Dominique A s’installe à La Sirène, à La Rochelle, à partir du 19 mars. La salle l’accueille pour une semaine de résidence au cours de laquelle le chanteur va répéter sa tournée qui débute le 24 mars. La série de concerts à venir devrait laisser une place large aux morceaux du dernier album « Toute latitude » (cinq7, 9 mars).
Comme une urgence, dans la voix et la rythmique soutenue des morceaux. « A la lumière des réverbères, le bleu nuit du lac entamé, j’observe les grains de poussière phosphorescent sur le sentier », chante Dominique A dans « Désert d’hiver ». Comme à son habitude, le chanteur emmène sur le terrain de la rêverie et, subrepticement, glisse vers l’examen du monde alentour et les humeurs troubles du genre humain. L’auditeur est convié à une plongée vers l’intime, les sentiments souvent contrariés par des vents inverses – Dominique A se fait parolier des émotions intérieures, ici, donc, d’une vie vécue depuis « un désert d’hiver » – pour mieux s’ouvrir sur l’épopée humaine contemporaine, somme toute si familière.
« Comme quand les gens vivaient ici »
Dans ce nouvel album, l’auditeur entre en terrain connu. Le phrasé du chanteur offre une douceur apaisante, telle une fausse piste pour mieux dérouter au morceau suivant. Il faut accepter de lâcher prise, de se laisser porter vers des chansons au ton parfois grave. « Corps de ferme » livre une introspection sombre et inquiétante où ressurgissent des fantômes du passé, « comme quand les gens vivaient ici ». Mais derrière le récit auquel invitent les mots du chanteur, sourde un autre enjeu : celui de la vie. Car la vie est bien là, bouillonnante, prête à surgir à chaque déflagration de guitare ou dans la présence entêtante de la rythmique, moteur du disque. L’auditeur est emporté.
Prenez « La mort d’un oiseau ». A la première écoute, le morceau renvoie au Dominique A minimaliste, électronique. Le dispositif du premier album semble même rejaillir. Mais le morceau introspectif respire, ample. La rythmique travaillée est couplée à une boucle mélodique aérienne. Le chanteur observe les derniers instants d’un oiseau et révèle une palette d’émotions intimes et sonores; interroge jusqu’aux notions de bien et de mal. Au fil du morceau, se révèle un homme, retourné par cette disparition.
Un disque de Dominique A se révèle souvent à la réécoute
Derrière les plages sonores lyriques de ce dernier disque, percent les échos de précédents albums comme l’immense « L’Horizon ». Les morceaux évoquent l’épopée d’un homme de son siècle. Grandiose Dominique A, personne n’ose l’intime comme lui. Les émotions convoquées ouvrent sur des vies urbaines en quête de grands espaces ou à l’inverse, sur une nature en stade hivernale, juste avant de revivre avec l’arrivée du printemps. Des moments rares, souvent somptueux. Pas le genre de disque que l’on ressortira en soirée pour danser, mais l’objet précieux que l’on prendra plaisir à écouter au casque ou dans l’intimité de son salon. Un disque de Dominique A se révèle souvent à la réécoute.
Les morceaux de Dominique A m’évoquent parfois le souvenir d’une toile de Pierre Soulages vue à Beaubourg. Un quadrillage de noir se dévoile devant mes yeux. Mon regard est comme interdit devant tant de noir, mais il se passe quelque chose d’inattendu. Une lumière perce. Plus je regarde la toile, plus cette lumière jaillit des interstices. La vie est là, juste là, dans cette émotion.
Chez Dominique A, pour y parvenir, on a parfois le sentiment d’une lutte. Comme si l’enjeu de toute une vie se jouait dans les 3’30 d’une chanson. Des angoisses ressurgissent, il faut accepter de tout remettre à plat, rebattre les cartes et, se regarder dans l’étreinte de toute une vie.
Dominique A, il y a plusieurs manières d’aborder ses chansons… Sa voix omniprésente invite à une écoute précise de ses textes, poétiques, lyriques, parfois énigmatiques, mais toujours à l’orée d’une métaphore révélatrice d’un sens caché venant soutenir la structure musicale de la chanson. Cette musique, tour à tour intimiste et lyrique, se révèle l’autre entrée dans l’oeuvre du chanteur singulier, comme une invitation à plonger vers la chaleur cotonneuse d’une voix douce et faussement fragile.
La Sirène
Dominique A débute la tournée qui suit la parution de « Toute latitude » à La Sirène à La Rochelle, le 24 mars. Il y sera présent toute la semaine précédente pour répéter ses morceaux pour la scène : une résidence et de travail, à la demande du chanteur.
Dominique A avait déjà eu l’occasion de travailler en résidence à La Sirène il y a plusieurs années. Il avait alors créé plusieurs morceaux depuis parus sur son album « Vers les lueurs ». Une amitié s’était nouée entre l’artiste, son équipe et la salle de concert rochelaise qui lui vaut aujourd’hui de revenir, un peu chez lui.
Entretien vidéo
A l’occasion de ses vingt années de carrière, en 2012, nous avions rencontré le chanteur. Il s’apprêtait à se produire aux francofolies de La Rochelle. Entretien :
Reportage, juillet 2012 aux Francofolies :