionnel, inoubliable. De ces petits miracles, on sort toujours transformés, un peu meilleurs qu’avant.

Mais l’accomplissement taurin réclame que l’on ajoute à ce bonheur des mots, des rires nerveux, de l’alcool, des phrases, sérieuses ou délirantes, des cris, des analyses, des souvenirs, des accolades, des bouts de poèmes et des yeux ronds. Une grande faena n’existe que lorsqu’on l’a suffisamment rabâchée, car l’on ne peut, littéralement, jamais en croire tout à fait ses yeux.

Pour ce travail de contre deuil (de naissance, donc ? « travail » est aussi le mot qui désigne la phase de préparation à l’accouchement), pour ce dernier temps du triomphe taurin qui consiste à tenter de le fixer définitivement, comme la couche de laque rajoutée à un tableau fini, il faut un lieu. Comme un atelier. Ce sera, le plus souvent, un bar taurin. Celui de Marius, à Nîmes, était le plus merveilleux de tous.

On n’ira pas jusqu’à prétendre que tout était pensé dans ces moindres détails, mais l’agencement des tables et des circulations vous obligeait, d’abord, à vous arrêter au zinc. Certains n’allaient pas plus loin. D’autres gagnaient les grandes tablées bruyantes d’amis regroupés comme autant de sectes pour célébrer les corridas du jour. Nous, nous glissions toujours jusqu’à la petite cour du fond, où Geneviève servait le pain andalou et les sèches à la madrilène. Et quelques rasades d’amitié. C’est au retour, avant de pouvoir atteindre la rue, que Marius vous arrêtait au bar. On y a bu de tout, des alcools doucereux, des rivières d’anis, du whisky ou du gin, de sages bières ou des Armagnacs de Decazeville. Toujours Marius souriait, bienveillant, amical, et toujours revenant, du fond de son immense aficion, à ce qui nous rassemblait là : la corrida du jour, avec ses risques et ses déceptions, ses merveilles et ses surprises.

Ce jour-là, le jour de Ponce, nous avions mis sept heures à répéter la même chose, que nous avions bien vécu, ensemble, finalement, ce que nous avions vu. Et dans l’ivresse épuisée qui nous faisait enfin glisser à petits pas vers la porte et la rue, il y avait eu cette phrase, merveilleuse pépite qui avait enfin dit ce que nous cherchions tous.

Chaque aficionado français, pour peu qu’il mérite ce beau nom, a un souvenir de ce genre avec Marius, dans son bar, un soir de corrida. C’est en ça qu’il était grand.

Il y a quelques années, Marius avait disparu plusieurs semaines dans les limbes de cette maladie qui l’a finalement vaincu hier. Absent à la ville, et à lui-même. En sortant de l’hôpital, il avait raconté son coma délirant dans lequel il combattait avec acharnement et pundonor un lourd toro blanc. Il pensait l’avoir terrassé. Mais il y a des toros morts qui vous tuent. Celui qui ôta la vie à Yiyo lui planta sa corne dans le cœur alors que, transpercé par l’épée, il s’effondrait dans un dernier sursaut.

Marius est mort. Pour ceux qui aiment la vie par dessus tout, c’est une défaite. Pour nous qui aimions Marius, c’est un désastre.

Jean-Michel Mariou

 

 

28 Oct

Camargue plein ciel

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Il serait exagéré de dire que la Camargue m’est étrangère. Pour tout dire, la semaine dernière encore, j’aurais affirmé la connaître comme ma poche.

Je suis né à Arles il y a quelques décennies. J’ai passé toutes mes vacances aux Saintes-Maries-de-la-Mer jusqu’à l’âge de 14 ans. J’ai cheminé le long des routes et des drailles à pied, en voiture et à vélo. Pas à cheval, je ne monte pas. Je suis entré dans les prés de nombreuses manades. J’ai emprunté la « digue à la mer » à l’époque où l’accès n’était pas interdit. Et aussi après, ne le répétez pas.

J’ai lu La bête du Vaccarès (en français). J’ai vu Crin Blanc. J’ai même été figurant dans Heureux qui comme Ulysse.

Je sais cuisiner les tellines. Et la gardiane de taureau. J’ai piqueniqué dans La vallée des lys.

J’ai interviewé des manadiers, des ganaderos, des riziculteurs. J’ai « planqué » dans un poste d’observation pour ornithologues à la Tour du Vallat. J’ai vu les images noir et blanc de Clergue à l’époque de « Née de la vague ». J’ai passé toute une nuit d’été en 1982 au bord du Vaccarès à enregistrer la symphonie des roubines. Je suis allé nager et manger à Beauduc au temps où Beauduc était ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être.

Bref, je croyais connaître…

La semaine dernière, j’ai feuilleté « Camargue plein ciel », l’album que le photographe Alain Colombaud et le journaliste Jacques Maigne ont publié « au Diable Vauvert ».

Et j’ai enfin vu la Camargue.

 

Joël Jacobi

 

06 Août

Curro Romero à l’écart des lieux communs

Romero sans brin de romarinDes articles par dizaines, quelquefois même des livres entiers ressassent depuis des décennies les mêmes banalités sur Curro Romero. Jusqu’à l’écœurement.

Par charité, je ne donne pas le nom de leurs auteurs. Par charité, et aussi par goût de la justice. Car en fait d’auteurs, il s’agit souvent de copieurs. Il est spectaculaire de constater à quel point un artiste aussi original a pu susciter des textes aussi convenus.

C’est d’abord parce qu’il tranche avec cette antienne que le papier d’André Viard paru dans la dernière livraison de Terres Taurines a retenu mon attention.

Mais c’est parce que Viard a su mettre en scène avec grâce et légèreté sa rencontre avec le « Pharaon de Camas » (voilà que je m’y mets à mon tour, décidément!) qu’il m’a charmé.

Et c’est surtout parce que Curro Romero est réellement un artiste à part, qu’il répond avec beaucoup d’humour et pas mal de profondeur aux questions de Viard, qu’il m’a enthousiasmé.

Il faut noter que ce numéro de Terres Taurines (le n° 46) est un des plus réussis de la collection. On trouve également au sommaire la saga de la famille Urquijo, une rencontre avec Antonio Ferrera et un portrait de Juan Bautista.

Toros d’Urquijo pour Curro Romero, Antonio Ferrera et Juan Bautista. Curieux cartel, non?

31 Juil

Corbachista

Dernière rencontreOn sait tous où on était le 16 septembre dernier.
Tous, je veux dire, les aficionados.
Le 16 septembre 201, c’était le jour de José Tomás à Nîmes. On peut tous raconter notre journée. Comment on s’y est pris pour avoir une place, où on était placé dans les arènes, comment on a vécu la « chose ». Où on est allé manger après. Comment on n’arrivait pas à en parler. Comment on se disait que non, vraiment, ça ne valait pas la peine de retourner aux arènes l’après-midi. Vous voyez ce que je veux dire.
Moi comme les autres, je ne suis pas près de l’oublier, cette journée.
Et aujourd’hui, moins que jamais.
Ce jour-là, Isabelle Dupin, nous a fait poser côte à côte, Corbacho et moi. On a souri, du mieux qu’on a pu. Clic.
Je ne l’ai jamais revu.

JJ

Mille mercis à Isabelle Dupin.

Le fond de la montera

Une noix, demandait Charles Trenet, qu’y a-t-il à l’intérieur d’une noix?

Et moi, je pose la question. Qu’est ce qui se trouve dans la doublure de la montera de Manolo Escribano? Une image pieuse? Un miroir dans lequel il se regarde, histoire de voir la tête qu’il a avant que le toro ne déboule? Une sorte d’éponge magique qui absorberait l’angoisse?

Non. Il y a juste une étiquette avec le nom du fabriquant.


Manolo Escribano par france3aquitaine