Samedi 27 février 2016. Les bulletins météos n’exagéraient pas. Ils annonçaient depuis plusieurs jours un épisode cévenol majeur pour la fin de la semaine, c’est un déluge qui est tombé sur le département de l’Hérault toute la journée. Au pied du Pic Saint-Loup, au domaine de Lacan où la famille Vangelisti élève ses toros, on a été sur le point d’annuler la cérémonie taurine prévue de longue date pour cette matinée. Mais la piste a tenu le coup. Et un des invités, Adrien Salenc, était venu tout exprès de Madrid pour cette opportunité…
La pluie était glacée, je n’ai pas eu le cœur de me glisser dans un burladero ou de monter sur la plateforme au dessus des corrales. Je suis resté dans le salon, la cheminée fonctionnait bien et j’ai filmé le spectacle par la fenêtre.
Les 3 novillos (deux d’origine Jandilla, un d’origine Daniel Ruiz) toréés et mis à mort par Thomas Joubert, Andy Younès et Adrien Salenc avaient comme principale qualité de ne présenter aucun défaut. Pour chacun des trois toreros, cette matinée était une étape majeure dans la préparation. Adrien est élève de l’école taurine de Juli en Espagne, cette année sera sûrement sa dernière dans la catégorie « sans chevaux ». Andy commence dans quelques semaines une saison de novillero dans les arènes d’importance : Valencia pour les Fallas, puis Arles pour Pâques pour commencer. Ses premiers « résultats artistiques » détermineront la suite.
Quant à Thomas Joubert, depuis qu’il ne s’annonce plus sous le pseudonyme de Tomasito, mais qu’il revendique dans l’arène son prénom de baptème et son nom d’état civil, il assume de mieux en mieux son personnage. Silhouette arrogante, visage mélancolique et tauromachie académique.
Le lundi de Pâques, à Arles, c’est son premier contrat pour 2016, il va se cogner les toros de Pedraza, à coup sûr les plus costauds de la feria, pas nécessairement les moins maniables. Sa préparation? Huit toros « en privé », c’est à dire à l’abri des regards. En privé, mais en habit de lumière, histoire d’arriver pour sa première corrida comme s’il en avait toréé quatre.
Son toro, d’origine Jandilla, était sans vice. Il semblait soupeser le pour et le contre avant de charger la muleta. Et quand il fonçait, on sentait de la rage. Thomas a pris le dessus petit à petit. Il a fini par trouver le bon rythme.
La pluie redoublait. Le souffle du novillo s’accordait à celui du toro. Une communion privée. Et un parfum de solennité au pied du pic Saint-Loup.
JJ