Le 4 novembre 2017, Violette se produisait sur la scène de L’Envers du bocal à Poitiers.
Depuis notre table à L’Envers du bocal, le brouhaha de la salle pose un voile intempestif sur la voix de Violette. Avec Dominique et Javier, nous sommes installés à l’extrémité opposée, à l’une des tables en bois recyclé; d’anciens volets découpés qui portent encore leur ferrage. Devant nous, des groupes se sont formés et discutent debout un verre à la main. D’autres dînent d’une soupe et d’une salade création maison. Le long de la baie vitrée, on observe les passants entrer. Un filet d’air frais s’immisce. Le vibrato de Violette survole les discussions d’un samedi soir entre amis dans ce haut lieu culturel et alternatif du centre-ville de Poitiers.
Capter l’attention du public
Nous sommes venus sur les conseils de Dominique. Son amie Clémence, alias Violette, chante. Elle voulait qu’on la connaisse. Violette interprète de nouvelles chansons. Dans la caisse de sa guitare, elle présente son dernier EP, « Breath » (septembre 2017), le premier qu’elle publie sur support CD (disponible au Monde du Disque et à l’Espace culturel Leclerc Poitiers et en téléchargement sur Bandcamp). Le précédent, « Brainstorm » (novembre 2015), avait paru en ligne sur le site Soundcloud et comptabilise à ce jour plus d’un millier d’écoutes pour le titre phare, « My travel with you » et plusieurs centaines pour les suivants.
Chanter dans un bar, ça apprend à se dépasser, à attirer l’attention, à capter les gens (Violette)
Elle aime Bob Dylan et Cat Power
Sur sa petite scène, Violette a ajouté une petite guirlande de lumières blanches qui tombe de son ampli. Quand elle se présente, elle semble s’exprimer du bout des lèvres, presque timide. Pourtant, dès qu’elle chante, sa voix douce perce aisément au dessus des discussions et impose une présence au creux de l’oreille. Violette sait que « les gens ne sont pas forcément venus l’écouter ». « Ca apprend à se dépasser, à attirer l’attention, à capter les gens », confie-t-elle.
Violette s’est trouvée une proximité avec les univers musicaux des grands folkeux américains. Elle a choisi de s’exprimer dans leur langue, mais elle ne s’inscrit pas pour autant dans la tradition folk anglo-américaine. Certaines inflections de sa voix rappellent le lyrisme de celle de l’Américaine Judy Collins. Elle aime Bob Dylan, dit avoir beaucoup écouté Sheryl Crow et Cat Power et chante ses propres textes.
Après le premier set à Northampton, je me suis dit, les gens savent tout. Ils ont tout compris (Violette)
En anglais
On s’interroge sur le choix de la langue anglaise. Une manière de « se protéger », avoue-t-elle. De ne pas complètement « se dévoiler ».
Sur son dernier EP, « The Rose » évoque par exemple la maternité. « The little song », qui ferme le disque, retrace une amitié – amoureuse, semble-t-il -, dont, des années plus tard, il est temps de tourner la page. Les paroles sont simples, imagées et touchent juste.
Lorsqu’on la retrouve chez elle quelques semaines plus tard, elle en sourit et admet que lorsqu’elle s’est produite sur des scènes étrangères, en Grande-Bretagne par exemple, elle « a pris conscience que les gens pouvaient comprendre (ses) textes ». « Je me suis retrouvée complètement ‘nue' », avoue-t-elle, encore surprise. « Après le premier set, je me suis dit, les gens savent tout. Ils ont tout compris. »
Confortablement installée sur le canapé du salon de son appartement qui surplombe l’entrée du parc de Blossac, elle poursuit. « Ce n’est pas naturel pour moi de chanter en français. Le Français me fait peur, vraiment. (…) Beaucoup de gens écrivent de très beaux textes en français, je trouve dur de passer derrière eux. Je ne me sens pas encore à la hauteur. » Puis elle ajoute : « Peut-être que ça changera. » Elle note que Radio Elvis chante en français, alors, « pourquoi ne pas essayer… » Mais elle se reprend : « Quand la mélodie arrive, ce ne sont pas des mots français qui me viennent. »
Les Anglais étaient émus. Certains m’ont dit qu’ils étaient touchés par mes chansons (Violette)
L’expérience européenne
Violette a beaucoup tourné sur les scènes pictaves; et au-delà. Un tremplin Face B lui a permis, à Poitiers, de participer aux Expressifs en 2016. Présents cette année-là, des organisateurs du MaNo Musikfestival de Marbourg (ville jumelée à Poitiers) l’invitent à leur tour à se produire chez eux, en mars 2017. Là, à nouveau, d’autres organisateurs, cette fois du Twinfest de Northampton (autre ville jumelée à Poitiers – le festival est celui des trois villes, Poitiers, Marbourg et Northampton), lui offrent sa première scène anglaise.
L’expérience européenne demeure l’une des plus importantes de sa jeune carrière. « J’ai testé mes chansons auprès d’un public d’une autre culture musicale. On reçoit d’autres critiques », confie-t-elle. Le regard sur son travail change. Les retours qu’elle recevaient jusqu’à présent étaient ceux de ses proches. Au départ, « le premier miroir réellement, ce sont les amis et la famille. Certains ne soupçonnaient pas que je chantais… » Là, c’était un public étranger qui la découvrait comme n’importe quelle autre artiste. « Les gens étaient émus. Certains m’ont dit qu’ils étaient touchés par mes chansons. C’était vraiment le plus beau compliment que l’on puisse me faire. »
Je compose le soir, le moment où c’est plus calme, quand la journée est passée et que l’on se retrouve avec soi-même (Violette)
Dans son salon, ses deux guitares et un ukulélé trônent, face au canapé. Un lapin noir, prénommé Bobby, pointe ponctuellement le bout de son nez, renifle furtivement l’invité et retourne se cacher entre un coussin et sa maîtresse. « En ce moment, la musique occupe un gros tiers de mon temps, » explique-t-elle. « Je compose par périodes. C’est le sentiment du moment qui agit. » Pour elle, c’est le plus souvent le soir, à la maison, « au moment où c’est plus calme, où la journée est passée, où l’on se retrouve avec soi-même. » Dans la journée, elle se repose sur cet outil moderne, le téléphone portable. « Il me sert à enregistrer mes idées quand elles me viennent. »
Lorsque l’on s’est rencontrés en janvier, Violette parlait de six morceaux en chantier. Certains deviendront des chansons, d’autres peut-être pas. Ils viendront s’ajouter aux sets de ses prochains concerts dont elle espère dévoiler la liste prochainement.
ALLER PLUS LOIN
Pour écouter Violette:
« Brainstorm » (novembre 2015)
« Breath » (septembre 2017)