18 Août

Rentrée littéraire 2020 : les tremblements de terre intimes du jeune Charlie

Le Rochelais Julien Dufresne-Lamy livre dans son nouveau roman, « Mon père, ma mère, mes tremblements de terre » (Belfond), le récit d’une métamorphose intime et familiale. Il est l’invité du journal de France 3 Poitou-Charentes, samedi 12 septembre à 19h.

Le nouveau roman de Julien Dufresne-Lamy, en librairie le 20 août 2020.

Julien Dufresne-Lamy aime les références aux œuvres de la culture populaire. Dans son précédent roman, l’auteur originaire de La Rochelle, s’appropriait la culture drag new-yorkaise, le voguing, et ses personnages iconiques tels que Ru Paul et son show télévisé. Son nouveau livre, « Mon père, ma mère, mes tremblements de terre » (Belfond), à paraître le 20 août, se nourrit toujours autant de références à la culture pop. « Zombies », la chanson des Cranberries, se fait l’écho de personnages vivant à l’ombre d’eux-mêmes, dans la peur d’une guerre intérieure, tel le père du narrateur, et l’allusion à la formidable série télévisée américaine « Transparent » qui ouvre le roman l’inscrit dans un récit contemporain. Dans la série, un père de famille, universitaire sur le point de prendre sa retraite, annonce à ses enfants sa transsexualité : « Je veux être heureuse. Être heureuse encore deux petites heures » annonce l’épigraphe… « deux petites heures », avant les premières secousses sismiques prêtes à frapper la cellule familiale.

Dans cette nouvelle fiction, le Rochelais s’intéresse lui aussi à la transition d’un père de famille. Comme dans la série, il choisit un procédé où chaque personnage est amené à révéler ses séismes intimes. Si la cellule familiale est tout aussi dysfonctionnelle (et néanmoins aimante) que dans la série, l’auteur retient un autre point de vue, celui du fils, Charlie. Le jour de la vaginoplastie de son père, l’adolescent attend dans la salle d’attente avec sa mère et voit défiler ses souvenirs des deux années passées. Le lecteur se retrouve plonger avec lui dans son journal de bord tenu de l’annonce du père qu’il est en réalité femme – la déflagration, le premier tremblement de terre -, au jour de son opération de réassignation sexuelle, – sa naissance, en tant qu’Alice -.

La vaginoplastie n’est ni une mutilation ni un accident. C’est un voyage dans l’espace – Charlie, le narrateur du roman

Une métamorphose

Le roman adopte le ton oral et vif de l’adolescent et dit en toute simplicité ses bouleversements. D’une parole nombriliste, elle se mue progressivement en une parole plus mature. L’expérience de l’altérité bouleverse alors l’ordre de ce roman bouillonnant et donne toute sa force au récit de Charlie. « Ma mère était aussi secrète, aussi dissimulatrice que mon père », lance-t-il en guise de sentence à mi-chemin du roman. « Elle et lui, finalement, c’était un même combat. Un même magma. » L’adolescent prenant conscience du cheminement de chacun de ses parents, de leur individualité, de leur indéfectible amour et de leur place respective dans sa vie, rallie le camp de son père et se retrouve à veiller sur sa mère, soudainement secouée par ses propres séismes.

Comme le lecteur, le jeune narrateur commence à entrevoir ce qui se joue réellement sous ses yeux : « la vaginoplastie n’est ni une mutilation ni un accident. C’est un voyage dans l’espace », lance le jeune Charlie avec toute la candeur de son adolescence.

Si le sujet de la réassignation sexuelle a fait l’objet de nombreux articles de presse ou de témoignages dans des émissions de télévision, le récit romanesque de Julien Dufresne-Lamy lève un voile sur une métamorphose qui se révèle un pan souvent invisible de l’expérience humaine contemporaine, intime et audacieuse.

L’auteur est l’invité du journal régional Poitou-Charentes de France 3, samedi 12 septembre à 19h.

Rencontres en 2019 avec l’auteur (Blog) et dans le journal régional de France 3 Poitou-Charentes, à l’occasion de la parution de son précédents romans « Jolis, jolis monstres » (Belfond), Grand Prix des blogueurs 2019:

22 Nov

Originaire de La Rochelle, le romancier Julien Dufresne-Lamy fait revivre l’univers des drag-queens new-yorkaises

Avec « Jolis, jolis monstres » (Belfond), Julien Dufresne-Lamy plonge au cœur de la culture underground new-yorkaise des drag-queens. Sous sa plume, les reines des bals emmènent le lecteur à la découverte des cabarets et d’une culture oubliée, à l’orée des années 80. Un récit fascinant et enlevé qu’il évoquera samedi 23 novembre sur France 3, dans l’édition Poitou-Charentes à 19h, et dans une rencontre au cinéma Le Dietrich de Poitiers à 21h.

Julien Dufresne-Lamy, photographié par Melania Avanzato.

A Los Angeles, un jeune père de famille, ancien gangster, quitte femme et enfant pour vivre sa fascination pour les drag-queens. Direction New York, où il rencontre James Gilmore, un vieil Afro-Américain, icône oubliée de la scène drag du début des années sida. Le second va prendre le premier sous son aile et l’initier aux codes d’un monde de transgression.

Dans une narration foisonnante, alternent le récit introspectif des deux personnages principaux et, en toile de fond, les voix de celles qui ont écrit la légende des reines de la nuit underground new-yorkaise. Sous la plume de l’auteur, le lecteur assiste à la naissance de la mode du voguing et plonge au cœur de la scène ballroom.

Dans la foule des fêtards, se côtoient anonymes et célébrités : Keith Haring, David Bowie ou Madonna qui, avant de placer un coup de projecteur sur le voguing avec son hit « Vogue », fut, elle aussi, témoin de l’effervescence de cette scène.

« Jolis, jolis monstres », le quatrième roman de Julien Dufresne-Lamy, séduit par sa capacité à faire revivre une époque révolue et une scène artiste aussi bouillonnante qu’à la marge.

Originaire de La Rochelle, Julien Dufresne-Lamy est l’invité samedi de l’édition régional Poitou-Charentes, à 19h. Il participera ensuite à 21h une rencontre publique au cinéma Le Dietrich à Poitiers, à l’issue de la projection du film « Port Authority » de Danielle Lessovitz qui se déroule également dans le milieu du voguing contemporain à New York.

 

Rencontre avec Julien Dufresne-Lamy. 

De quelle manière avez-vous découvert l’univers drag et du voguing à New York ? Comment est-ce entré dans votre vie ?

Comme beaucoup de gens, je crois que c’est en regardant l’émission de DruPaul, Drag Race. Je la regarde depuis plusieurs années, sur Internet et sur Netflix. J’ai toujours bien aimé aller voir les drag-queens à Londres ou New York. En allant voir ces spectacles underground, j’avais l’impression de côtoyer enfin une culture qui n’était pas la mienne, d’être vraiment dans l’idée d’un voyage. J’aimais vraiment ça, voir l’alternatif, le clandestin, la marge… Et puis, le livre, je l’ai finalement laissé dormir pendant plusieurs années et ce n’est qu’il y a deux ans que je me suis dit que cette histoire regroupait toutes mes obsessions d’écriture, et je me suis dit : il faut que je le fasse et c’est comme ça que je me suis lancé.

Vous parliez de l’idée de voyage. Racontez-nous en un peu plus…

J’ai l’impression que quand on voit un homme devenir femme ou autre chose sur scène, j’ai l’impression que c’est un voyage, oui. C’est une autre forme de beauté, c’est une autre forme de l’autre, de l’altérité, de curiosité, d’exotisme, donc oui, ça représente un voyage.

Est-ce juste votre expérience personnelle qui nourrit le roman ou bien avez-vous accumulé une certaine dose de documentation pour faire revivre cette époque ?

C’est une fiction pure dans le sens où les deux narrateurs sont complètement invités, ceux qui prennent la parole. En revanche, toutes les galeries secondaires ont réellement existé. Toutes les histoires secondaires dont je parle dans le livre, sont vraies. Ce n’était pas un parti pris de départ. C’est vraiment lorsque je me suis plongé dans la culture drag et la culture voguing, et au fil des recherches, je rencontrais des histoires tellement rocambolesques et je me disais qu’il serait dommage de ne pas les retranscrire fidèlement. Au fur et à mesure des pages et des mois d’écriture, le livre devenait un peu politique et devenait un vrai hommage à la pré-histoire des drag-queens. Et quel plus bel hommage que de retranscrire fidèlement leurs histoires ? Finalement, c’est ainsi que toutes les galeries secondaires se sont imposées ainsi que le livret de photos à la fin du livre.

Ce livret, effectivement, assoie une histoire qui s’est déroulée…

C’est la première fois en littérature française qu’un livre se consacre à la culture drag. C’est étonnant. Il y a ce phénomène en ce moment qui est là, qui permet de déplacer les lignes. Mais les hommes déguisés en femmes, ça existe depuis toujours en fait. On refuse toujours de leur donner cette tribune et cette parole; c’est un peu triste. On vit dans une société très masculiniste et un homme déguisé en femme, ça ne plait pas beaucoup.

Dans votre roman, le personnage qui sort de prison et des gangs à Los Angeles, se cherche une mère pour l’initier à la culture drag. Est-ce que vous aussi vous avez eu une telle rencontre à un moment donné de votre parcours, pour ce roman, de quelqu’un qui vous a initié ?

C’est la première fois que l’on me pose cette question ! Non. Je n’ai pas eu de mère mentor ou symbolique. Pour ce livre, ça a été un sujet pas comme les autres et c’est un livre que je continuerai à défendre plus que les autres car j’ai l’impression qu’il me dépasse, moi, qu’il dépasse le cadre de l’écriture, le cadre de l’écrivain. Comme ce sont aussi de vraies histoires, des personnages qui ont tellement vécu l’oppression, le rejet, c’est important de le défendre, presque politiquement. J’ai fait ça seul, le travail de l’écrivain est quand même très ancré dans la solitude. J’ai rencontré évidemment à Paris quelques drag-queens et que la plupart de mes recherches se sont faites sur Internet. Il y a très peu voire aucune source littéraire, universitaire ou académique sur la culture drag, donc j’ai tissé une toile de façon très débrouille… D’un monde de clubs, de drag-queens, d’années 80, de noms d’artistes, j’ai réussi à créer une ambiance, un décor. Mais ça s’est fait très seul!

Cette part documentaire du livre donne une force colossale au récit, au-delà du parcours humain…

Ca fait un peu autorité, oui, un peu comme lorsque dans un générique de film, il est écrit que c’est inspiré d’une histoire vraie. J’avais envie avec cette large documentation de montrer un New York hyper tourbillonnant, j’avais envie qu’on s’imagine dans ces soirées-là, côtoyer les artistes de l’époque, les Keith Haring, David Bowie, mais aussi des gens que l’on ne connait pas forcément. C’était un New York où tout le monde se cotoyait et qui n’avait pas d’égard pour le statut social. Il y avait l’envie très libertaire, insouciante, de se réunir et de former une communauté. Ca s’est depuis gentrifié, embourgeoisé.

Propos recueillis par Clément Massé.

La couverture de « Jolis, jolis monstres » de Julien Dufresne-Lamy (Belfond)

Retrouvez Julien Dufresne-Lamy dans le journal de France 3, édition Poitou-Charentes, à 19h, samedi 23 novembre, puis à 21h au cinéma Le Dietrich à Poitiers à la séance du film « Port Authority » de Danielle Lessovitz.

Mise à jour, 27 novembre 2019

Retrouvez l’entretien de Julien Dufresne-Lamy, samedi 23 novembre, sur France 3, dans l’édition de 19h du journal régional Poitou-Charentes