22 Nov

Originaire de La Rochelle, le romancier Julien Dufresne-Lamy fait revivre l’univers des drag-queens new-yorkaises

Avec « Jolis, jolis monstres » (Belfond), Julien Dufresne-Lamy plonge au cœur de la culture underground new-yorkaise des drag-queens. Sous sa plume, les reines des bals emmènent le lecteur à la découverte des cabarets et d’une culture oubliée, à l’orée des années 80. Un récit fascinant et enlevé qu’il évoquera samedi 23 novembre sur France 3, dans l’édition Poitou-Charentes à 19h, et dans une rencontre au cinéma Le Dietrich de Poitiers à 21h.

Julien Dufresne-Lamy, photographié par Melania Avanzato.

A Los Angeles, un jeune père de famille, ancien gangster, quitte femme et enfant pour vivre sa fascination pour les drag-queens. Direction New York, où il rencontre James Gilmore, un vieil Afro-Américain, icône oubliée de la scène drag du début des années sida. Le second va prendre le premier sous son aile et l’initier aux codes d’un monde de transgression.

Dans une narration foisonnante, alternent le récit introspectif des deux personnages principaux et, en toile de fond, les voix de celles qui ont écrit la légende des reines de la nuit underground new-yorkaise. Sous la plume de l’auteur, le lecteur assiste à la naissance de la mode du voguing et plonge au cœur de la scène ballroom.

Dans la foule des fêtards, se côtoient anonymes et célébrités : Keith Haring, David Bowie ou Madonna qui, avant de placer un coup de projecteur sur le voguing avec son hit « Vogue », fut, elle aussi, témoin de l’effervescence de cette scène.

« Jolis, jolis monstres », le quatrième roman de Julien Dufresne-Lamy, séduit par sa capacité à faire revivre une époque révolue et une scène artiste aussi bouillonnante qu’à la marge.

Originaire de La Rochelle, Julien Dufresne-Lamy est l’invité samedi de l’édition régional Poitou-Charentes, à 19h. Il participera ensuite à 21h une rencontre publique au cinéma Le Dietrich à Poitiers, à l’issue de la projection du film « Port Authority » de Danielle Lessovitz qui se déroule également dans le milieu du voguing contemporain à New York.

 

Rencontre avec Julien Dufresne-Lamy. 

De quelle manière avez-vous découvert l’univers drag et du voguing à New York ? Comment est-ce entré dans votre vie ?

Comme beaucoup de gens, je crois que c’est en regardant l’émission de DruPaul, Drag Race. Je la regarde depuis plusieurs années, sur Internet et sur Netflix. J’ai toujours bien aimé aller voir les drag-queens à Londres ou New York. En allant voir ces spectacles underground, j’avais l’impression de côtoyer enfin une culture qui n’était pas la mienne, d’être vraiment dans l’idée d’un voyage. J’aimais vraiment ça, voir l’alternatif, le clandestin, la marge… Et puis, le livre, je l’ai finalement laissé dormir pendant plusieurs années et ce n’est qu’il y a deux ans que je me suis dit que cette histoire regroupait toutes mes obsessions d’écriture, et je me suis dit : il faut que je le fasse et c’est comme ça que je me suis lancé.

Vous parliez de l’idée de voyage. Racontez-nous en un peu plus…

J’ai l’impression que quand on voit un homme devenir femme ou autre chose sur scène, j’ai l’impression que c’est un voyage, oui. C’est une autre forme de beauté, c’est une autre forme de l’autre, de l’altérité, de curiosité, d’exotisme, donc oui, ça représente un voyage.

Est-ce juste votre expérience personnelle qui nourrit le roman ou bien avez-vous accumulé une certaine dose de documentation pour faire revivre cette époque ?

C’est une fiction pure dans le sens où les deux narrateurs sont complètement invités, ceux qui prennent la parole. En revanche, toutes les galeries secondaires ont réellement existé. Toutes les histoires secondaires dont je parle dans le livre, sont vraies. Ce n’était pas un parti pris de départ. C’est vraiment lorsque je me suis plongé dans la culture drag et la culture voguing, et au fil des recherches, je rencontrais des histoires tellement rocambolesques et je me disais qu’il serait dommage de ne pas les retranscrire fidèlement. Au fur et à mesure des pages et des mois d’écriture, le livre devenait un peu politique et devenait un vrai hommage à la pré-histoire des drag-queens. Et quel plus bel hommage que de retranscrire fidèlement leurs histoires ? Finalement, c’est ainsi que toutes les galeries secondaires se sont imposées ainsi que le livret de photos à la fin du livre.

Ce livret, effectivement, assoie une histoire qui s’est déroulée…

C’est la première fois en littérature française qu’un livre se consacre à la culture drag. C’est étonnant. Il y a ce phénomène en ce moment qui est là, qui permet de déplacer les lignes. Mais les hommes déguisés en femmes, ça existe depuis toujours en fait. On refuse toujours de leur donner cette tribune et cette parole; c’est un peu triste. On vit dans une société très masculiniste et un homme déguisé en femme, ça ne plait pas beaucoup.

Dans votre roman, le personnage qui sort de prison et des gangs à Los Angeles, se cherche une mère pour l’initier à la culture drag. Est-ce que vous aussi vous avez eu une telle rencontre à un moment donné de votre parcours, pour ce roman, de quelqu’un qui vous a initié ?

C’est la première fois que l’on me pose cette question ! Non. Je n’ai pas eu de mère mentor ou symbolique. Pour ce livre, ça a été un sujet pas comme les autres et c’est un livre que je continuerai à défendre plus que les autres car j’ai l’impression qu’il me dépasse, moi, qu’il dépasse le cadre de l’écriture, le cadre de l’écrivain. Comme ce sont aussi de vraies histoires, des personnages qui ont tellement vécu l’oppression, le rejet, c’est important de le défendre, presque politiquement. J’ai fait ça seul, le travail de l’écrivain est quand même très ancré dans la solitude. J’ai rencontré évidemment à Paris quelques drag-queens et que la plupart de mes recherches se sont faites sur Internet. Il y a très peu voire aucune source littéraire, universitaire ou académique sur la culture drag, donc j’ai tissé une toile de façon très débrouille… D’un monde de clubs, de drag-queens, d’années 80, de noms d’artistes, j’ai réussi à créer une ambiance, un décor. Mais ça s’est fait très seul!

Cette part documentaire du livre donne une force colossale au récit, au-delà du parcours humain…

Ca fait un peu autorité, oui, un peu comme lorsque dans un générique de film, il est écrit que c’est inspiré d’une histoire vraie. J’avais envie avec cette large documentation de montrer un New York hyper tourbillonnant, j’avais envie qu’on s’imagine dans ces soirées-là, côtoyer les artistes de l’époque, les Keith Haring, David Bowie, mais aussi des gens que l’on ne connait pas forcément. C’était un New York où tout le monde se cotoyait et qui n’avait pas d’égard pour le statut social. Il y avait l’envie très libertaire, insouciante, de se réunir et de former une communauté. Ca s’est depuis gentrifié, embourgeoisé.

Propos recueillis par Clément Massé.

La couverture de « Jolis, jolis monstres » de Julien Dufresne-Lamy (Belfond)

Retrouvez Julien Dufresne-Lamy dans le journal de France 3, édition Poitou-Charentes, à 19h, samedi 23 novembre, puis à 21h au cinéma Le Dietrich à Poitiers à la séance du film « Port Authority » de Danielle Lessovitz.

Mise à jour, 27 novembre 2019

Retrouvez l’entretien de Julien Dufresne-Lamy, samedi 23 novembre, sur France 3, dans l’édition de 19h du journal régional Poitou-Charentes

07 Avr

La Rochelle : un tour des côtes méditerranéennes à vélo solaire pour parler d’une maladie rare

Luc Giros aime se lancer des défis. Après la mini-transat en 2017, il s’apprête à parcourir 17.000 km à vélo le long des côtes méditerranéennes européennes pour un périple de 4 mois sans impact carbone, destiné à faire parler d’une maladie orpheline, l’exstrophie vésicale, dont il est lui-même atteint.

Luc Giros présente son vélo solaire à Poitiers, mardi 2 avril.

Depuis quelques semaines, Luc Giros n’a plus qu’une obsession : optimiser son vélo « pour qu’il soit le plus léger possible ». Dans un mois, il longera les côtes de la Méditerranée pour un voyage de 17.000 km. A bord d’un vélo équipé de panneaux solaires alimentant un petit moteur d’appoint, Luc veut faire parler de la maladie orpheline dont il est atteint depuis la naissance, l’exstrophie vésicale, et s’est donné pour objectif d’utiliser un transport non polluant.

« J’ai prévu de faire 140 km par jour, soit environ 6h de vélo. Je pars de La Rochelle, pour longer les côtes : l’Espagne, le Portugal, à nouveau la France, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, le Monténégro, l’Albanie, la Grèce et la Turquie. Je rentre ensuite par les terres en faisant des haltes le long des grands lacs d’Europe, comme le lac de Balatonvilágos en Hongrie ou celui de Podersdorf am See en Autriche. »

En position allongée pour plus de confort, Luc emmène avec lui une tente, un duvet, un réchaud, un peu d’outillage, quelques affaires personnelles et, son kite surf, sa nouvelle passion. L’ensemble pèse autour des 25 kg. Déjà un peu trop lourd… Il faut réduire au maximum le poids de son « trois-roues » racheté à Michaël Joguet, l’un des concurrents de The Sun Trip, qui, l’an dernier a relié Lyon à Canton (Chine) avec ce même engin.

Repousser ses limites

Ce périple est le second que se lance Luc Giros.

Il y a deux ans, il participait à la mini-transat, au profit de l’hôpital pour les enfants du CHU de Poitiers.

« C’est une expérience qui a transformé ma vie« , raconte Luc Giros. « Je me suis découvert dans ce projet. En tant qu’amateur, la préparation a été dure. J’ai dû aller au delà de ce que je pensais faire de ma vie. »

S’il concède être déçu de son classement, sa traversée de l’Atlantique en solitaire demeure un « aboutissement ».

L’expérience, un « challenge », lui a appris à « aller au-delà de ses limites » et lui a permis « d’apprendre à (se) connaître ».

« Tout seul sur l’eau, vous avez le temps de penser », confie-t-il dans un sourire.

Mais, « après la mini-transat, ça a été difficile pour moi de revenir au travail. Je me suis mis au Kite Surf. J’ai tout de suite accroché à ce sport et j’ai imaginé voyager, pour faire du kite. J’imaginais un long voyage mais comment ? Je suis arrivé à la solution du vélo. »

Exstrophie vésicale

L’idée lui tenait aussi à cœur de parler de l’exstrophie vésicale dont il est atteint depuis la naissance. Cette maladie orpheline est « une malformation génito-urinaire congénitale« , selon le site médical orpha.net.

Luc raconte avoir subi plusieurs interventions chirurgicales pendant son enfance et son adolescence pour reconstruire sa vessie et son système urinaire.

« Il y a eu des moments compliqués. J’ai eu des opérations de la naissance jusqu’à l’âge de 16 ans où j’ai été continent », confie-t-il. « Il faut apprendre à vivre avec. »

Son prochain périple doit lui permettre d’aller à la rencontre d’autres personnes en Europe touchées par l’exstrophie vésicale.

« J’ai contacté des associations dans d’autres pays. Des gens se sont déjà proposés de me rencontrer, de m’accueillir chez eux lors de mon passage. »

Luc est en train de boucler son budget.

Il prévoit de partir le 5 mai prochain de La Rochelle pour un périple prévu pour durer quatre mois.

07 Mar

Musique : Dominique A, un nouvel album, une tournée et une résidence à La Rochelle

Dominique A s’installe à La Sirène, à La Rochelle, à partir du 19 mars. La salle l’accueille pour une semaine de résidence au cours de laquelle le chanteur va répéter sa tournée qui débute le 24 mars. La série de concerts à venir devrait laisser une place large aux morceaux du dernier album « Toute latitude » (cinq7, 9 mars).

Comme une urgence, dans la voix et la rythmique soutenue des morceaux. « A la lumière des réverbères, le bleu nuit du lac entamé, j’observe les grains de poussière phosphorescent sur le sentier », chante Dominique A dans « Désert d’hiver ». Comme à son habitude, le chanteur emmène sur le terrain de la rêverie et, subrepticement, glisse vers l’examen du monde alentour et les humeurs troubles du genre humain. L’auditeur est convié à une plongée vers l’intime, les sentiments souvent contrariés par des vents inverses – Dominique A se fait parolier des émotions intérieures, ici, donc, d’une vie vécue depuis « un désert d’hiver » – pour mieux s’ouvrir sur l’épopée humaine contemporaine, somme toute si familière.

« Comme quand les gens vivaient ici »

Dans ce nouvel album, l’auditeur entre en terrain connu. Le phrasé du chanteur offre une douceur apaisante, telle une fausse piste pour mieux dérouter au morceau suivant. Il faut accepter de lâcher prise, de se laisser porter vers des chansons au ton parfois grave. « Corps de ferme » livre une introspection sombre et inquiétante où ressurgissent des fantômes du passé, « comme quand les gens vivaient ici ». Mais derrière le récit auquel invitent les mots du chanteur, sourde un autre enjeu : celui de la vie. Car la vie est bien là, bouillonnante, prête à surgir à chaque déflagration de guitare ou dans la présence entêtante de la rythmique, moteur du disque. L’auditeur est emporté.

Prenez « La mort d’un oiseau ». A la première écoute, le morceau renvoie au Dominique A minimaliste, électronique. Le dispositif du premier album semble même rejaillir. Mais le morceau introspectif respire, ample. La rythmique travaillée est couplée à une boucle mélodique aérienne. Le chanteur observe les derniers instants d’un oiseau et révèle une palette d’émotions intimes et sonores; interroge jusqu’aux notions de bien et de mal. Au fil du morceau, se révèle un homme, retourné par cette disparition.

Un disque de Dominique A se révèle souvent à la réécoute

Derrière les plages sonores lyriques de ce dernier disque, percent les échos de précédents albums comme l’immense « L’Horizon ». Les morceaux évoquent l’épopée d’un homme de son siècle. Grandiose Dominique A, personne n’ose l’intime comme lui. Les émotions convoquées ouvrent sur des vies urbaines en quête de grands espaces ou à l’inverse, sur une nature en stade hivernale, juste avant de revivre avec l’arrivée du printemps. Des moments rares, souvent somptueux. Pas le genre de disque que l’on ressortira en soirée pour danser, mais l’objet précieux que l’on prendra plaisir à écouter au casque ou dans l’intimité de son salon. Un disque de Dominique A se révèle souvent à la réécoute.

Les morceaux de Dominique A m’évoquent parfois le souvenir d’une toile de Pierre Soulages vue à Beaubourg. Un quadrillage de noir se dévoile devant mes yeux. Mon regard est comme interdit devant tant de noir, mais il se passe quelque chose d’inattendu. Une lumière perce. Plus je regarde la toile, plus cette lumière jaillit des interstices. La vie est là, juste là, dans cette émotion.

Chez Dominique A, pour y parvenir, on a parfois le sentiment d’une lutte. Comme si l’enjeu de toute une vie se jouait dans les 3’30 d’une chanson. Des angoisses ressurgissent, il faut accepter de tout remettre à plat, rebattre les cartes et, se regarder dans l’étreinte de toute une vie.

Dominique A, il y a plusieurs manières d’aborder ses chansons… Sa voix omniprésente invite à une écoute précise de ses textes, poétiques, lyriques, parfois énigmatiques, mais toujours à l’orée d’une métaphore révélatrice d’un sens caché venant soutenir la structure musicale de la chanson. Cette musique, tour à tour intimiste et lyrique, se révèle l’autre entrée dans l’oeuvre du chanteur singulier, comme une invitation à plonger vers la chaleur cotonneuse d’une voix douce et faussement fragile.

La Sirène

Dominique A débute la tournée qui suit la parution de « Toute latitude » à La Sirène à La Rochelle, le 24 mars. Il y sera présent toute la semaine précédente pour répéter ses morceaux pour la scène : une résidence et de travail, à la demande du chanteur.

Dominique A avait déjà eu l’occasion de travailler en résidence à La Sirène il y a plusieurs années. Il avait alors créé plusieurs morceaux depuis parus sur son album « Vers les lueurs ». Une amitié s’était nouée entre l’artiste, son équipe et la salle de concert rochelaise qui lui vaut aujourd’hui de revenir, un peu chez lui.

Entretien vidéo

A l’occasion de ses vingt années de carrière, en 2012, nous avions rencontré le chanteur. Il s’apprêtait à se produire aux francofolies de La Rochelle. Entretien :

Reportage, juillet 2012 aux Francofolies :