08 Déc

Poitiers Film Festival : la bouleversante Sarah du jeune cinéaste sud-coréen Deokgeun Kim

Présenté en sélection officielle du Poitiers Film Festival, « To Each Your Sarah » (« A chacun sa Sarah ») du réalisateur sud-coréen Deokgeun Kim raconte l’histoire d’une femme en plein échec personnel et professionnel, contrainte de retourner dans son village natal où vit toujours sa soeur. Ce drame est l’une des révélations de l’édition 2019.

L’actrice Mi-ne Oh, dans la rôle de Sarah. (« To Each Your Sarah » réalisé par Deokgeun Kim)

C’est l’une des joies de suivre le Poitiers Film Festival chaque année : découvrir des pépites cinématographiques du monde entier par des réalisateurs encore ou sur le point de terminer leurs études en école de cinéma. « To Each Your Sarah » du réalisateur sud-coréen Deokgeun Kim entre dans cette catégorie. En apparence, un film sur le déclassement social, il se révèle un drame personnel puissant sur les cruels tournants de la vie.

La bande-annonce, à découvrir, ci-dessous :

Jeong-Ja, interprétée par l’actrice Mi-ne Ho – prodigieuse dans ce rôle -, est de retour dans son village natal où réside toujours sa soeur. Par son intermédiaire, elle trouve un travail dans une triperie industrielle, un travail à la chaîne réservé aux femmes chargées de nettoyer des intestins d’animaux. Mais Jeong-Ja a un secret : avant son retour précipité de Séoul, elle se faisait appeler Sarah. Sarah, un prénom plus sophistiqué que le sien, associé à la vie campagnarde sud-coréenne.

Si le film semble tout d’abord se situer sur le terrain social (une femme quitte Séoul où elle vient de faire faillite et où son mari la trompe pour retourner sans le sou dans sa campagne natale), il se révèle avant tout l’histoire d’une femme confrontée à ses rêves contrariés par les années. Dans cette triperie où l’odeur des intestins la révulse, Jeong-Ja devient la risée des autres femmes, loin d’être dupes et, prend sur elle.

L’histoire d’une génération

Deokgeun Kim livre ainsi un très réussi portrait de femme, entre colère et trahison, cruauté et espoir. Le jeune réalisateur issu de la KNUA (Korean National University of Arts) dresse le portrait d’une génération.

« C’est la génération de mes parents », explique Deokgeun Kim, à quelques heures de la remise des prix. « Ils ont couru après le succès : une bonne situation, la réussite économique. Et puis, 30 ans plus tard, un certain nombre d’entre eux ont en fait échoué, lâchés par le capitalisme. »

Le cinéma est le meilleur moyen de comprendre l’être humain (Deokgeun Kim)

Assis sur un canapé de l’espace professionnel du Poitiers Film festival, le jeune réalisateur aux larges lunettes cerclées d’un fin rebord doré a l’apparence d’un jeune homme tout juste sorti de l’adolescence, la carrure large mais la voix encore douce et posée.

« Ma propre mère a vécu cet échec, personnel et professionnel. Mon père aussi. Tous les deux ont tout perdu. »

« Je n’ai pas voulu faire un film social mais me confronter à une histoire personnelle, celle d’une femme qui perd tout. Je voulais m’attacher aux espoirs et aux rêves de cette femme, la cinquantaine. Comme d’autres de sa génération, elle a échoué mais elle refuse de regarder les choses en face. Elle se trouve trop d’excuses et préfère accuser le monde entier plutôt que de voir sa part de responsabilité dans ce qu’il lui arrive. »

« Comprendre l’être humain »

Jeong-Jo se projettait en Sarah et se retrouve une femme qu’elle pensait avoir laisser derrière elle.

« Sarah sonne comme un prénom sophistiqué. Il révèle les émotions et la personnalité du personnage principal. Elle voulait cette vie sophistiquée, de réussite, mais elle est aussi cette fille de la campagne. »

Deokgeun Kim le reconnaît volontiers : ce qui l’a mené au cinéma, c’est un besoin de « comprendre l’être humain ». Pour lui, la révélation s’est produite à la cinémathèque de Séoul, où il traînait souvent, devant « Les Biens-Aimés » de Christophe Honoré. « Le personnage principal voulait comprendre ses parents, leur vie amoureuse », explique-t-il. « Elle finit par les voir comme simplement humains. Ce film de Christophe Honoré est arrivé au bon moment pour moi. »

Deokgeun Kim conclut notre rencontre par ces mots : « Le cinéma est le meilleur moyen de comprendre l’être humain », ce qu’il est parvenu à mettre en images dans ce court métrage très prégnant.

Le jeune réalisateur, remarqué déjà dans plusieurs festivals, termine ses études à la KNUA le trimestre prochain. Il s’imaginerait volontiers poursuivre un Master dans une école en Europe. Depuis les déboires financiers de ses parents, il finance ses propres études en travaillant sur des plateaux de cinéma comme assistant tout en travaillant à son premier long métrage, une histoire de Nord Coréens fuyant le pays et qui franchissent la ligne de démarcation pour le sud. Le projet est pour l’instant « accueilli timidement » par les financiers mais le jeune réalisateur ne perd pas espoir d’imposer un sujet qui lui tient à coeur.

Deokgeun Kim, vendredi 6 décembre, au TAP théâtre de Poitiers, lors du 42ème Poitiers Film Festival

07 Déc

Poitiers Film Festival : le jury sacre le jeune réalisateur roumain Loránd Gábor

Le 42ème Poitiers Film Festival a sacré vendredi soir le jeune réalisateur roumain Loránd Gábor en lui attribuant le Grand Prix du jury, pour son film « How to Fly a Kite? ». Le jury récompense très justement un film sur le passage à l’âge adulte.

De tous les films en compétition répartis en dix sélections de courts métrages, les spectateurs ayant vu la sélection numéro 7 apparaissent aujourd’hui comme les plus avertis ou juste les plus chanceux. Sur les cinq films présentés, quatre ont été récompensés vendredi soir par le jury du Poitiers Film Festival 2019.

« How to Fly a Kite ? » (« Cum înalți un zmeu?« ) de Loránd Gábor reçoit le Grand Prix du jury (UNATC I.L. Caragiale Bucharest, Roumanie), « Le Cerf-volant » de Martin Smatana (FAMU, République tchèque), le Prix du public, « City of Children » de Arantxa Hernandez Barthe (NFTS, Grande-Bretagne) et « Hide N Seek » de Barbora Halirova (FAMU, République tchèque), le Prix L’Extra Court.

Loránd Gábor, l’une des révélations du Poitiers Film 2019

« How to Fly a Kite » est un film d’apprentissage, sur le passage inopiné à l’âge adulte d’un jeune garçon, Aurel. Alors qu’il ramasse du bois en forêt avec son père, ils sont interpellés par un policier qui les soupçonne de coupe illégale. L’intervention tourne au drame. Aurel, que l’on découvre au début du film à la recherche du regard et de la reconnaissance paternels se retrouve seul, face à lui-même, devenu un adulte désormais sans père. La force du film réside dans sa capacité à capter le moment où tout bascule, du regard de cet enfant dans sa quête de reconnaissance, au long moment de réflection où, face à lui-même, il prend conscience qu’il n’est plus tout à fait le même. Il saisit un mégot au sol, l’allume, une page est définitivement tournée. Ce court métrage venu de Roumanie emporte l’adhésion en 27 minutes, courtes, mais formidablement intenses. On sort de la projection avec l’envie de retenir le nom de ce réalisateur venu de Bucarest, Loránd Gábor, l’une des révélations de l’édition 2019 du Poitiers Film Festival, dont le film a également été remarqué et primé dans d’autres festivals.

Sur le tournage du film « How to Fly a Kite » (« Cum înalți un zmeu? ») (Via la page Facebook consacrée au film)

Loránd Gábor, sur le tournage de son court métrage « Cum înalți un zmeu? »

22 Nov

Originaire de La Rochelle, le romancier Julien Dufresne-Lamy fait revivre l’univers des drag-queens new-yorkaises

Avec « Jolis, jolis monstres » (Belfond), Julien Dufresne-Lamy plonge au cœur de la culture underground new-yorkaise des drag-queens. Sous sa plume, les reines des bals emmènent le lecteur à la découverte des cabarets et d’une culture oubliée, à l’orée des années 80. Un récit fascinant et enlevé qu’il évoquera samedi 23 novembre sur France 3, dans l’édition Poitou-Charentes à 19h, et dans une rencontre au cinéma Le Dietrich de Poitiers à 21h.

Julien Dufresne-Lamy, photographié par Melania Avanzato.

A Los Angeles, un jeune père de famille, ancien gangster, quitte femme et enfant pour vivre sa fascination pour les drag-queens. Direction New York, où il rencontre James Gilmore, un vieil Afro-Américain, icône oubliée de la scène drag du début des années sida. Le second va prendre le premier sous son aile et l’initier aux codes d’un monde de transgression.

Dans une narration foisonnante, alternent le récit introspectif des deux personnages principaux et, en toile de fond, les voix de celles qui ont écrit la légende des reines de la nuit underground new-yorkaise. Sous la plume de l’auteur, le lecteur assiste à la naissance de la mode du voguing et plonge au cœur de la scène ballroom.

Dans la foule des fêtards, se côtoient anonymes et célébrités : Keith Haring, David Bowie ou Madonna qui, avant de placer un coup de projecteur sur le voguing avec son hit « Vogue », fut, elle aussi, témoin de l’effervescence de cette scène.

« Jolis, jolis monstres », le quatrième roman de Julien Dufresne-Lamy, séduit par sa capacité à faire revivre une époque révolue et une scène artiste aussi bouillonnante qu’à la marge.

Originaire de La Rochelle, Julien Dufresne-Lamy est l’invité samedi de l’édition régional Poitou-Charentes, à 19h. Il participera ensuite à 21h une rencontre publique au cinéma Le Dietrich à Poitiers, à l’issue de la projection du film « Port Authority » de Danielle Lessovitz qui se déroule également dans le milieu du voguing contemporain à New York.

 

Rencontre avec Julien Dufresne-Lamy. 

De quelle manière avez-vous découvert l’univers drag et du voguing à New York ? Comment est-ce entré dans votre vie ?

Comme beaucoup de gens, je crois que c’est en regardant l’émission de DruPaul, Drag Race. Je la regarde depuis plusieurs années, sur Internet et sur Netflix. J’ai toujours bien aimé aller voir les drag-queens à Londres ou New York. En allant voir ces spectacles underground, j’avais l’impression de côtoyer enfin une culture qui n’était pas la mienne, d’être vraiment dans l’idée d’un voyage. J’aimais vraiment ça, voir l’alternatif, le clandestin, la marge… Et puis, le livre, je l’ai finalement laissé dormir pendant plusieurs années et ce n’est qu’il y a deux ans que je me suis dit que cette histoire regroupait toutes mes obsessions d’écriture, et je me suis dit : il faut que je le fasse et c’est comme ça que je me suis lancé.

Vous parliez de l’idée de voyage. Racontez-nous en un peu plus…

J’ai l’impression que quand on voit un homme devenir femme ou autre chose sur scène, j’ai l’impression que c’est un voyage, oui. C’est une autre forme de beauté, c’est une autre forme de l’autre, de l’altérité, de curiosité, d’exotisme, donc oui, ça représente un voyage.

Est-ce juste votre expérience personnelle qui nourrit le roman ou bien avez-vous accumulé une certaine dose de documentation pour faire revivre cette époque ?

C’est une fiction pure dans le sens où les deux narrateurs sont complètement invités, ceux qui prennent la parole. En revanche, toutes les galeries secondaires ont réellement existé. Toutes les histoires secondaires dont je parle dans le livre, sont vraies. Ce n’était pas un parti pris de départ. C’est vraiment lorsque je me suis plongé dans la culture drag et la culture voguing, et au fil des recherches, je rencontrais des histoires tellement rocambolesques et je me disais qu’il serait dommage de ne pas les retranscrire fidèlement. Au fur et à mesure des pages et des mois d’écriture, le livre devenait un peu politique et devenait un vrai hommage à la pré-histoire des drag-queens. Et quel plus bel hommage que de retranscrire fidèlement leurs histoires ? Finalement, c’est ainsi que toutes les galeries secondaires se sont imposées ainsi que le livret de photos à la fin du livre.

Ce livret, effectivement, assoie une histoire qui s’est déroulée…

C’est la première fois en littérature française qu’un livre se consacre à la culture drag. C’est étonnant. Il y a ce phénomène en ce moment qui est là, qui permet de déplacer les lignes. Mais les hommes déguisés en femmes, ça existe depuis toujours en fait. On refuse toujours de leur donner cette tribune et cette parole; c’est un peu triste. On vit dans une société très masculiniste et un homme déguisé en femme, ça ne plait pas beaucoup.

Dans votre roman, le personnage qui sort de prison et des gangs à Los Angeles, se cherche une mère pour l’initier à la culture drag. Est-ce que vous aussi vous avez eu une telle rencontre à un moment donné de votre parcours, pour ce roman, de quelqu’un qui vous a initié ?

C’est la première fois que l’on me pose cette question ! Non. Je n’ai pas eu de mère mentor ou symbolique. Pour ce livre, ça a été un sujet pas comme les autres et c’est un livre que je continuerai à défendre plus que les autres car j’ai l’impression qu’il me dépasse, moi, qu’il dépasse le cadre de l’écriture, le cadre de l’écrivain. Comme ce sont aussi de vraies histoires, des personnages qui ont tellement vécu l’oppression, le rejet, c’est important de le défendre, presque politiquement. J’ai fait ça seul, le travail de l’écrivain est quand même très ancré dans la solitude. J’ai rencontré évidemment à Paris quelques drag-queens et que la plupart de mes recherches se sont faites sur Internet. Il y a très peu voire aucune source littéraire, universitaire ou académique sur la culture drag, donc j’ai tissé une toile de façon très débrouille… D’un monde de clubs, de drag-queens, d’années 80, de noms d’artistes, j’ai réussi à créer une ambiance, un décor. Mais ça s’est fait très seul!

Cette part documentaire du livre donne une force colossale au récit, au-delà du parcours humain…

Ca fait un peu autorité, oui, un peu comme lorsque dans un générique de film, il est écrit que c’est inspiré d’une histoire vraie. J’avais envie avec cette large documentation de montrer un New York hyper tourbillonnant, j’avais envie qu’on s’imagine dans ces soirées-là, côtoyer les artistes de l’époque, les Keith Haring, David Bowie, mais aussi des gens que l’on ne connait pas forcément. C’était un New York où tout le monde se cotoyait et qui n’avait pas d’égard pour le statut social. Il y avait l’envie très libertaire, insouciante, de se réunir et de former une communauté. Ca s’est depuis gentrifié, embourgeoisé.

Propos recueillis par Clément Massé.

La couverture de « Jolis, jolis monstres » de Julien Dufresne-Lamy (Belfond)

Retrouvez Julien Dufresne-Lamy dans le journal de France 3, édition Poitou-Charentes, à 19h, samedi 23 novembre, puis à 21h au cinéma Le Dietrich à Poitiers à la séance du film « Port Authority » de Danielle Lessovitz.

Mise à jour, 27 novembre 2019

Retrouvez l’entretien de Julien Dufresne-Lamy, samedi 23 novembre, sur France 3, dans l’édition de 19h du journal régional Poitou-Charentes

17 Jan

Chanson : Violette dévoile ses compositions sur la scène pictave

Le 4 novembre 2017, Violette se produisait sur la scène de L'Envers du bocal à Poitiers.

Le 4 novembre 2017, Violette se produisait sur la scène de L’Envers du bocal à Poitiers.

Depuis notre table à L’Envers du bocal, le brouhaha de la salle pose un voile intempestif sur la voix de Violette. Avec Dominique et Javier, nous sommes installés à l’extrémité opposée, à l’une des tables en bois recyclé; d’anciens volets découpés qui portent encore leur ferrage. Devant nous, des groupes se sont formés et discutent debout un verre à la main. D’autres dînent d’une soupe et d’une salade création maison. Le long de la baie vitrée, on observe les passants entrer. Un filet d’air frais s’immisce. Le vibrato de Violette survole les discussions d’un samedi soir entre amis dans ce haut lieu culturel et alternatif du centre-ville de Poitiers.

Capter l’attention du public

Nous sommes venus sur les conseils de Dominique. Son amie Clémence, alias Violette, chante. Elle voulait qu’on la connaisse. Violette interprète de nouvelles chansons. Dans la caisse de sa guitare, elle présente son dernier EP, « Breath » (septembre 2017), le premier qu’elle publie sur support CD (disponible au Monde du Disque et à l’Espace culturel Leclerc Poitiers et en téléchargement sur Bandcamp). Le précédent, « Brainstorm » (novembre 2015), avait paru en ligne sur le site Soundcloud et comptabilise à ce jour plus d’un millier d’écoutes pour le titre phare, « My travel with you » et plusieurs centaines pour les suivants.

Le public du bar culturel L'Envers du décor applaudit Violette à l'issue de son set, le 4 novembre 2017

Le public du bar culturel L’Envers du décor applaudit Violette à l’issue de son set, le 4 novembre 2017

 

Chanter dans un bar, ça apprend à se dépasser, à attirer l’attention, à capter les gens (Violette)

Elle aime Bob Dylan et Cat Power

Sur sa petite scène, Violette a ajouté une petite guirlande de lumières blanches qui tombe de son ampli. Quand elle se présente, elle semble s’exprimer du bout des lèvres, presque timide. Pourtant, dès qu’elle chante, sa voix douce perce aisément au dessus des discussions et impose une présence au creux de l’oreille. Violette sait que « les gens ne sont pas forcément venus l’écouter ». « Ca apprend à se dépasser, à attirer l’attention, à capter les gens », confie-t-elle.

Violette s’est trouvée une proximité avec les univers musicaux des grands folkeux américains. Elle a choisi de s’exprimer dans leur langue, mais elle ne s’inscrit pas pour autant dans la tradition folk anglo-américaine. Certaines inflections de sa voix rappellent le lyrisme de celle de l’Américaine Judy Collins. Elle aime Bob Dylan, dit avoir beaucoup écouté Sheryl Crow et Cat Power et chante ses propres textes.

 Après le premier set à Northampton, je me suis dit, les gens savent tout. Ils ont tout compris (Violette)

En anglais

On s’interroge sur le choix de la langue anglaise. Une manière de « se protéger », avoue-t-elle. De ne pas complètement « se dévoiler ».

Sur son dernier EP, « The Rose » évoque par exemple la maternité. « The little song », qui ferme le disque, retrace une amitié  – amoureuse, semble-t-il -, dont, des années plus tard, il est temps de tourner la page. Les paroles sont simples, imagées et touchent juste.

Lorsqu’on la retrouve chez elle quelques semaines plus tard, elle en sourit et admet que lorsqu’elle s’est produite sur des scènes étrangères, en Grande-Bretagne par exemple, elle « a pris conscience que les gens pouvaient comprendre (ses) textes ». « Je me suis retrouvée complètement ‘nue' », avoue-t-elle, encore surprise. « Après le premier set, je me suis dit, les gens savent tout. Ils ont tout compris. »

Violette, rencontrée chez elle à Poitiers, le 10 janvier 2018

Violette, rencontrée chez elle à Poitiers, le 10 janvier 2018

Confortablement installée sur le canapé du salon de son appartement qui surplombe l’entrée du parc de Blossac, elle poursuit. « Ce n’est pas naturel pour moi de chanter en français. Le Français me fait peur, vraiment. (…) Beaucoup de gens écrivent de très beaux textes en français, je trouve dur de passer derrière eux. Je ne me sens pas encore à la hauteur. » Puis elle ajoute : « Peut-être que ça changera. » Elle note que Radio Elvis chante en français, alors, « pourquoi ne pas essayer… » Mais elle se reprend : « Quand la mélodie arrive, ce ne sont pas des mots français qui me viennent. »

Les Anglais étaient émus. Certains m’ont dit qu’ils étaient touchés par mes chansons (Violette)

L’expérience européenne

Violette a beaucoup tourné sur les scènes pictaves; et au-delà. Un tremplin Face B lui a permis, à Poitiers, de participer aux Expressifs en 2016. Présents cette année-là, des organisateurs du MaNo Musikfestival de Marbourg (ville jumelée à Poitiers) l’invitent à leur tour à se produire chez eux, en mars 2017. Là, à nouveau, d’autres organisateurs, cette fois du Twinfest de Northampton (autre ville jumelée à Poitiers – le festival est celui des trois villes, Poitiers, Marbourg et Northampton), lui offrent sa première scène anglaise.

L’expérience européenne demeure l’une des plus importantes de sa jeune carrière. « J’ai testé mes chansons auprès d’un public d’une autre culture musicale. On reçoit d’autres critiques », confie-t-elle. Le regard sur son travail change. Les retours qu’elle recevaient jusqu’à présent étaient ceux de ses proches. Au départ, « le premier miroir réellement, ce sont les amis et la famille. Certains ne soupçonnaient pas que je chantais… » Là, c’était un public étranger qui la découvrait comme n’importe quelle autre artiste. « Les gens étaient émus. Certains m’ont dit qu’ils étaient touchés par mes chansons. C’était vraiment le plus beau compliment que l’on puisse me faire. »

 Je compose le soir, le moment où c’est plus calme, quand la journée est passée et que l’on se retrouve avec soi-même (Violette)

Dans son salon, ses deux guitares et un ukulélé trônent, face au canapé. Un lapin noir, prénommé Bobby, pointe ponctuellement le bout de son nez, renifle furtivement l’invité et retourne se cacher entre un coussin et sa maîtresse. « En ce moment, la musique occupe un gros tiers de mon temps, » explique-t-elle. « Je compose par périodes. C’est le sentiment du moment qui agit. » Pour elle, c’est le plus souvent le soir, à la maison, « au moment où c’est plus calme, où la journée est passée, où l’on se retrouve avec soi-même. » Dans la journée, elle se repose sur cet outil moderne, le téléphone portable. « Il me sert à enregistrer mes idées quand elles me viennent. »

Lorsque l’on s’est rencontrés en janvier, Violette parlait de six morceaux en chantier. Certains deviendront des chansons, d’autres peut-être pas. Ils viendront s’ajouter aux sets de ses prochains concerts dont elle espère dévoiler la liste prochainement.

ALLER PLUS LOIN

Pour écouter Violette:

« Brainstorm » (novembre 2015)

« Breath » (septembre 2017)