Il sont un peu plus de 6000 en temps normal. Mais quand les expats français ont entendu le consul les avertir plus d’une semaine avant (!) des risques de coup d’état, les entreprises françaises ont commencé à rapatrier ou à relocaliser leurs salariés dans les pays voisins. Pour ceux qui sont restés, le plus difficile, jusqu’à hier soir, aura été de prendre leur mal en patience, bloqués chez eux, comme en témoigne le blog underground gastronome et ses rubriques « détachées »: « Que lire pendant un coup d’état ?: « Ce coup d’Etat au Mali n’en finit pas. Les putschistes n’ont pas l’air de bien savoir quoi faire de cet Etat qu’ils viennent de conquérir, la rumeur annonce une contre-offensive loyaliste qui ne vient pas, il fait un temps de sieste – 40 degrés, des ambassadeurs se font piquer leur auto diplomatique devant l’ambassade de France, l’absurde est roi.. Le moment est donc favorable pour se plonger dans la lecture de Festins Orphiques » .
Fin du couvre feu
Mais la situation a évolué. « le couvre feu a été levé hier soir (mardi), les frontières sont réouvertes, on a à nouveau le droit de sortir de chez nous… »
L’occasion de se faire une idée par soi même des premiers effets des événements. Alors que rien n’est définitivement réglé, il est déjà clair que le retour à la normale risque de prendre un peu de temps. Témoignage reçu ce midi, d’un expat qui préfère garder l’anonymat.
« La coopération pour laquelle je travaille est suspendue et l’ambassade m’a demandé de rester chez moi jusqu’à nouvel ordre. La cité administrative, lieu où tous les ministères sont concentrés, a été saccagée. Mon ministère a aussi été saccagé. Tous les ordinateurs ont été volés, ça ne va pas favoriser la reprise du travail. Mon bureau qui n’est pas situé dans la cité administrative a été épargné. J’ai parlé avec quelques uns de mes collègues. Ils sont très prudents dans leurs propos. Il me semble que comme la situation n’est pas stabilisée, ils ont peu de visibilité sur leur avenir personnel et ne prennent pas de position qui pourrait leur nuire. Ils sont fatalistes ? confiants ? Je ne saurais dire ce que signifie. ‘Tout va s’arranger’ Inch Allah' »
« la famine va leur péter à la figure »
La ville bruisse de rumeurs sur les négociations en cours mais au final on ne sait pas bien encore ce qui se dessine. Ce qui me frappe, c’est que personne n’évoque la famine.. On parle de la guerre dans le nord mais pas du tout de la famine… C’est comme avant le coup d’état, le maître mot était ‘y’a pas de problème’. Alors que tout autant que le nord, la famine va leur péter à la figure.
La récolte a été très mauvaise et plusieurs régions, en dehors des zones de combat du nord, ont des problèmes. Mon chauffeur qui est bozo, de l’ethnie des pêcheurs, est parti dans son village il y a 8 jours, vers Mopti. Il n’y avait plus rien à manger là bas, il était très inquiet. Les journaux maliens commencent à reparaître sur le web. Le maliweb notamment. Il est étonnant de lire des articles aussi critiques sur le nouveau pouvoir alors que la situation n’est pas encore stabilisée. »
« A bas la France »
Ce matin des milliers de manifestants ont occupé la rue à Bamako en soutien à la junte. Sur certaines pancartes, on pouvait lire « A bas la France ». Nouveau témoignage :
« Cela fait quelque temps déjà qu’il y a un sentiment anti-français qui monte au Mali de la part d’une partie de la classe politique et de la population. La France est notamment accusée d’accueillir des éléments du MNLA et d’être trop bienveillante à leur égard.. On soupçonne aussi la sarkozie d’être prête à tout pour faire libérer les otages avant la présidentielle. L’ambassadeur de France avait même fait une mise au point en démentant tout en bloc, dans les journaux maliens en février. Enfin, une partie de la rébellion touareg est une conséquence directe de la guerre contre Kadhafi, où la France était en pointe. La suspension de l’aide internationale va vraisemblablement renforcer ce sentiment dans les semaines à venir (le budget de l’état malien dépend pour partie de l’aide internationale et les fins de mois vont être encore plus difficiles à boucler pour lui, dorénavant, (d’autant que la guerre coûte cher) et l’élargir à d’autres nationalités.. l’Amérique pourrait être en bonne place de détestation.. On se sentira moins seul comme ça ! »
Ce soir au Blabla
Pas question pour autant de se laisser aller à la sinistrose ou à la crainte. La levée du couvre feu permet une reprise de la vie sociale, le comptoir du Blabla, haut lieu de la vie nocturne bamakoise devrait dès ce soir faire le plein et accueillir ses fidèles, Maliens et étrangers qui ont l’habitude de s’y rencontrer :
« je vais résolument au Blabla ce soir car cela fait une semaine que je ne suis pas sorti de chez moi et qu’il faut bien vivre quand même ! De plus, cela permet de savoir ce qui se passe en ville. Il y a toujours des journalistes et des gens au fait de l’actualité au Blabla. »