08 Avr

Entretien avec Pierre Meynadier

Pierre Meynadier, auteur et réalisateur du film Marius Gandolfi, le gabian a bien voulu se prêter au jeu des questions-réponses auquel nous l’avons soumis, notre curiosité s’étant trouvée piquée lors de la projection de son film à la bibliothèque de l’Alcazar à Marseille le mois dernier (mars 2013).

Quelques points de repère dans la vie de Pierre Meynadier

Né en 1960, il a réalisé plus d’une centaine de documentaires à travers le monde depuis une vingtaine d’années. Actuellement, il est l’un des réalisateurs français les plus diffusés en France et dans le monde. Son œuvre documentaire repose sur l’étude de la relation qui existe entre les peuples et leur environnement.

Nostalgique du passé, convaincu des qualités et du génie de l’homme, il offre un discours très optimiste, en affirmant que les hommes d’aujourd’hui parviendront à résoudre les problèmes causés par ceux d’hier.

Il prépare aujourd’hui son premier long-métrage de fiction, avec la volonté de mettre au service du cinéma cette vision si particulière du film documentaire.

L’ entretien

– Parler des goélands en personnalisant leur histoire à travers 2 personnages, le vieux Marius et Joey, n’ est pas chose commune et traduit votre » intimité »avec le sujet. Mais pouvez-vous nous dire d’où vous vient cet intérêt pour les gabians?

Comme tous les Marseillais, je cotoie les gabians au quotidien, et je me suis un jour rendu compte que je ne savais pas grand-chose à leur sujet. Je me souviens qu’enfant, sur la plage des Catalans, il m’arrivait de les observer, mais j’ai le sentiment qu’ils étaient bien moins nombreux qu’aujourd’hui. Ce souvenir d’une rencontre rare et cette carence de connaissance à leur sujet sont à l’origine du documentaire. Il faut ajouter à ça le souvenir ému du film Jonathan Livingstone le goéland, qui est un repère pour les gens de ma génération, puisqu’il nous a transportés dans un monde où seule la liberté comptait. Jonhatan dialoguait avec un vieux goéland d’une grande sagesse, celui-là même qui m’a inspiré Marius Gandolfi, qui est un nom typiquement marseillais! Le véritable héros de l’histoire est plutôt Joey, mais Marius ne collait pas selon moi avec la jeunesse de Joey. Marius Gandolfi le gabian est donc la traduction marseillaise de Jonathan le goéland!

– Les goélands sont-ils faciles à approcher lorsqu’on veut filmer leur mode d’existence? quelles ont été vos options techniques de tournage ?

Il s’agit d’un film animalier, et ceux qui ont pratiqué cette discipline savent quelle patience elle réclame. Le documentaire a été tourné sur une année et deux saisons de ponte. Les techniques sont celles que l’on emploie habituellement : des caches, beaucoup de patience, un silence et une immobilité absolus, tout ceci permettant aux oiseaux de finir par tolérer notre présence. L’objectif était d’entrer dans l’intimité des goélands.

– En réalisant cette passionnante étude, le réalisateur « ethno-globe trotter » que vous êtes, n’avez-vous pas d’autre but que de pointer du doigt les excès de l’activité humaine d’aujourd’hui et son impact désolant sur le milieu naturel ?

Je n’ai pas une âme de procureur, et je ne suis pas un accusateur du genre humain. Dans l’ensemble de mon oeuvre documentaire, j’ai au contraire toujours cherché à démontrer le génie de l’homme et sa capacité à s’adapter, y compris à ses propres erreurs. Je pars pour ceci du principe que les hommes d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que ceux qui ont commis ces erreurs. Deux, parfois trois générations les séparent, et les hommes d’aujourd’hui ont une conscience parfaitement claire de ce qu’il faut faire ou ne pas faire, malgré ce que nombre d’oiseaux de mauvais augure peuvent encore affirmer, y compris parmi les gens qui font mon métier. Marius Gandolfi est un film qui prouve au contraire que la survie dépend uniquement de la capacité d’adaptaion des êtres. Les goélands en donnent un magnifique exemple, mais partout dans le monde, les humains prouvent aussi la leur : la révolte en fait partie!

– Si les hommes prennent la mesure de l’impact dévastateur de leurs déchets, le Gabian va-t-til devoir réapprendre à pêcher? Espoir pour l’humanité ?

Les hommes ont déjà pris cette mesure, puisque les décharges à ciel ouvert sont toutes appelées à disparaître dans les années qui viennent. La fermeture de celle d’Entressen a déjà des conséquences sur la population des gabians, qui a fortement chuté depuis 7 ou 8 ans. Mais la population reste en surnombre, et la seule qui possède une « légitimité » est celle qui niche sur les îles. Il faut parier que la diminution des ressources que représentent les déchets humains poussera l’espèce a modifier à nouveau ses comportements, et oui, je crois que le gabian retrouvera des habitudes plus en accord avec ses formidables qualités d’oiseau de mer.

– Un peu d’étymologie : comment est né le mot « gabian » ?

Alors ça… aucune idée. Que celui qui le sait me le fasse savoir!

Je me suis donc lancée dans une petite recherche dont voici le résultat :
On atteste l’existence du mot « gabian » en langue provençale, à Nice et en languedocien de l’Est. Randle Cotgrave, philologue anglais du 17ème siècle, le mentionne dans son dictionnaire dès 1611 – ce qui  prouve qu’il était un excellent connaisseur de l’occitan.


Gabian est synonyme de douanier ou gabelou et par extension de gendarme. Parfois de voleur (dérision?). Son étymologie remonte au latin « gavia », mouette et sous une forme dérivée « gavina » en italien, catalan et espagnol.

Les étymologistes ne sont pas d’accord sur l’origine du mot gavia. Faut-il le rattacher à « gaba », gorge ou à « gava », cours d’eau ? **

Enfin tout cela ne changera pas le cours des choses ! mouettes, goélands, gabians, tous ces termes désignent bien ceux que l’on cotoie au quotidien aux abords de nos marchés de Méditerranée.

Entretien réalisé par Pernette Zumthor-Masson

Voir Le film en intégralité

** source : http://www.etymologie-occitane.fr/2012/03/gabian-mouette/